Édition du 15 avril 2025

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États-Unis

États-Unis : Les scientifiques universitaires muselé.es s’exilent

Les universités aux quatre coins des États-Unis entament une lente chute libre, après les multiples coupes dans le budget de l’État, et l’abolition du département de l’Éducation (DOE), par le président Donald Trump. Depuis le 20 janvier, le milieu scientifique américain s’est vu privé d’un montant de plus de dix milliards de dollars américains.

8 avril 2025 | tiré du Journal des alternatives | Photo : Manifestation Stand for Science, en mars 2025 @ crédit photo Geoff Livingston via Flickr
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Dans la foulée de cette guerre idéologique qui affecte désormais l’éducation, le magazine Nature a recensé les réponses de 1650 chercheuses et chercheurs de différentes universités. Ce sondage visait à savoir combien souhaitent quitter le pays pour s’établir ailleurs. 75 % ont évoqué ce désir, un chiffre représentatif du danger pour ces professionnel.les de communiquer les résultats de leurs recherches sans crainte de représailles.

Une voix cruciale menacée

1900 signataires ont également rédigé une lettre ouverte au peuple des États-Unis afin de dénoncer ces diminutions de budget et cette censure. Rappelons qu’au début du mois de mars, l’administration Trump a dévoilé une liste de 400 mots officiels ou non interdits d’utilisation tant que le président républicain sera à la tête du pouvoir. Des mots comme « pollution », « femme », « Noirs », « inégalité » ou encore « LGBTQ » sont désormais bannis et ne peuvent pas être écrits dans des documents officiels ou de recherche au pays.

Parmi ces réductions, l’institut national de la santé (NIH) et son budget de 47 milliards, a enregistré une perte de près de 9 % en subventions de recherches, dont certaines sur le VIH. L’université Harvard, accusée de ne pas combattre l’antisémitisme sur son campus, pourrait afficher un manque à gagner ou déficit estimé à près de neuf milliards, si l’enquête en cours à ce sujet la reconnaît coupable.

Au pays, ce sont plus de 1,2 million de personnes qui assurent l’avenir de la science, au public comme au privé.

À l’université Johns Hopkins, ce sont 2200 postes abolis, et 800 millions de dollars évaporés pour la recherche. Ces compressions sont dues au démantèlement de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID).

L’Europe et le Canada, nouvelles terres d’accueil

C’est alors que ces deux endroits du monde entrent en jeu, maintenant plus que jamais rapprochés par la polarisation politique des États-Unis. Certaines universités ont décidé d’agir comme refuge pour ces scientifiques qui voient les fonds de leurs études supprimés. Elles proposent des emplois et des subventions afin de leur donner une voix, et la possibilité de poursuivre, en sécurité, leurs recherches.

C’est le cas, notamment, de deux universités françaises ; l’université Aix-Marseille et l’université Paris-Saclay. La première, la plus importante en France, est réputée pour ses programmes de sciences. Son projet Safe Place For Science a permis d’amasser plus de cent candidatures, à l’issue desquelles seulement une quinzaine seront sélectionnés.

Aix-Marseille Université est habituée à faire preuve d’une telle hospitalité. En septembre 2022, son administration a lancé le programme PAUSE, acronyme de « Programme d’accueil en urgence des scientifiques exilés ». Cette initiative vise à accueillir des spécialistes de pays en situation de conflit politique. Depuis, 25 d’entre eux, provenant de l’Ukraine, de la Palestine, du Yémen et de l’Afghanistan y ont trouvé refuge et ont pu continuer leurs travaux de recherche.

La seconde, quant à elle, s’est engagée à financer, au moyen de bourses, des séjours entre quatre mois et un an à des spécialistes des États-Unis. Mais cette idée ne constitue pas la première initiative mise en place par l’établissement parisien pour soutenir le travail scientifique. Grâce au programme « Make Our Planet Great Again », visant à soutenir la recherche sur le climat. Lors du premier mandat de Donald Trump, en 2017, c’est une dizaine de nouvelles têtes qui ont joint leurs connaissances pendant un an.

Au Canada, la Chaire d’excellence en recherche du gouvernement a déjà mis en place son processus de compétition. Son programme, dont la prochaine cohorte sera lancée en 2026, offrira des subventions atteignant un million de dollars par an, pendant huit ans, pour attirer les meilleurs savant.es internationaux. Une telle mesure illustre clairement l’ambition du Canada de devenir un refuge pour une science libre, en opposition marquée à la politique actuelle de Washington.

Par ailleurs, l’Université de Toronto a déjà engagé quelques chercheur.es de l’Université Yale, au Connecticut, pour leur donner un second souffle.

Des décisions à Québec qui n’aident pas !

Au Québec, l’Université de Montréal commence, sous la direction de Frédéric Bouchard, doyen de la faculté des Arts et des Sciences, à trouver certaines figures de référence susceptibles de vouloir quitter les États-Unis. À l’Université Laval, on cherche du financement pour faciliter leur arrivée. Ces procédures rencontreront, en revanche, un obstacle de taille.

En février dernier, le gouvernement Legault a rectifié sa liste de professions admissibles au traitement simplifié d’immigration, supprimant ainsi 189 postes. Et les professeur.es et chargé.es de cours universitaires n’y figurent plus, ce qui pourrait rendre la tâche plus laborieuse pour engager ces spécialistes.

L’Université Concordia a déploré cette action en précisant que la province se place désormais dans une position défavorable pour recevoir ces spécialistes étrangers. Avec ces restrictions, c’est la diversité professionnelle universitaire qui est mise en danger.

L’effritement de cette liberté de recherche et d’expression est devenu une si grande menace, que la fuite des têtes pensantes américaines ne peut plus être perçue comme une hypothèse. C’est une onde de choc qui résonne au-delà des frontières états-uniennes.

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Nicolas de Bellefeuille

Stagiaire chez alter.quebec

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