Nous y sommes ! Car la réponse du gouvernement Charest, depuis les premiers instants de la présentation des revendications étudiantes, n’a été que la construction pierre par pierre, morceau par morceau, de cette politique. Sa base repose sur une conception totalitaire de la démocratie : pas de contestation entre les élections ! Le gouvernement ayant fait son lit dans la politique néolibérale de privatisation et de transfert de la richesse vers les mieux nantis, n’a fait qu’une manœuvre de plus dans le budget de 2010, avec exécution l’année d’ensuite pour une bonne partie : baisse des impôts et financement des services via la tarification. Nous avons eu entre autre, l’ajout des 100$ par année par personne majeure pour les soins de santé, l’augmentation des tarifs d’électricité , sur la portion patrimoniale entre autre, et l’augmentation des droits de scolarité. Nous n’avons pas vraiment réagi aux deux premiers éléments et à d’autres mais voilà que les étudiantEs ne l’entendent pas de la même manière. Ils et elles lancent leurs revendications sur la place publique : gel immédiat de la hausse, états généraux sur l’éducation et mise en marche des mesures pour accéder à la gratuité comme le prévoyait le Rapport Parent à la fin des années soixante. Quelle transgression de l’ordre établi !
Par ailleurs, la montée de la lutte étudiante coïncide avec les mobilisations écologistes opposées à l’exploitation des énergies fossiles et à la prédation des ressources naturelles du Québec. Un mouvement qui vient notamment heurter le Plan nord des libéraux ainsi que les plans d’affaires des Talisman et Junex de ce monde. De plus, les résistances aux fermetures d’entreprises (Avéos, Papiers White Birch, Mabe, IQT centres d’appels. etc.) et aux coupures de postes (Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, Alliance de la fonction publique du Canada, etc.) se font de plus en plus nombreuses même si elles demeurent encore isolées. Bref, une montée des luttes en opposition aux politiques néolibérales menées par les gouvernement Harper et Charest toutes teintées de mépris pour la démocratie la plus élémentaire et faisant preuve d’un autoritarisme flagrant. Devant cette situation, le gouvernement Charest a décidé de frapper un bon coup espérant mettre le mouvement au pas. Charest et ses sbires veulent mettre un frein à ce qui ressemble de plus en plus à un vaste mouvement social appelé Printemps érable.
La réponse du gouvernement a été en toute conformité avec sa politique : cela a déjà été discuté en 2010 dans un forum avec les partenaires sociaux et les étudiantEs s’en sont retiréEs ! Tant pis ! Les augmentations sont justifiées : les universités ont besoin de fonds. Le mode tarification s’applique ; les étudiantEs doivent faire leur juste part ! Aucune autre avenue ne peut être explorée. On achète un produit on paye pour. Surtout dans ce cas où l’État consent généreusement à en payer une partie. Lorsque les deux ministres de l’éducation accusent les étudiantEs de ne faire aucun compromis, elles les accusent de ne pas se situer dans cette logique. C’est un dogme ! C’est l’ordre des choses actuelles ; c’est l’article XYZ du catéchisme de la structure économique dominante. Jamais il n’y aura de discussions, encore moins de négociations à ce sujet. JAMAIS !!!
Les rencontres de discussions, même si elles ont donné quelques résultats sur le plan monétaire, ne se sont présentées que lorsque certains débordements ont commencé dans les manifestations. Le gouvernement était en position confortable pour faire dévier le débat sur la soit disant « violence » prétexte suffisant pour refuser toute discussion supplémentaire, pour condamner qui que ce soit qui ne s’insurge pas avec éclat contre la situation. Jusque-là, pendant au moins cinq semaines il n’y avait eu aucune violence…et aucune discussion ou négociation.
Arrivé à ce point cela lui permet même d’afficher son incommensurable mépris envers cette jeunesse indisciplinée qui ose l’affronter avec une vigueur inattendue. Ce mépris et cette hargne sont présentes dans la loi 78 et elle s’étend à tous ceux et celles qui ont montré ne serait-ce que de la sympathie envers ce mouvement social, le printemps ÉRABLE QUÉBÉCOIS !
TOUT ÇA POUR QUOI ? POUR QUI ?
Quand on analyse les tenants et aboutissants de ces événements, on se demande vraiment pourquoi un tel parcours. Les sommes que représenteraient même l’introduction de la gratuité scolaire dans le budget québécois ne sont déjà plus à la hauteur de toutes celles qui ont été dépensées à ce jour pour la lutte contre la contestation de cette disposition. Surtout si on y intègre celles dépensées par les villes, dont Montréal qui n’est pas la moindre avec une évaluation de quatre millions quatre-cents mille dollars au 17 mai pour sa seule police. Et il faut y ajouter tous les frais de justice où la ministre Courchesne invite tout opposantE à s’adresser pour faire valoir sa contestation.
Ce qu’apporterait la contribution augmentée des droits des étudiantEs à l’université ne ferait pas non plus une différence majeure dans leurs budgets. En plus, les propositions mises de l’avant par le gouvernement ne portaient jamais sur le nœud du problème : la hausse des droits de scolarité. Le gouvernement en avait donné une traduction : accessibilité aux études supérieures. Pire encore, les représentantEs étudiantEs et les leaders syndicaux qui les accompagnaient au cours des seules 24 heures de véritables pourparlers qui se sont tenus, nous ont informés que tout au long de ce processus il y avait des mots tabous. Justement, les mots « hausse des droits » ne devaient jamais être utilisés. Alors ?
Il est clair, comme le dit Christian Nadeau, professeur de philosophie de l’Université de Montréal (Le Devoir, 18 mai 2012) qu’on a affaire à la « raison d’État ». Or cette raison d’État elle siège justement dans l’adhésion de ce gouvernement aux politiques néo libérales en cours dans le monde. Tout le reste n’est que verbiage. Beaucoup avancent des raisons électorales pour expliquer une telle politique. Ce n’est pas faux, mais pas suffisant. Grâce à certains médias et à des sondages sans représentativité statistique et sans marge d’erreur, (La Presse, 19 mai 2012), le parti libéral et le gouvernement ont réussi à convaincre une partie de la population de la justesse de son action. Une partie majoritaire ? Permettez-nous d’en douter.
Bien sûr qu’il s’est taillé un lit plus confortable pour les élections qui viendront. Sa corruption, ses politiques de don des richesses naturelles aux entreprises même étrangères, ses coupures dans les services aux citoyenNEs, l’augmentation des tarifications qui contribuent à la baisse du niveau de vie de toute une partie de la population ont été passées sous silence depuis le début de l’hiver. Mais, cela ne suffit pas à asseoir ce qui vient de nous tomber sur la tête. Même la satisfaction des besoins de la caisse électorale libérale en vue de ses élections n’est pas une explication suffisante. Même, avec tout leur talent les représentantEs étudiantEs et avec toute leur expérience, les leaders syndicaux n’ont pas vu (pour ces derniers, n’ont pas voulu voir) que le gouvernement Charest les roulait dans la farine avec ses discussions bidons.
Non, il faut en revenir à l’observance par ce gouvernement des règles politico-économiques du néo libéralisme : fin des services publics payés à même les impôts, baisse des dits impôts, augmentation de toutes les taxes et tarifications, démantèlement des syndicats et autres organisations de défenses des droits, baisse généralisée des salaires sauf ceux des dirigeantEs de l’État et des chefs d’entreprises. Ce sont les exigences des marchés ! Ce sont eux qui sont au pouvoir !
Les libéraux tiennent à casser le mouvement, à mettre fin à toute vélléité de contester l’ordre dominant.
C’est ce qui se passe partout dans le monde, là où ces politiques sont introduites et appliquées : l’Europe qui entre dans la gorge des GrecQUEs, des PortugaisEs, des ItalienNEs et des EspagnolEs. C’est l’Angleterre, c’est le Wisconsin aux Etats-Unis, etc. etc. C’est maintenant ici au fédéral et au Québec. Et surtout pas de négociations. Le gouvernement fédéral a adopté des lois spéciales contre les syndiquéEs des Postes, d’Air Canada. Les entreprises ne négocient plus. Que ce soit Rio Tinto Alcan, Mabe, Aveos etc. etc. Le gouvernement Charest continue à appliquer ses politiques néolibérales de privatisation et de précarisation sans véritable ouverture à la négociation.
FAIRE TAIRE TOUTE CONTESTATION
S’il s’était agi de faire reprendre les cours dans les institutions, la loi 78 n’aurait pas la teneur qu’elle a. Elle n’aurait visé que les étudiantEs et leurs organisations. Et cela aurait été tout à fait inacceptable. Mais elle vise toute la population ; absolument toute celle qui ose s’objecter aux politiques décidées par le gouvernement. Car, l’encadrement des manifestations ne vise pas que celles en lien avec le mouvement étudiant. Elle vise toute forme de manifestation et tient les organisateurs-trices responsables de quoi qu’il puisse se passer sur le parcours. Vous connaissez les agentEs provocateurs-trices ? Ce ne sont pas des fantômes. Ils et elles agissent. Est-ce que M.Charest et ses acolytes pensent un seul instant que les membres d’organisations étudiantes, populaires se laissent conduire comme ils conduisent les membres de leur parti ? Tenir les éluEs de ces associations responsables de tout ce qui peut se passer durant une manif, c’est de fait vouloir interdire toute manifestation sans le dire. Et toute forme de contestation. Est-ce que la radio étudiante qui diffuserait la chanson d’Ariane Moffat, 17 mai, ne pourrait pas être accusée de soutenir la lutte et condamnée dans la foulée ? Comment manifester contre ce parti au cours de la campagne électorale qui se tiendra d’ici la fin de la portée de cette loi ?
Avec les étudiantEs, carrés rouges ou verts, avec les parents du carré blanc, avec la plupart des juristes, dont le bâtonnier du Québec, avec les syndicats dans leur totalité ou presque, avec les professeurEs de CEGEP et d’Université qu’on oblige à enseigner, avec toute cette partie de la population qui est outrée que nous soyons traitéEs comme de vulgaires criminels nous nous insurgeons contre cette loi qui transgresse bien d’autres lois et engagements légaux de la province, et donne des pouvoirs totalement démesurés aux corps policiers.
Comme le dit Alain Denault, nous sommes arrivés à l’État policier. Et avant que les contestations judiciaires n’arrivent à leur terme les dégâts seront majeurs. Dans la vie concrète et dans les esprits. Peut-être surtout dans les esprits malheureusement.
PAS QUESTION D’EN RESTER LÀ !
Il faut se sortir de ce carcan ignoble de répression des libertés collectives et individuelles. M. Bachand a eu l’outrecuidance de parler de la journée de la liberté en ce 18 mai…. ! C’est plutôt la journée des pertes démocratiques, de la perte des libertés individuelles et collectives ; les associations étudiantes n’ayant plus de capacités de représentation de leurs membres. Pour le personnel des institutions c’est le retour de la rigueur des lois de retour au travail de négociations antérieures dans le secteur public.
Et les libéraux de souligner que le PQ a aussi été du côté de la répression avec des lois de retour au travail toutes aussi anti-démocratiques. La FIQ est là pour nous rappeler qu’en 1999, le PQ a été tout aussi répressif et que rien ne nous garantit qu’une fois au pouvoir, le PQ ne reprendra pas là où les libéraux auront laissé le chantier.
Il faut donc, dès maintenant organiser la riposte la plus efficace possible même dans le cadre qui nous est imparti. Il faut qu’elle soit vraiment massive, aussi créative et cohérente que l’a été la lutte étudiante jusqu’ici. Toutes les organisations qui ont à cœur les droits démocratiques doivent s’y engager d’une manière ou d’une autre. Elles doivent être ouvertes à intégrer des individuEs qui veulent les rejoindre. Le message doit être clair et étoffé.
Nous ne nous laisserons pas intimider. La Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics appelle à une riposte sociale contre la politique du gouvernement Charest. Cette riposte commence par une participation massive à la manifestation du 22 mai à Montréal. Elle se poursuivra par la construction d’un mouvement vers la grève sociale qui permettra la mobilisation de toute la société québécoise. « Une journée nationale d’actions, partout à travers le Québec, ainsi qu’une campagne d’éducation populaire massive sont prévues dans les prochaines semaines » nous annonce la Coalition. Le mouvement étudiant y sera sûrement. Maintenant, il faut la participation active et entière du mouvement syndical et de tous les mouvements sociaux.
Il faut construire une opposition à la hauteur des défis que nous lance le gouvernement libéral. Et il faut préparer une alternative politique aux partis du néolibéralisme : PLQ, PQ et CAQ. Dégageons les partis de la privatisation, des énergies fossiles, des paradis fiscaux et de la corruption. Courage et audace sont à l’ordre du jour !!!