L’auteur François Morin, professeur émérite de sciences économiques et ex-membre du Conseil général de la Banque de France n’y va pas par quatre chemins : « ...le monde est au bord d’une catastrophe économique majeure ».
Originellement, les places boursières servaient à financer les entreprises. Maintenant elles sont devenues des parasites de l’économie réelle.
Selon l’auteur, la double libéralisation, celle des taux de change, survenue en 1971 suite à la rupture avec l’étalon or et celle des taux d’intérêt à long terme suite à l’extrême dérégulation des marchés financiers a ouvert la porte toute grande aux spéculateurs. C’est là la racine du mal, la source des crises financières à répétition : la spéculation.
Que font les politiciens ? Au lieu de s’attaquer aux causes de la crise à savoir cette domination des marchés financiers et les exigences insensées des actionnaires, « les décisions du G20 reviennent à essayer de contrôler l’évolution d’une tumeur au lieu de l’éradiquer » L’auteur explique ainsi leur vénalité : « On ne peut en effet qu’être atterré de la façon dont l’hégémonie de la pensée économique standard s’est imposée progressivement aux responsables politiques »
François Morin dénonce « l’emprise véritablement hégémonique de cette pensée dans le champ intellectuel et institutionnel de la profession. C’est en cela que cette pensée manifeste une dangerosité extrême, écrit-il non seulement dans la discipline en tant que telle, mais aussi in fine pour la société tout entière » et clame l’urgence de « changer le logiciel intellectuel des économistes. »
Certains peuvent se demander comment la pensée néolibérale a pu s’imposer avec autant de force ? L’auteur confirme nos soupçons à savoir qu’elle « bénéficie souvent de soutiens financiers considérables. Et notamment de la part des plus grandes banques ! »
Entre les marchés financiers et l’État, « le déséquilibre est croissant en faveur de l’oligopole bancaire » [...] « oligopole particulièrement puissant à l’échelle internationale […] qui n’est évidemment soumis ni à un contrôle politique, ni à fortiori à un contrôle démocratique. »
Pour François Morin, l’enjeu principal c’est « la capacité d’accroître la maîtrise de l’économie par le pouvoir politique » Pour ce faire, il propose plusieurs pistes concrètes et intéressantes de solutions. Face à cette domination insensée du monde financier qui a perdu tout contact avec l’économie réelle, un des scénario de sortie de crise « pourrait bien être alors ce monde sans Wall Street. »
Afin de bâtir ce monde, l’auteur énonce les grands principes d’action dont celui-ci : « les biens communs de l’humanité comme point de départ du débat démocratique ». La monnaie notamment doit retrouver au plus vite affirme l’auteur, son rôle de bien commun de l’humanité. Il souhaite également une gouvernance mondiale ayant une assise démocratique crédible et solide pour la gestion de l’environnement, la fiscalité et la monnaie. Cette gouvernance devrait s’intégrer à des approches nationales et régionales. Pour l’auteur « des pôles financiers publics seraient d’un apport considérable pour promouvoir à grande échelle la finance solidaire, le commerce équitable et surtout les énergies renouvelables » Il recommande aussi l’ancrage local des activités économiques : "produire là où nous consommons et consommer là ou l’on produit. "
Ce livre, très accessible, ne bénéficiera pas uniquement aux économistes de bonne foi, mais à tous ceux et celles qui sentent bien que ce qui se passe actuellement va carrément à l’envers du bon sens et cherchent une sortie de secours.
Un monde sans Wall Street dresse un saisissant portrait de la situation, tant sur le plan diagnostic que sur celui des actions concrètes afin que l’économie retrouve sa place qui est celle d’un moyen au service du mieux-être collectif. Il apporte de l’espoir aux personnes qui croient qu’un meilleur monde est possible.