Jusqu’à maintenant, la gestion de Donald Trump semble être basée sur l’opportunisme, souffrir d’un manque de compréhension des grands enjeux politiques et produire des échecs en série. A-t-il amené avec lui un problème connu dans le monde des affaires ?
Une des choses que l’on pourrait déduire de l’intervention éclair des États-Unis en Syrie, c’est que le président américain semble très sensible à la pression du moment. Sa réaction a une frappe chimique de l’armée syrienne qui aurait fait au moins 87 morts et plus de 500 blessés dans le village de Khan Cheikhoun tenu par la rébellion a fait instantanément passer la politique extérieur des États-Unis du blanc au noir. Donald Trump vient de rendre caduque l’idée que la politique américaine était comme un gros navire qui ne changeait de cap qu’avec difficulté et beaucoup de temps. Un peu comme dans un dessin animé, le paquebot américain qui allait vers l’ouest a instantanément viré de cap vers l’est dans la nuit du 7 avril quand le président ordonnait unilatéralement des représailles contre le régime syrien. En moins d’une heure, les États-Unis sont passés de l’isolationnisme et du combat contre l’EI à l’interventionnisme et un affrontement militaire avec la Syrie. Ce revirement pourrait être permanent. Selon l’ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley, les États-Unis sont prêts à d’autres interventions de ce type. L’envoi d’un porte-avion vers la péninsule coréenne pour répondre aux provocations nord-coréennes et la menace d’une action unilatérale moins de deux jours après sa frappe en Syrie contient aussi un message du nouvel interventionnisme américain.
Depuis son élection, le président américain donne tous les indices de naviguer à vue. Cela pourrait être en partie la résultante d’un processus bien connu dans le monde des affaires. Le parcours de vie de l’actuel président américain montre qu’il peut être qualifié d’expert en immobilier et en téléréalité. Sa fortune faite dans l’immobilier lui a donné les bases financières pour se lancer dans la course à la présidence. Ses connaissances en téléréalité l’ont grandement aidé à la lui faire gagner. Il est cependant rendu à une fonction ou ses deux grandes forces sont moins importantes pour avoir du succès. Comme des cadres de très nombreuses entreprises, il pourrait bien avoir été promu jusqu’à son niveau d’incompétence. Cela pourrait expliquer pourquoi Donald Trump a déjà eu des échecs cuisants et fait d’importantes volte-face autant dans sa politique interne que dans ses relations internationales, bien qu’en début de mandat. Cette incompétence à gérer la politique américaine a été mise en évidence quand il n’a pu réaliser une de ses promesses majeures, soit l’abrogation et le remplacement immédiat de l’Obamacare. Le fait que cet échec n’est pas été du au camp adverse, mais au sien qui l’a laissé tombé, milite aussi en faveur d’un manque de compétence politique. D’autres exemples semblent aller dans le même sens. Son utilisation de « faits alternatifs » pendant ses conférences de presse le poursuit actuellement et les journalistes le contredisent régulièrement pendant ses interventions publiques.
Au niveau de la politique extérieure, Donald Trump avait accepté un appel de Taïwan le 3 décembre 2016 et avait alors affirmé que le concept de « Chine unique » était un élément négociable comme un autre. Il a cependant dû, sous la pression directe de la Chine, nier publiquement quelques semaines plus tard toute existence autonome de l’île. En tentant de punir le présumé usage d’armes chimiques par la Syrie, il a aussi fait un revirement de 180 degrés et contredit ses propres actions pendant sa campagne électorale. Il contredisait même ce qu’il avait dit en 2013 quand il était de ceux qui demandaient à Barack Obama de ne pas attaquer la Syrie après une précédente utilisation d’armes chimiques. Le fait que le président ait longuement évoqué la présence d’enfants parmi les victimes et l’effet qu’avaient produit sur lui les images de l’attaque du 4 avril pourraient aussi laisser présager qu’il y a eu en partie une réaction émotionnelle impliquée dans sa décision d’attaque éclair. Ces faiblesses pourraient expliquer pourquoi il a choisi pour le conseiller des personnes capables de le rassurer dans ses fonctions. Il s’est donc entouré de généraux tels, James Mattis, John Kelly et Herbert Raymond McMaster aidé par Keith Kellogg. Les militaires respectent la hiérarchie. Ils sont des experts en gestion de projet et obéissent aveuglément aux ordres.
Actuellement, Donald Trump est l’archétype du shérif qui tire avant et pose des questions après. La meilleure preuve en est que selon la constitution américaine, avant de poser un acte de guerre contre la Syrie, il aurait dû demander la permission au Congrès. Il a plutôt expliqué aux deux chambres deux jours après son intervention pourquoi il a tiré 59 missiles Tomahawk et engagé l’armée américaine contre celle de Bachar al-Assad. Cela n’était cependant pas illégal puisque depuis l’adoption du War Powers Resolution en 1973, le président américain a jusqu’à deux jours après avoir engagé les hostilités pour informer le Congrès et demander son appui. Les frappes américaines en Syrie ont aussi servi a faire de l’ombre a sa rencontre avec son homologue chinois, Xi Jinping, qui s’est tenu dans une des propriétés en Floride du président américain, soit le club de luxe de Mar-a-Lago. Pris dans la guerre en Syrie, les médias n’ont pas beaucoup parlé du fait que cette rencontre n’a rien donné de concret alors que beaucoup en était attendu. Il reste à voir quelle sera la courbe d’apprentissage de Donald Trump dans ses nouvelles fonctions. Comme il n’y a qu’un emploi de président des États-Unis, tous ceux qui l’ont occupé avant lui ont dû trouver une manière d’acquérir rapidement les compétences qui leur manquaient pour bien remplir leurs fonctions. Entre temps, une gestion défaillante peut cependant entraîner des dommages aux intérêts américains, notamment au Moyen-Orient en ce qui concerne la Syrie. La Russie qui a la maitrise des airs en ce pays a très longtemps hésité à s’attaquer à la frange de la rébellion soutenue par Washington. Le chef de l’armée russe Valery Gerasimov et son homologue iranien Mohammad Bagheri viennent cependant d’affirmer qu’en réaction à cette attaque américaine, ils allaient intensifier la lutte contre les groupes armés en Syrie. Les groupes entraînés par la CIA, et la possible démocratie naissante pourraient faire les frais de ce revirement de situation.
Michel Gourd
Un message, un commentaire ?