Tiré de Courrier international.
C’est un texte ratifié en grande pompe dans un Soudan marqué depuis deux ans par des manifestations hebdomadaires contre la junte militaire au pouvoir. Plus de 40 partis, mouvements et groupes professionnels ont en effet signé à Khartoum, ce 5 décembre, un “accord-cadre politique” avec la junte militaire, rapporte Dabanga Sudan.
Du côté de la junte au pouvoir, rapporte l’agence soudanaise Suna, l’accord a été signé par le “président du Conseil de souveraineté transitoire et commandant général des forces armées, le général Abdel Fattah Al-Burhan, et le commandant des forces de soutien rapide, le général Mohamed Hamdan Daglo”. Autrement dit, par les deux hommes forts du pouvoir militaire soudanais.
Selon le site d’information soudanais, cet accord surprise prévoit “une pleine autorité civile à tous les niveaux” et “un Conseil de sécurité et de défense” dirigé par un Premier ministre. Cette feuille de route stipule également que “le Soudan est un État civil, démocratique, fédéral et parlementaire dans lequel la souveraineté appartient au peuple”. Il est également prévu un “transfert pacifique du pouvoir grâce à des élections libres et équitables”.
Un accord incomplet
Malgré l’optimisme affiché par les signataires, des questions importantes telles que la justice transitionnelle et la réforme du secteur de la sécurité doivent encore être résolues dans la deuxième phase de l’accord-cadre. Ces points “litigieux” devraient être discutés et résolus à la fin de décembre.
Sitôt signé, l’accord a été salué par l’Organisation des Nations unies (ONU), qui y voit le moyen d’établir une nouvelle Constitution. Le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a déclaré qu’il espérait que la signature “ouvre la voie au retour à une transition dirigée par des civils dans le pays”. Il a ajouté que l’ONU restait “déterminée à soutenir le processus à venir”.
De son côté, rapporte Dabanga Sudan dans un autre article, Volker Perthes, chef de la Mission intégrée des Nations unies pour l’assistance à la transition au Soudan (MINUATS), a salué l’accord comme “l’aboutissement des efforts soutenus des parties prenantes soudanaises au cours de l’année écoulée pour trouver une solution à la crise politique et rétablir l’ordre constitutionnel, conformément aux exigences d’une transition civile vers les élections et la démocratie”.
Le refus des comités de résistance
Si cet accord vise, selon l’analyse d’Al-Jazeera, à mettre fin à l’impasse politique qui paralyse le pays depuis le coup d’État militaire du 25 octobre 2021, il n’en a pas moins rencontré des résistances dans la population civile.
Car, sitôt annoncé, l’accord a suscité le mécontentement des “comités de résistance”, qui ont organisé une marche de protestation pour condamner l’accord. Appelés aussi “comités de quartier”, ils sont devenus les acteurs centraux des mobilisations actuelles contre le coup d’État au Soudan et restent fermement opposés à tout accord avec les militaires.
Ces groupes, qui ont maintenu une pression civile sur la junte au pouvoir à travers des manifestations hebdomadaires, craignent que l’accord profite à l’armée et au puissant groupe paramilitaire des Forces de soutien rapide (FSR), qui ont tous deux dirigé le putsch, affirme Al-Jazeera. Autre crainte exprimée, celle que cet accord ne constitue qu’un moyen pour les militaires au pouvoir d’échapper à leurs responsabilités, notamment concernant les 120 personnes tuées lors des manifestations anti-coup d’État, affirment Al-Jazeera et Dubanga Sudan.
Le 5 décembre, rapporte Dabanga Sudan, les membres des comités de Khartoum ont marché jusqu’au Palais républicain, dans le centre de la capitale, pour protester contre la signature de l’accord-cadre avec la junte militaire. Les forces ont tiré des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes sur les manifestants.
Courrier international
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