Édition du 15 avril 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

La riposte contre l'assaut MAGA

Depuis que Trump est revenu au pouvoir et qu’il a fait appel à l’oligarque milliardaire Elon Musk et à son équipe de hackers pour mener une opération de démantèlement de nombreux programmes et organes du gouvernement fédéral, le président et son équipe ont lancé une offensive tous azimuts, avec pour but de désorienter l’opposition par un tir de barrage de déclarations scandaleuses, de décrets illégaux, de licenciement de milliers de travailleurs du gouvernement fédéral et de coupes dans le financement des services.

Mercredi 2 avril 2025 / DE : East Bay Syndicalists Group
Source : Publication originale de Z. À diffuser sans restriction.
Traduction JOhan Wallengren

Le régime en place poursuit une stratégie conçue pour étourdir, désorienter et submerger les médias et l’opposition en attaquant massivement sur tous les fronts (les maîtres mots sont « flood the zone », pour la surcharge d’information souvent contradictoire, et « shock and awe » pour le choc et la sidération produits par une attaque concentrée). Terroriser jusqu’à la paralysie sous un feu nourri de menaces et de tactiques d’intimidation, tel est le modus operandi. Dans ces conditions, il importe plus que jamais d’insister sur le fait que nous avons le pouvoir de contre-attaquer, à condition de nous organiser et de nous mobiliser de manière à réunir une force collective.

Dans la structure constitutionnelle américaine, le Congrès a le pouvoir d’allouer des fonds, d’adopter des lois et de créer des agences et des conseils administratifs indépendants et une fois que cette autorité a statué, un président ou les membres de son cabinet ne peuvent pas simplement fermer des agences ni rediriger des financements comme bon leur semble. Ce serait illégal. Déjà, la loi de 1974 sur le contrôle des saisies (Impoundment Control Act) exige du président qu’il dépense chaque cent que le Congrès a affecté à un objectif donné. Dans une récente mise en garde adressée à M. Trump, la sénatrice républicaine Susan Collins a eu ces mots : « Tout comme le président ne dispose pas d’un droit de veto direct, il n’a pas la possibilité de choisir les dépenses d’urgence qu’il souhaite engager ». Et cela vaut pour toutes les dépenses que le Congrès affecte à un objectif particulier.

Mais Trump rejette ces dispositions de la Constitution. « Je suis la loi », s’est-il permis de déclarer. L’administration Trump doit maintenant faire face à un nombre considérable de poursuites judiciaires. Les seules poursuites pour licenciement abusif sont susceptibles de coûter de nombreux millions de dollars aux contribuables. Comme l’a dit un avocat spécialisé dans le droit du travail : « Ces licenciements effectués sans respecter la loi auront pour conséquence que des milliers d’employés fédéraux mis à pied pourront réclamer des arriérés de salaire, des intérêts, des avantages sociaux et des frais d’avocat. Lorsque la facture arrivera, elle sera monumentale ».

Les violations de la loi sont une caractéristique intentionnelle du régime MAGA – il s’agit d’une tentative de faire sauter les garde-fous de la constitution américaine – en vue d’établir un pouvoir présidentiel unitaire et autocratique. Comme la constitution américaine n’est pas des plus démocratiques et que le président se trouve en position de décideur en chef, le danger a toujours été là, en latence. Trump a sans doute anticipé les contestations juridiques qui percolent actuellement dans les tribunaux. Un juge fédéral a ordonné la réintégration de milliers d’employés fédéraux dans une cause portée devant la justice par le syndicat des employés fédéraux, l’American Federation of Government Employees. Un autre tribunal a ordonné la réintégration du personnel d’autres organes gouvernementaux dans le cadre d’un procès intenté par les gouvernements des États. Trump a fait appel de cette décision, mais a dû accepter de réembaucher 25 000 personnes qui avaient été licenciées. L’administration MAGA espère pouvoir faire sauter des garde-fous constitutionnels établis de longue date avec l’aide des valets politiques de droite à la Cour suprême et de la veule majorité républicaine au Congrès.

L’intimidation est une autre tactique MAGA. Reuters a rapporté que plusieurs juges fédéraux de la région de Washington avaient reçu des pizzas envoyées anonymement à leur domicile. La police a interprété ces gestes comme « une forme d’intimidation destinée à faire comprendre que l’adresse d’une cible est connue. » Le régime Trump est également en position d’exiger du congrès républicain, qui lui est acquis, entériner ses décisions.

Elon et ses rats musqués prétendent débusquer « corruption, fraude et gaspillage ». Or, Trump a illégalement licencié les chiens de garde indépendants chargés de véritablement faire avec minutie la chasse « à la corruption, à la fraude et au gaspillage ». Au fil des ans, le Congrès a mis en place divers conseils administratifs dont les mandats peuvent déborder des quatre années des mandats présidentiels, le but visé étant de protéger leur indépendance. Le Conseil national des relations du travail (National Labor Relations Board, NLRB), par exemple, peut offrir une certaine protection aux travailleurs, comme la réintégration s’ils sont mis à la porte pour avoir « parlé syndicat ». Or, Trump a illégalement licencié un membre du NLRB et nommé à sa place un hacker antisyndical. Trump a également émis un décret illégal privant de nombreux employés fédéraux de droits syndicaux ou de négociations collectives. Selon Labor Notes, « les premières estimations indiquent que cette mesure concerne 700 000 à 1 million de travailleurs fédéraux, notamment au sein de l’Administration des anciens combattants (U.S. Department of Veterans Affairs, VA) et dans les départements de la défense, de l’énergie, de l’État, de l’intérieur, de la justice, du Trésor, de la santé et des services sociaux, et même de l’agriculture. » Cette attaque n’est pas sans rappeler le coup de force de Reagan contre le syndicat des contrôleurs aériens en 1981. Pour l’instant, Trump ne s’en est pas pris aux syndicats de la poste. Or, le demi-million de travailleurs postaux constitue la plus grande force de travail syndiquée du gouvernement fédéral.

L’opération de démolition de Trump-Musk a également visé le Conseil de protection financière des consommateurs (Consumer Financial Protection Board), qui a veillé à restituer des millions de dollars à des personnes qui s’étaient vu imposer des frais bancaires illégaux ou avaient été victimes d’autres escroqueries de la part d’entreprises. Un juge est intervenu pour bloquer ces mesures, mais Trump fait appel de ces décisions judiciaires. Trump s’est aussi emparé illégalement de la poste en limogeant le conseil d’administration de l’US Postal Service.

Les licenciements ont déjà des effets néfastes. Le nouveau patron placé par Trump à la tête de la VA, Doug Collins, prévoit supprimer 80 000 emplois au sein de l’administration des vétérans. Parmi les mille premiers employés de la VA qui ont perdu leur emploi se trouvaient « des employés travaillant sur les traitements pour les vétérans atteints de cancer, ayant des problèmes respiratoires, vivant avec des membres manquants ou souffrant d’une addiction aux opioïdes ». Le ministère de l’Agriculture a été contraint de réembaucher 6 000 employés qui avaient été démis de leurs fonctions, principalement des agents d’entretien des forêts du Service des forêts (Forest Service), après qu’un organisme public défendant les droits des fonctionnaires américains, le Merit Systems Protection Board, a ordonné leur réintégration. Parallèlement, Leland Dudek – le nouveau patron de la sécurité sociale (Social Security Administration, SSA) désigné par Trump – prévoit licencier la moitié des 60 000 employés de cette administration et de fermer de nombreux bureaux de sécurité sociale. Il sera donc très difficile pour les personnes qui viennent de partir à la retraite de s’acquitter des formalités pour recevoir leurs paiements ; les temps d’attente dans les bureaux de la sécurité sociale deviendront insupportables. Le sous-financement des services est utilisé par les administrations de droite pour diminuer le soutien du public et préparer le terrain à la privatisation. Or, la privatisation de la sécurité sociale est un objectif de Wall Street depuis des décennies.

Une autre mesure illégale est le décret de Trump qui exigerait une pièce d’identité avec photo conforme aux normes dites « Real ID » pour pouvoir voter. L’obtention d’une telle pièce d’identité nécessite des documents que certains ne possèdent pas, ainsi qu’un déplacement au bureau des immatriculations (Department of Motor Vehicles, DMV), ce qui peut s’avérer coûteux pour des personnes démunies. Cela constituerait une violation de l’amendement constitutionnel interdisant l’imposition d’une taxe de vote. Le décret est illégal, car ce sont les États qui déterminent les conditions d’admission au vote. Comme d’autres mesures de suppression des votes, il s’agit d’une tentative d’enracinement du pouvoir républicain. Les républicains ont également présenté au Congrès la loi SAVE (Safeguard American Voter Eligibility), qui pourrait priver des millions de personnes de leur droit de vote faute de pouvoir accomplir les formalités exigées.

Les diatribes contre l’« État profond » masquent des attaques contre les services publics.

En tant qu’anarcho-syndicalistes, nous sommes opposés à l’État bureaucratique à hiérarchie verticale. D’une part, l’État est un vecteur d’oppression des travailleurs – par la subordination des travailleurs à la hiérarchie managériale descendante de l’État. Mais nous ne sommes pas opposés aux services publics ; au contraire, nous voulons qu’ils soient étendus – comme l’éducation gratuite pour les étudiants à tous les niveaux, les soins de santé universels gratuits pour tous et l’avortement gratuit sur demande. Dans notre vision des choses, les hôpitaux, les cliniques et les usines de médicaments du pays seraient autogérés par le biais d’un organisme démocratique contrôlé par les travailleurs, et non par une bureaucratie managériale à hiérarchie descendante. Nous envisageons que les services postaux soient également gérés par une organisation du personnel démocratique et contrôlée par les travailleurs. De façon générale, nous sommes favorables à une réorganisation de l’ensemble de l’économie sur la base de l’autogestion des travailleurs – avec une prise de décision distribuée – unie dans une fédération sociale en remplacement des grandes entreprises et l’État bureaucratique à hiérarchie descendante.
Nonobstant les dénonciations MAGA d’un supposé « État profond » opérant dans l’ombre, l’offensive est une attaque directe contre les services publics fournis par le gouvernement fédéral – de la « pension du peuple » (sécurité sociale) aux services médicaux fournis par l’AV ou le programme d’assurance-maladie Medicaid, en passant par les aides financières aux étudiants. Les personnes limogées, loin d’appartenir à quelque obscur centre décisionnel, sont les travailleurs censés faire le travail et fournir les services publics auxquels les Américains devraient normalement pouvoir s’attendre.

Depuis plus d’un siècle, le personnel politique qui dirige le gouvernement fédéral joue le rôle de médiateur entre les revendications de la classe moyenne et de la classe ouvrière, d’une part, et l’oligarchie capitaliste qui est le pouvoir dominant dans ce pays, d’autre part. Les personnes qui dirigent l’État doivent pouvoir être en mesure de gouverner. Réduire le niveau d’agitation sociale et les mouvements de masse rend leur travail moins difficile à exécuter. Ainsi, la sécurité sociale, le salaire minimum légal, les protections juridiques minimales offertes en vue de permettre des recours sur le lieu de travail et une syndicalisation des travailleurs en vertu de la loi nationale sur les relations de travail (National Labor Relations Act) sont autant de concessions obtenues grâce à la rébellion massive de la classe ouvrière – vagues de grèves massives, luttes contre les expulsions et ainsi de suite – au cours des années 1930. Une vague massive de grèves pendant la Première Guerre mondiale pour réclamer la journée de travail de huit heures a permis de rallier le gouvernement à la cause. Les mouvements sociaux, les grèves sauvages et les rébellions urbaines des années 1960-1970 ont permis d’ajouter de nouveaux programmes fédéraux en guise de concessions aux mouvements sociaux de l’époque – tels que les lois sur les droits civiques, Medicare, les lois sur la pureté de l’air et de l’eau et la création de l’Agence pour la protection de l’environnement (Environmental Protection Agency) et de l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (Safety and Health Administration). Les diverses « minorités militantes » de la gauche radicale qui se sont illustrées ont joué un rôle important dans l’éducation et l’organisation populaires.

Mais ces dernières années, le mouvement syndical s’est essoufflé. Malgré les efforts prometteurs déployés par les travailleurs au bas de l’échelle pour créer des syndicats, seuls 6 % des travailleurs du secteur privé sont syndiqués. En ajoutant les syndiqués du secteur public, on arrive à un chiffre de 10 % de l’ensemble des salariés.

La gauche radicale aux États-Unis est également très affaiblie. L’autoritarisme et les échecs du socialisme d’État au 20e siècle ont eu tendance à saper le soutien au socialisme, même si certaines factions de la gauche s’accrochent aux idées obsolètes de cette époque.

Une frange de capitalistes américains, avec leurs think tanks et leurs partisans des médias sociaux, considèrent la faiblesse actuelle de la gauche et du mouvement ouvrier comme une opportunité – une opportunité pour un assaut politique majeur contre tous les programmes du gouvernement fédéral résultant des concessions accumulées aux époques précédentes de luttes ouvrières et de mouvements de masse.

Une convergence de courants d’extrême droite

Au cours des dernières décennies, une faction de l’oligarchie américaine a progressivement contribué à financer un mouvement d’extrême droite de masse qui s’est mué en MAGA. Bien que ce mouvement diffère du fascisme classique des années 1920 et 1930, il présente un certain nombre de similitudes frappantes.

Dans les décennies qui ont précédé la Seconde Guerre mondiale, le fascisme était un mouvement de masse voué à écraser le mouvement socialiste en expansion et le mouvement ouvrier en voie de radicalisation, qui étaient perçus comme une grave menace pour le système capitaliste. La menace néo-fasciste MAGA actuelle diffère de cette forme antérieure de fascisme en ce sens qu’il n’existe pas aujourd’hui de mouvement socialiste fort ou de militantisme ouvrier puissant qui puisse représenter une telle menace actuelle pour le capitalisme.

Mais il y a des similitudes : Par exemple, le recours à l’intimidation et aux menaces de poursuites à l’encontre des « ennemis » perçus et la confiance dans le potentiel d’action violente des groupes d’autodéfense. Selon des sondages récents, 11 % des adultes aux États-Unis jugent légitimes les attaques extraconstitutionnelles violentes contre des ennemis politiques présumés. Ce même sondage a révélé que 14 % des personnes interrogées soutiennent la violence armée extraconstitutionnelle et sont donc même favorables aux grâces accordées aux personnes condamnées pour violence lors de l’attaque du 6 janvier 2021 contre le Capitole des États-Unis. En outre, 14 % d’entre eux sont également en faveur du fait que Trump passe outre la constitution américaine existante en refusant de reconnaître l’autorité des tribunaux ou l’État de droit, définissant ainsi la présidence comme un pouvoir autocratique. Ce sont là des vues explicitement fascistes.

Tout comme le mouvement MAGA a été financé par des secteurs du capital privé de diverses manières, les mouvements fascistes antérieurs ont souvent bénéficié d’un financement initial ou d’un soutien de la part d’éléments de l’élite capitaliste. La classe des petites entreprises représente le principal groupe d’électeurs de masse du mouvement MAGA, comme cela était également le cas pour les mouvements fascistes classiques.

Le mouvement MAGA fait souvent des allégations absurdes en prétendant que le régime réglementaire modéré appliqué par le parti démocrate est « socialiste » ou « communiste ». Pourquoi ? Pour l’expliquer, il faut examiner les tendances idéologiques qui ont convergé dans le mouvement MAGA. L’opposition extrémiste à l’utilisation du gouvernement comme moyen de protéger la société en réglementant les activités destructrices du capital ou en fournissant des systèmes de prestations sociales a une longue histoire aux États-Unis. Le mot liberal (libéral) est initialement apparu aux États-Unis en tant que terme politique pour désigner une nouvelle faction du parti républicain dans les années 1870. Les « libéraux » critiquaient les gouvernements républicains du Sud, dirigés par des Noirs, qui tentaient de fournir des terres et des services (comme des écoles) à la population noire récemment libérée. Les libéraux s’opposaient à toute action gouvernementale visant à fournir des prestations publiques ou à toute loi visant à réglementer le travail, comme les lois sur les huit heures ou le travail des enfants. L’un des partisans les plus connus de ce point de vue est William Graham Sumner, professeur à Yale, qui a acquis une large audience grâce à ses essais populaires. Sumner s’opposait à toute aide sociale en faveur des personnes qu’il jugeait « faibles » ou « inférieures » – les pauvres, la classe ouvrière, les Noirs, les femmes. Pour Sumner, la concurrence vue comme une lutte à mort (« dog eat dog ») du capitalisme de laissez-faire était « l’ordre naturel » dans lequel la « lutte pour l’existence » devait se déployer.

Cette forme extrême de libéralisme de laissez-faire concernait une faction minoritaire du parti républicain dans les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. Dans les années 1960, Murray Rothbard et d’autres ont décidé de remettre cette ancienne forme de libéralisme au goût du jour et de la désigner comme libertarienne (« libertarian »). C’est de ce mode de pensée que découle l’affirmation MAGA selon laquelle les systèmes de prestations publiques et la réglementation du capitalisme sont « socialistes » ou « communistes ». Pour certains républicains, seul le laisser-faire, la « lutte de tous contre tous », est le « vrai » capitalisme. Cette opposition extrémiste à toute réglementation gouvernementale séduit une grande partie de la classe des petites entreprises qui craignent le poids des réglementations gouvernementales et détestent les syndicats. Mais certains éléments de l’oligarchie capitaliste ont également considéré les systèmes de prestations élargies et les réglementations environnementales des années 1960 et 1970 comme une « attaque contre le système de la libre entreprise » – ce dont fait foi le célèbre mémo de Lewis Powell en 1971, alors qu’il était l’un des dirigeants de la Chambre de commerce.

Dans la forme extrême du « libertarianisme », comme l’« anarcho-capitalisme » de Rothbard, la proposition consiste à supprimer la démocratie et à privatiser les fonctions de l’État, comme la propriété directe de la police et des tribunaux par l’oligarchie capitaliste. Cette fusion du pouvoir privé et public rend cette idéologie néo-féodale. La séparation d’un domaine public géré par un gouvernement « démocratique » et des libertés civiles est un élément clé qui différencie le capitalisme du 19e siècle de la société féodale qui l’a précédé.

La philosophie néo-fasciste des « lumières obscures » de Curtis Yarvin, élaborée au début des années 2000, est une évolution de ce milieu « anarcho-capitaliste » – particulièrement présent dans l’environnement techno-capitaliste californien. Yarvin considère l’évolution libérale vers l’État régulateur comme l’« échec » de l’humanisme des Lumières et du libéralisme. Celui-ci est ingénieur en logiciel et philosophe pour le PDG milliardaire de Palantir, Peter Thiel. Il propose de supprimer la démocratie et de réorganiser le monde en un univers néo-féodal et multipolaire d’autocraties contrôlées directement par l’oligarchie et dirigées par des autocrates de type PDG. Dans son plaidoyer en faveur de la « science de la race », il est aussi explicitement raciste.

Le soutien financier de Peter Thiel a joué un rôle important dans la carrière politique de JD Vance. Vance et Musk sont tous deux des adeptes de l’idéologie de Yarvin. L’opération de démolition de Musk au sein du gouvernement fédéral peut être considérée comme une tentative de mettre en œuvre le plan RAGE (Retire All Governmental Employees) de Yarvin visant à mettre à pied tous les employés gouvernementaux. Dans d’autres déclarations, Musk a admis que DOGE n’avait pas pour but d’économiser de l’argent mais de « détruire une base de pouvoir pour le libéralisme ».

Pete Hegseth a son engagement idéologique gravé dans la peau, comme le montrent ses tatouages nationalistes chrétiens. Les nationalistes chrétiens soutiennent le projet 2025, qui prévoit également le licenciement d’un grand nombre de fonctionnaires. C’est là que l’on constate la convergence de diverses idéologies d’extrême droite. Comme mis de l’avant dans un article récent sur un site de la droite religeuse américaine, le nationalisme chrétien est « la notion anti-démocratique selon laquelle l’Amérique est une nation par et pour les chrétiens exclusivement. Le nationalisme chrétien est une idéologie qui contribue à la pratique de la droite religieuse consistant à contourner les lois et les réglementations visant à protéger une démocratie pluraliste, telles que les protections contre la discrimination envers les personnes LGBTQI+, les femmes et les minorités religieuses. L’idéologie patriarcale de la droite religieuse est à la base de la guerre contre l’avortement.

Le mouvement MAGA diffère du fascisme des années précédant la Seconde Guerre mondiale par sa volonté de contrôle direct du pouvoir d’État par des éléments de l’oligarchie capitaliste. Non seulement le régime parachute l’homme le plus riche du monde pour « faire exploser l’État administratif  », mais le cabinet Trump compte 13 milliardaires. Cela correspond davantage à l’idéologie « anarcho-capitaliste » enracinée dans l’ère du capitalisme des barons voleurs de l’âge d’or de la fin des années 1800.

Il n’en demeure pas moins que la stigmatisation de minorités (on pense notamment à l’acharnement obsessionnel contre les personnes transgenres), les attaques contre les immigrants, le racisme et la misogynie (à peine voilés) du mouvement MAGA sont similaires au fascisme classique, tout comme les méthodes d’intimidation et les menaces de poursuites de l’État contre les « ennemis » politiques. La suppression des termes « justice climatique » et « DEI » (diversité, équité et inclusion) des sites web fédéraux est une forme de novlangue à la Orwell.

Les États-Unis ont été fondés sur une idéologie de suprématie blanche qui justifiait l’asservissement des populations africaines et l’accaparement des terres par la spoliation des communautés autochtones. Cette idéologie a profondément marqué les esprits de la population blanche des États-Unis. Du mouvement abolitionniste du 19e siècle au mouvement pour la liberté des Noirs des années 1960, les pratiques racistes systémiques ont été combattues sur une longue période.

Cependant, les progrès réalisés en ce qui concerne l’amélioration des opportunités pour les groupes non blancs aux États-Unis – en matière d’embauche, de prêts bancaires ou d’éducation – ont été mal perçus par une fraction non négligeable de la population blanche, et le mouvement MAGA attire ces personnes. De nombreux partisans MAGA décrivent ces efforts comme du « racisme contre les Blancs ». L’embauche d’une femme ou d’une personne de couleur noire peut être délégitimée parce qu’on lui attribue une « origine DEI ». Le racisme est également implicite dans la haine des systèmes de prestations publiques qui pourraient bénéficier à « ces gens-là » (les groupes méprisés par le noyau dur MAGA). L’idéologie suprématiste blanche était explicite dans le récent décret de Trump attaquant le complexe muséal Smithsonian Institution de Washington. Trump s’en est particulièrement pris à une exposition intitulée The Shape of Power : Stories of Race and American Sculpture (La forme du pouvoir : histoires de race et de sculpture américaine) et en particulier à cette phrase : « La race est une invention humaine ». Trump aurait en particulier déclaré que cette exposition « promeut l’idée que la race n’est pas une réalité biologique mais une construction sociale ». Pour lui, mettre le doigt sur la réalité du racisme, du sexisme ou d’autres formes d’oppression serait errer par « révisionnisme historique », selon ses propres mots. À n’en point douter, la race est une invention. L’élite coloniale en Amérique du Nord a conçu l’idée d’une division entre « race blanche » et « race noire » à la fin du 17e siècle pour justifier la mise en place d’un système d’esclavage à vie réservé aux personnes d’ascendance africaine. Or, les organisations professionnelles de biologie et d’anthropologie se sont prononcées sur la question de la race, considérant que ce concept repose sur une pseudo-science, la notion de race biologique n’ayant aucun fondement empirique. Il s’agit d’un mythe créé pour servir les intérêts des colonisateurs et des propriétaires de plantations exploitant des esclaves.

Le ministère de la défense, sous la direction de Pete Hegseth, dans le cadre de sa croisade anti-DEI, a pris l’initiative de supprimer des milliers de pages de texte et d’images de femmes, de Navajos, d’Américains d’origine japonaise et de militaires noirs des sites web du gouvernement (certaines de ces pages ont été rétablies sous la pression de l’indignation populaire). Le secrétaire de presse du Pentagone, John Ullyot, a déclaré ce qui suit à NBC News : « La notion d’IED est morte au Département de la Défense (Defense Department). L’idéologie discriminatoire de l’équité est une forme de marxisme culturel « woke »qui n’a pas sa place dans notre armée. Elle divise la force, érode la cohésion de l’unité et interfère avec la mission principale de combat de nos forces ». Le « marxisme culturel » est une théorie du complot néo-fasciste antisémite qui considère qu’un petit groupe d’intellectuels marxistes (l’École de Francfort) est en quelque sorte responsable des soulèvements urbains, des luttes pour les droits civiques et des mouvements sociaux des années 1960. Pour ce qui est de « diviser la force », c’est ce que font le racisme et la misogynie.

Bien que le mouvement MAGA qui s’est aggloméré autour de Trump présente des caractéristiques néo-fascistes, le régime Trump opère toujours – plus ou moins – dans le cadre de la structure gouvernementale américaine héritée du passé et n’a pas complètement mis en œuvre une autocratie gouvernementale fasciste. De fait, nous constatons une certaine résistance de la part des juges et des gouvernements des États et des collectivités locales. Et des manifestations de rue anti-MAGA ont lieu dans tout le pays.

L’attaque MAGA contre la transition écologique

La lutte contre le réchauffement climatique est essentielle pour veiller à ce qu’une planète vivable soit léguée aux générations futures. Le réchauffement climatique est en bonne partie généré en brûlant des combustibles fossiles. À mesure que la pollution due aux combustibles fossiles cuit la planète, les meurtrières vagues de chaleur et tempêtes se feront de plus en plus fréquentes et puissantes, et le niveau des mers s’élèvera. L’un des objectifs généraux visé par le mouvement pour la justice climatique est de parvenir à des émissions de dioxyde de carbone nettes nulles d’ici à 2050. Mais le secrétaire à l’énergie de Trump, Chris White, juge que le « Net Zero 2050 » est un « objectif sinistre ». Trump a qualifié le réchauffement climatique de « canular ».

L’industrie des combustibles fossiles et ses think tanks généreusement dotés constituent un autre fil conducteur de l’idéologie néo-fasciste contemporaine. De fait, l’extrême droite s’attaque au consensus scientifique qui fournit des informations sur l’urgence que constitue le problème du réchauffement climatique et soutient l’objectif de l’industrie des combustibles fossiles de continuer à tirer profit de la production d’émissions qui font cuire la planète. Et ce n’est pas là une position exclusivement MAGA. Le parti néo-fasciste Alternativ für Deutschland, en Allemagne, se chauffe du même bois.

L’administration Trump s’est engagée dans une virulente offensive d’envergure contre le mouvement opposé à la pollution par les combustibles fossiles et en faveur de la transition verte. Le régime MAGA voit au licenciement de milliers d’employés chargés de surveiller l’évolution de la pollution et de collecter des données pour l’Agence de protection de l’environnement (Environmental Protection Agency, EPA), l’Administration nationale océanique et atmosphérique (National Oceanic and Atmospheric Administration), ainsi que d’autres organes gouvernementaux. Selon un rapport récent, les abolitions de postes prévues à l’EPA élimineront le bureau de recherche scientifique et pourraient « supprimer les emplois de plus de 1 000 scientifiques et autres employés contribuant à fournir les bases scientifiques des règles protégeant la santé humaine et les écosystèmes contre les polluants environnementaux ». Seraient visés plus d’un millier de chimistes, de biologistes, de toxicologues et d’autres scientifiques, soit 75 % du personnel du programme de recherche.

La loi sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act, IRA) a constitué un premier pas imparfait sur la voie d’une transition verte, sur le chemin vers la substitution des énergies renouvelables aux combustibles fossiles. Ces jours-ci, le régime Trump cherche par des moyens illégaux à empêcher que des subventions soient distribuées dans le cadre de l’IRA pour financer des programmes prévoyant des aides pour les installations solaires dans des communautés à faible revenu et le remplacement des systèmes de chauffage au gaz par des pompes à chaleur. Du Maine à l’Alaska, des projets visant à réduire les émissions de dioxyde de carbone des flottes de pêche grâce à des systèmes de réfrigération plus efficaces se voient désormais privés du financement qui leur avait été promis. Le régime MAGA a également retiré les États-Unis d’un fonds international destiné à indemniser les pays les plus pauvres pour les dommages causés par le réchauffement climatique.

Le régime MAGA a également pris des mesures pour éliminer les chargeurs de véhicules électriques sur les lieux des bâtiments gouvernementaux. Comble de la folie, le FBI a gelé le compte bancaire d’Habitat for Humanity (Habitat pour l’humanité), l’accusant, ainsi que plusieurs autres institutions telles que la DC Green Bank (banque verte de Washington), de « conspiration visant à frauder le gouvernement » en obtenant des subventions dans le cadre de l’IRA. Le raisonnement est que si Habitat for Humanity souhaite utiliser les fonds distribués pour améliorer l’efficacité des habitations ou installer des panneaux solaires ou des pompes à chaleur, il s’agit d’une « fraude », eu égard à l’a priori que le réchauffement climatique serait un « canular ». Ces poursuites du FBI seront probablement rejetées par les tribunaux. La juge fédérale Tanya Chutkan a déjà exigé des preuves de fraude ou d’illégalité. Mais en attendant, les organismes visés devront dépenser de l’argent en frais de justice ; il s’agit donc d’une forme d’intimidation.

La Pax Americana dynamitée

Depuis la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis – puissance impérialiste dominante au plan mondial– ont régné comme un hégémon. Dans l’histoire antérieure, les empires se construisaient par la conquête militaire, le colonialisme et les barrières commerciales mercantilistes ayant pour fonction de conserver le butin impérial pour soi et d’en priver les autres pays.

Mais les États-Unis ont créé un nouveau type d’impérialisme. Durant les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, l’élite capitaliste américaine et sa nomenklatura n’ont pas ménagé leurs efforts pour conclure des pactes commerciaux et des alliances militaires afin d’intégrer les autres élites capitalistes dans un système supervisé par les États-Unis. Les États-Unis ont également construit une marine très puissante et un vaste réseau de bases militaires dans le monde entier. L’OTAN, en tant qu’alliance, a servi à sécuriser le capitalisme d’Europe occidentale par la protection militaire américaine. Cela a permis aux pays capitalistes européens de dépenser moins d’argent pour développer leur force militaire. Du fait que les puissances européennes et d’autres pays achetaient des équipements militaires construits aux États-Unis, les coûts des nouveaux systèmes d’armement étaient répartis entre plusieurs pays et les États-Unis y ont beaucoup gagné en créant ainsi une énorme industrie nationale de l’armement. Cela aurait été beaucoup plus coûteux pour les États-Unis s’ils avaient dû faire cavalier seul.

Une caractéristique étrange du régime MAGA est la façon dont il fait voler en éclats la Pax Americana. Une faction de l’oligarchie américaine semble être arrivée à la conclusion que c’est « trop cher ». Ils ne se rendent pas compte que la richesse et le pouvoir du régime capitaliste américain depuis la Seconde Guerre mondiale ont été construits sur l’agrégat de ce réseau complexe d’alliances militaires et de relations commerciales. Ils envisagent un retour à une ère antérieure où le chacun pour soi régnait parmi les puissances impérialistes. Les pressions MAGA exercées pour que les États-Unis fassent cavalier seul semblent refléter à la fois la crise du capitalisme mondialiste américain et la mentalité insulaire de « l’Amérique d’abord » (America First), ainsi que la vision de Curtis Yarvin d’un monde multipolaire d’autocraties contrôlées directement par l’oligarchie locale.

L’attaque du régime MAGA contre la Pax Americana prend diverses formes – de l’utilisation mafieuse par Trump des menaces de tarifs douaniers comme arme d’intimidation et de l’instrumentalisation de ceux-ci pour battre en brèche les relations avec les principaux partenaires commerciaux des États-Unis (Canada, Mexique et Europe) aux menaces de conquêtes impérialistes du Groenland et du canal de Panama, en passant par la destruction des programmes d’aide humanitaire de l’USAID, le discours de retrait de l’OTAN et de la fin à la participation à la défense de l’Europe et la volonté de Trump d’abandonner l’Ukraine à la conquête impérialiste de Poutine.

En tant qu’anarcho-syndicalistes, nous sommes des opposants à l’impérialisme américain. Nous proposons plutôt un internationalisme de solidarité transfrontalière de la classe ouvrière. C’est pourquoi nous nous joignons aux syndicats, aux socialistes et aux anarchistes ukrainiens pour soutenir la résistance militaire de l’Ukraine face à la quête impérialiste de Poutine de conquérir l’Ukraine. Nous suivons en cela l’exemple du militant anarchiste Errico Malatesta qui a soutenu la résistance arabe à la conquête par l’Italie de la Libye en 1911.

L’USAID a été une forme relativement peu coûteuse du « soft power » américain qui a permis d’acheter le soutien d’organisations et de pays par le biais de ses programmes d’assistance médicale et alimentaire. La gauche radicale a longtemps critiqué la façon dont l’USAID a été utilisée pour soutenir des groupes antisocialistes et des syndicats de droite. Mais la destruction des programmes d’assistance médicale et alimentaire de l’USAID par la bande de démolisseurs de Musk a des conséquences destructrices pour les pauvres dans les camps de réfugiés et ailleurs. L’annulation de 5 000 contrats avec des organisations à but non lucratif luttant contre le SIDA en Afrique signifie que des personnes séropositives n’auront plus accès à des médicaments rétroviraux empêchant cette maladie de se développer. Des gens vont mourir à la suite de l’arrêt soudain de l’aide médicale et alimentaire.

L’éclatement du système d’alliances et des relations commerciales établies sera très destructeur pour les États-Unis. L’industrie américaine de l’armement perdra de nombreux contrats lucratifs. Le Portugal a récemment annulé ses achats d’avions de chasse F-35, par exemple, ce qui entraînera des licenciements. Les mesures de rétorsion et les boycotts de consommateurs, que ce soit au Canada ou en Europe, entraîneront une baisse des échanges commerciaux et les droits de douane imposés par Trump feront augmenter les prix. Les droits de douane sont payés par les importateurs américains, qui répercuteront les coûts. Les droits de douane élevés sur les importations de l’industrie automobile en provenance du Mexique et du Canada entraîneront une hausse considérable des prix des voitures.

Les républicains vont affirmer que l’augmentation des prix des importations stimulera la production américaine. L’idée est qu’un prix plus élevé pour les produits importés les rend moins compétitifs par rapport aux produits fabriqués aux États-Unis. Mais les installations de production sont un investissement coûteux qui ne peut être rentable qu’à long terme. Les droits de douane peuvent être facilement supprimés à l’avenir et n’offrent donc pas aux investisseurs de garantie suffisante pour faire des investissements massifs.

Le licenciement de milliers d’employés fédéraux contribuera à réduire la demande des consommateurs. Si l’on ajoute à cela la perte de contrats militaires et l’inflation due aux droits de douane, une récession est très probable.

Se mobiliser pour une riposte efficace

Trump et son équipe ont poursuivi une stratégie de choc et de sidération (« shock and awe ») caractérisée par un flux constant d’attaques ciblant de nombreux groupes différents – de la rafle illégale d’immigrants légaux titulaires d’une carte verte à l’interdiction illégale des droits syndicaux pour les travailleurs fédéraux, en passant par le licenciement de milliers de ces travailleurs, la propagande anti-DEI visant à reconstruire la suprématie blanche, les attaques contre les personnes trans, les assauts contre les soins de santé pour les anciens combattants, l’interdiction de l’avortement et le fait de semer la peur parmi des millions d’Américains relativement à leur accès à la sécurité sociale ou au financement des soins de santé. Cette stratégie de raz de marée (« flood the zone ») est conçue pour exploiter les divisions sociales et désorienter l’opposition potentielle.

Mais cette stratégie présente un risque majeur pour le régime MAGA. Tomber à bras raccourcis sur autant de groupes en même temps revient à les inciter a se regrouper, à bâtir des coalitions et à en appeler à la solidarité de chacun pour créer un front de résistance plus large susceptible de prendre de l’ampleur. Avec les licenciements massifs de travailleurs fédéraux et l’anéantissement de leurs droits syndicaux légaux, cette démonstration de pouvoir par ce régime autoritaire contrôlé par des milliardaires constitue également une menace pour l’ensemble de la classe ouvrière, et ce de diverses manières.

Une stratégie pour construire une contre-attaque efficace nécessite des efforts d’organisation et d’éducation populaire, pour gagner la « bataille des idées » et contrer la machine médiatique de droite. La propagande MAGA prétend que son camp se bat pour la « liberté ». Faisons remarquer que l’objectif visé est de maximiser la « liberté » des capitalistes de traiter leurs travailleurs comme ils l’entendent, de polluer en toute impunité et de piller le trésor fédéral pour leur propre enrichissement. Or, cela signifie une attaque contre notre liberté – la liberté sur le lieu de travail, la liberté d’organisation, la liberté de dissidence.

Un élément utile de la stratégie tirée de l’expérience des organisateurs syndicaux est l’idée de montée en puissance. On entend par là qu’on ne peut pas s’attendre à ce que la résistance atteigne une intensité maximale dès départ, mais que nous nous efforçons de stimuler le potentiel d’intervention et de perturbation en vue d’une mobilisation progressive. Nous voyons déjà les signes d’une opposition croissante. Des groupes se sont formés et sont descendus dans la rue partout au pays, comme on l’a vu avec le mouvement Indivisible (indivisible.org), parmi d’autres. Des rassemblements sont organisés devant les concessionnaires Tesla et des appels au boycott de cette marque sont lancés. Il y a également eu des débrayages d’étudiants et des actes de résistance communautaire aux raids des forces policières de l’autorité de l’immigration et des douanes (Immigration and Customs Enforcement, ICE).

Par la suite, il s’agira de constituer des coalitions réunissant un plus grand nombre de groupes pour élaborer un programme commun répondant à leurs diverses préoccupations. Les personnes LGBT, les travailleurs du gouvernement fédéral, les défenseurs de l’environnement préoccupés par le réchauffement climatique, les communautés d’immigrés et d’autres groupes ont intérêt à miser sur les possibilités de riposte.

Une fois que les gens commencent à participer à des manifestations ou à des réunions, ils ont à cœur de trouver des modes d’action plus efficaces. Faire les premiers pas dans cette direction peut les aider à dépasser la peur que le régime MAGA tente d’instiller pour faire taire les gens.

Dans une stratégie d’escalade, l’idée est d’utiliser des tactiques plus faciles ou moins effrayantes pour initialement galvaniser les gens et vaincre la passivité ou la peur. L’étape suivante consiste à passer à des formes de perturbation, telles que l’occupation de bureaux pour interrompre les activités courantes, l’occupation d’un concessionnaire Tesla ou un débrayage d’une journée seulement.

C’est en créant de la perturbation que la classe ouvrière commence à exercer son pouvoir potentiel. Le pouvoir ultime de la classe ouvrière réside dans sa capacité à faire fermer des lieux de travail – en rendant inopérants les organismes gouvernementaux ou en empêchant les bénéfices de remplir les caisses des entreprises. Les mouvements de grève atteignent leur plein potentiel lorsqu’ils prennent la forme d’une grève générale, les travailleurs ayant construit des réseaux intersyndicaux et intersectoriels sur lesquels prendre appui pour affirmer le pouvoir de la classe ouvrière à l’échelle de la société. Avec un régime très répressif au pouvoir, les fonctionnaires au sommet de l’échelle de rémunération sont susceptibles de craindre toute action perturbatrice qui violerait les dispositions contractuelles ou menacerait directement l’État. La solution à ce problème réside dans l’organisation de la base et la création de comités et de réseaux indépendants des plus hauts représentants syndicaux. Dans une situation où les dirigeants des syndicats fédéraux sont déjà terrorisés par le régime Trump, les travailleurs fédéraux construisent déjà des réseaux intersyndicaux, comme le réseau informel de syndicalistes Federal Unionist Network. Un autre exemple de ce type d’organisation est l’union des travailleurs du secteur ferroviaire Railroad Workers United, qui a vu le jour à la suite de la capitulation des hauts responsables des syndicats de métier des chemins de fer. Une grève générale nationale exercerait une énorme pression en retour sur le régime MAGA. Il est probable qu’un mouvement de ce type devrait provenir de l’organisation et de la motivation de la base.

Un autre élément essentiel de la stratégie à déployer est la vision ou l’objectif – pour motiver les troupes en les poussant dans une certaine direction. Le régime Trump est sans précédent dans l’histoire américaine à bien des égards, mais il profite des points faibles d’une constitution américaine qui trahit son âge et dont les républicains exploitent depuis des années les faiblesses. Étant donné que le mouvement MAGA veut « faire exploser l’État administratif », piétiner la constitution et détruire un siècle de concessions obtenues par la lutte de la classe ouvrière, il ne sera pas facile de remettre la pâte à dents dans le tube.

L’émergence d’une faction de l’oligarchie soutenant le programme « tout faire sauter » du régime MAGA et le projet de pillage de l’État constituent en eux-mêmes un symptôme d’un capitalisme en crise. La vision d’avenir doit dépasser les limites héritées du cadre capitaliste américain. En tant que syndicalistes verts, notre programme appelle à une accélération rapide du programme de transition verte – arrêt de l’extraction des combustibles fossiles, fermeture progressive des raffineries de pétrole, remplacement du plastique pétrolier par d’autres substances et développement d’une économie verte décarbonée articulée autour des énergies renouvelables. Et tout cela avec des aides à la « transition juste » pour maintenir les revenus, les soins de santé et les garanties de retraite pour les travailleurs n’ayant pu conserver leur poste.

Nous envisageons également l’autogestion– le contrôle direct du processus de travail – des travailleurs, comme ceux des usines fabriquant des poêles électriques, des pompes à chaleur, des panneaux solaires, des autobus et des camions de livraison alimentés par des batteries pour l’économie verte. Notre objectif est d’obtenir un changement fondamental pour évoluer vers une société construite autour de l’autogestion démocratique – où les gens auraient leur mot à dire au sujet des décisions qui les concernent.

Plutôt qu’un État bureaucratique à hiérarchie descendante, nous proposons comme base d’une économie verte l’autogestion par les travailleurs au niveau des secteurs d’activité. Ainsi, nous envisageons que l’industrie pharmaceutique et le secteur des soins de santé soient gérés par une organisation démocratique du personnel opérant à l’échelle de la société – un système où les gens qui font le travail prennent les décisions. Avec des soins de santé universels et gratuits financés par la société, les résultats en matière de santé peuvent être grandement améliorés.

Nous proposons que les secteurs de la communication – tels que ceux des services postaux et des télécommunications – soient gérés par une organisation industrielle contrôlée par les travailleurs, sans propriété capitaliste ni bureaucratie managériale descendante surplombant les travailleurs. Pour que le transport de marchandises sur de longues distances repose sur des bases écologiques saines, nous sommes d’accord avec la campagne « Public Rail Now », qui prône la propriété publique du réseau ferroviaire. Mais nous proposons que le contrôle des chemins de fer soit assuré par des organisations industrielles régionales démocratiquement autogérées par les cheminots. Avec l’électrification des chemins de fer et une politique industrielle favorisant le rail (y compris les camions sur wagons plats) pour le transport de marchandises sur de longues distances, l’industrie du fret est susceptible de fonctionner avec une réduction considérable des émissions de gaz à effet de serre.

Ces considérations ne représentent que certains des éléments de la vision nécessaire pour concrétiser la transformation sociale voulue.

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