Édition du 17 décembre 2024

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Québec

L’aide sociale en temps de crise

Témoignage de Roxanne, Salaberry-de-Valleyfield

Je suis sur l’aide sociale. Jusqu’à aujourd’hui, je tenais bon. Mais j’ai frappé un mur avec la crise actuelle et tout semble s’écrouler autour de moi. Je vous écris car j’ai un trop-plein d’émotions.

Les gens sont si méchants envers nous, les personnes à l’aide sociale, car ils sont remplis de préjugés, de rage. Ma propre famille me fait la morale : « Arrête de te plaindre, t’as qu’à retourner travailler... » Et le manque d’empathie de la part du gouvernement envers nous me brise le cœur plus que jamais.

Comment je me suis retrouvée à l’aide sociale

J’étais comme les gens « normaux » avant. Travaillante et contente de contribuer à la société. Cependant, un soir tout a changé, j’ai été victime d’un hold-up au dépanneur où je travaillais et depuis ma vie a basculé.

J’ai essayé de minimiser la chose, j’ai trop attendu pour aller chercher de l’aide et on m’a refusée à l’IVAC. (Ça, c’est une autre histoire...) Depuis, j’ai des problèmes d’anxiété, symptômes post-traumatiques, et depuis peu je suis diagnostiquée bipolaire.

Malgré tout, j’ai continué à travailler en portant ce « lourd bagage » sur mes épaules. J’ai eu un emploi pendant 5 ans, mais à la « crise de 2008 », j’ai été licenciée. J’ai eu la chance de pouvoir travailler à d’autres endroits superbes, mais à chaque fois, après un certain temps, je me retrouvais épuisée de devoir jongler avec mes symptômes et la vie quotidienne, et malgré moi, je me retrouvais encore au point A, sans emploi.

Aujourd’hui, je travaille pour mon avenir à moi. Je fais des thérapies, des ateliers, tout ce qu’il faut pour revenir à un semblant de « normale ». Mais aux yeux de tous, ce n’est pas assez, ce n’est pas un vrai « travail ».

Et comment je vis la crise

Je suis donc sur l’aide sociale, j’ai 34 ans, je vis seule et j’ai un gros budget de 125 $ par mois de « lousse », pour me nourrir.

Normalement j’ai de l’aide. J’ai un ami pour m’aider à courir les spéciaux une fois par mois. Je me débrouille assez bien. Ça me prend deux jours à faire ma liste d’épicerie, faire des choix et tout calculer jusqu’à la dernière cenne. Je ne vais pas dans les banques alimentaires car je tiens à laisser ma place aux familles avec des enfants.

Maintenant, mon ami ne peut plus m’aider à cause des mesures de confinement. Je dois payer un taxi (20 $ c’est beaucoup pour moi, c’est un poulet et du papier de toilette). En plus de ne plus avoir accès aux spéciaux, je dois faire des pirouettes car les produits sur ma liste ne sont pas disponibles...

Je dois affronter les foules seule, donc crises de panique à répétition, en plein milieu du supermarché. Je suis à « boutte » comme on dit.

Je n’ai pas pu payer mon permis de conduire, j’attends une réponse pour voir si je suis acceptée pour les payements mensuels.

Au mois de septembre, je dois payer 300 $ pour être assurée (assurances habitation et civile), car je ne suis pas admissible aux payements mensuels. J’avais mis de l’argent de côté, mais avec cette crise, bye bye l’assurance... et très certainement mon appartement car une clause de mon bail exige une assurance habitation et civile.

Ça en fait beaucoup à avaler en même temps.

Je pourrais écrire pendant des heures. J’ai l’impression de trop me « plaindre », alors j’arrête ici.

Un soutien m’aiderait à ne pas régresser dans ma démarche que j’appelle « retour à la normale ». Je prie pour que le gouvernement nous aide... même un peu.

Roxanne

Collectif pour un Québec sans pauvreté

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