Édition du 19 novembre 2024

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Éducation

Déclaration d’ouverture de M. Amir Khadir, à son point de presse sur le projet de loi 78

Une loi injuste, c'est un abus de pouvoir qui enlève non seulement aux étudiants, mais à tout le monde, à tous les citoyennes et citoyens du Québec, plusieurs de nos droits les plus fondamentaux

Le vendredi 18 mai 2012, 13 h 45

M. Khadir : Merci. Bientôt, dans quelques heures, le projet de loi n° 78, une loi matraque, va être adopté par le gouvernement Charest. Cette loi est une loi injuste, c’est un abus de pouvoir qui enlève non seulement aux étudiants, mais à tout le monde, à tous les citoyennes et citoyens du Québec, plusieurs de nos droits les plus fondamentaux : le droit de manifester, le droit d’exprimer nos opinions. Québec solidaire s’engage donc à invalider cette loi. Nous appuyons le recours légal pour une requête en annulation, en nullité de la loi, et nous lançons un appel à tous les partenaires de la société, les groupes populaires, les organisations de la société civile, le Barreau du Québec, les intellectuels, les artistes engagés, les écologistes et les syndicats, à réfléchir ensemble à la possibilité de désobéir à cette loi de manière pacifique. Nous allons aussi mener cette réflexion à Québec solidaire.

Toute loi doit être obéie en société, mais il arrive que des lois soient à ce point déraisonnables et injustes, qu’elles interdisent même les choses qui sont les plus précieuses, comme la liberté de penser et de parler. C’est ce que fait la loi matraque de M. Charest : interdire les libertés fondamentales. La désobéissance civile, ce n’est pas seulement des grands gestes d’éclat comme la marche de Gandhi ou comme les actions de Martin Luther King. Avec la loi de M. Charest, même émettre une opinion favorable à la désobéissance civile - avec cette nouvelle loi - émettre une opinion favorable à la désobéissance civile sans même commettre un quelconque geste que ce soit peut constituer une infraction passible d’une lourde amende et même d’emprisonnement.

Vous savez que c’est un gouvernement manipulateur qui joue beaucoup avec la vérité dans plusieurs dossiers, on l’a vu dans la construction et dans la corruption. Ce gouvernement a tenté de nous faire croire que cette loi ne vise que les perturbateurs, les casseurs. Dans les faits, c’est une loi qui vise la liberté même de manifester et pas ceux uniquement des étudiants. Cette liberté est encore plus fondamentale, je vous ai dit la liberté de parole, par exemple des blogues d’intellectuels comme Jean Barbe, de journalistes comme Josée Legault ou d’animateurs ou des interventions d’animateurs comme Jeff Fillion, s’il est allégué, par le ministère de l’Éducation ou les autorités judiciaires, qu’il y a quelque chose dans leurs affirmations, dans le fait de porter un carré rouge même, qui encourage des manifestants étudiants ou autres à agir de manière à contrevenir à la loi, nous sommes tous passibles d’être attaqués par cette loi et forcés à payer de lourdes amendes.

Mais il y a un caractère particulièrement injuste qui fait qu’aujourd’hui je voudrais poser un geste qui, à mes yeux et j’espère aux yeux de plusieurs autres députés dans les prochaines heures ou dans les prochains jours, seront autant de gestes pour constituer un cordon de sécurité alentour d’une personne en particulier que cette loi vise presque de manière nominative, il s’agit d’un des porte-parole du mouvement étudiant, Gabriel Nadeau-Dubois. Pourquoi je parle d’un cordon de sécurité ? C’est un cordon de sécurité moral. Cette loi, qui est vicieuse, qui est revancharde, contient un article, l’article 30 qui, alors même que la loi va invalider, va rendre caduque les injonctions qui ont été émises pour la tenue des cours, des injonctions qui ont entraîné en particulier une accusation d’outrage aux tribunaux à Gabriel Nadeau-Dubois, la loi invalide la cause que sont les injonctions mais pas la conséquence qui est l’outrage au tribunal... l’accusation d’outrage au tribunal qui a été lancée à Gabriel Nadeau-Dubois qui pourtant n’avait exprimé qu’une opinion.

Alors, voici l’opinion qu’il a exprimée, je vais exprimer la même opinion, je fais sienne l’entièreté de ces paroles, j’espère que d’autres députés vont le faire. Si le gouvernement décide de recourir à la force brute de sa loi pour sévir à l’encontre de Gabriel Nadeau-Dubois, le gouvernement, pour être cohérent, devra sévir également contre tous ceux et celles parmi les citoyens, parmi les députés qui se seront engagés à répéter exactement la même chose. Alors, voici, ce que le 13 mai, en onde à RDI, a dit Gabriel Nadeau-Dubois : « Ce qui est clair, c’est que ces décisions-là sont des tentatives de forcer le retour en classe. Ça ne fonctionne jamais parce que les étudiants et les étudiantes sont en grève depuis 13 semaines, sont solidaires des uns et des autres et respectent de manière générale la volonté démocratique qui s’est exprimée à travers les votes de grève, et je crois qu’il est tout à fait légitime - je crois aussi qu’il est tout à fait légitime, Amir Khadir croit aussi qu’il est tout à fait légitime - pour les étudiants et les étudiantes de prendre les moyens qui s’imposent pour faire respecter le choix démocratique qui a été fait d’aller en grève. C’est tout à fait regrettable - je trouve, Amir Khadir qu’il est tout à fait regrettable - qu’il y ait une minorité d’étudiants et d’étudiantes qui utilisent les tribunaux pour contourner la décision collective qui a été prise. Donc, je trouve cela tout à fait légitime que les gens prennent les moyens nécessaires pour faire respecter le vote de grève, et si ça prend des lignes de piquetage, on croit - je crois, Amir Khadir croit - que c’est un moyen tout à fait légitime de le faire.

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