Édition du 12 novembre 2024

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Québec

Sous les pressions, le PLQ capitule et se débarrasse du projet de Commission contre le racisme systémique…

Légende de la photo : Québec : la Table de concertation contre le racisme systémique

Le premier ministre Philippe Couillard a chargé son nouveau ministre de l’immigration, de la diversité et de l’inclusion (MIDI), David Heurtel, de se débarrasser de la Commission sur la discrimination systémique et le racisme. M. Heurtel a annoncé la tenue d’un Forum qui aura lieu en décembre prochain et qui portera sur l’emploi, la formation, la francisation et la discrimination. Le problème qui est maintenant ciblé est la pénurie de main-d’oeuvre dont se plaint la classe entrepreneuriale du Québec. Les ministres Heurtel et Blais feront une tournée de la province pour recueillir ses doléances.

Le gouvernement libéral capitule ainsi aux pressions des partis politiques qui se refusaient d’entendre les analyses et les revendications des personnes racisées. Le premier ministre a jugé qu’il ne serait sans doute pas rentable électoralement de permettre l’expression des personnes racisées et leur dénonciation des discriminations qu’elles vivent. Il a concocté une commission qui lui permettra de se laver les mains face aux problèmes des discriminations, du racisme et de la xénophobie.

La réalité du problème du racisme

Comme l’écrit le Comité Racisme et exclusion sociale de la Ligue des droits et libertés, « Nous assistons depuis plusieurs années à une montée des manifestations flagrantes du racisme. Cette tendance n’est pas propre au Québec. Elle se manifeste dans plusieurs pays où les discours racistes circulent de plus en plus librement et semblent avoir acquis une « acceptabilité » inquiétante. »

Tous les jours pourtant, les médias, responsables des partis politiques et intellectuel-le-s dénient la réalité du racisme systémique au Québec ou tentent d’en marginaliser la réalité. Pourtant, ici comme ailleurs les discours islamophobes et anti-immigrants sont généralisés. Dire cela, ce n’est pas prêter une essence raciste à la population québécoise, c’est se préoccuper de comprendre les discriminations et les stigmatisations qui touchent les personnes racisées dans leur accès à l’emploi, à la justice, aux services de santé et d’éducation et qui servent à justifier les inégalités sociales.

À l’origine de la Commission sur le racisme systémique

Pour comprendre le phénomène du racisme, il faut pouvoir écouter les personnes qui vivent cette réalité. Il n’est donc pas étonnant qu’au printemps 2016, une vaste coalition de personnes aux prises avec le problème ait voulu attirer l’attention sur les réalités des discriminations qui les touchent et du racisme qu’elles vivent. Cette commission est une demande de nombreux groupes de la société civile aux prises avec ces problèmes. Elle partait du postulat que les personnes racisées qui sont directement concernées ont un rôle important à jouer dans la mobilisation citoyenne nécessaire à de véritables changements dans les pratiques des institutions, des entreprises, et des personnes qui y oeuvrent et dans l’élaboration de solutions qui leur semblent nécessaires pour dépasser la situation.

Amir Khadir a déposé une motion en septembre 2016 qui reprenait la pétition lancée au printemps qui demandait la tenue d’une telle commission. Le gouvernement libéral n’a pas accepté immédiatement sa tenue. Une nouvelle motion était déposée par Québec solidaire en février 2017. Ce n’est qu’en mars 2017, que le gouvernement Couillard a mis en place un Comité-conseil pour préparer une consultation sur la discrimination systémique et le racisme. Québec solidaire saluait alors la nomination de militant-e-s antiracistes sur le comité-conseil.

Le Parti québécois et la CAQ rejettent la tenue de la Commission

Prétendant bien connaître la réalité du problème et les solutions, le PQ rejeta la tenue de cette commission et demanda au gouvernement de revenir sur sa décision de la tenir. Mais, il radicalisera son discours. Il a prétendu qu’en défendre la tenue équivalait à affirmer que l’ensemble des Québécois-e-s étaient des racistes. Le PQ et la CAQ ont martelé ce discours jour après jour dans l’espoir de consolider leurs bases électorales sur des thèses chauvines.

Cette attitude irresponsable des dirigeants péquistes et caquistes devait se vérifier dans divers épisodes, mais tout particulièrement, autour de l’arrivée de réfugié-e-s haïtiens en provenance des États-Unis. Ils ont déploré le fait que les frontières étaient des passoires. Le chef de la CAQ a même remis en cause la qualité de demandeurs d’asile des personnes qui se présentaient à la frontière canadienne…

Comme avec l’enterrement de la Commission sur la discrimination systémique et le racisme, le PLQ espérait qu’avec la loi 62, il pourrait en finir avec la question identitaire et mettre cette question hors de l’agenda, ce qui lui apparaissait particulièrement important avec la période électorale qui vient. Il n’a pas hésité, même si c’est tout à fait hypocritement, à viser des femmes musulmanes qui poseraient un problème de sécurité ce qui n’est visiblement pas le cas. Tout ce qu’a réussi à faire le gouvernement Couillard, c’est d’ouvrir une nouvelle boîte de Pandore. Jean-François Lisée annonce une nouvelle Charte des valeurs. Il veut utiliser la clause nonobstant pour écarter toute possibilité d’accommodements raisonnables. Il est en compétition ouverte avec la CAQ sur le projet d’hégémonisation du bloc identitaire et cette lutte risque de s’exacerber d’ici les prochaines élections. Le Parti libéral est absolument incapable de piloter des politiques clairement et ouvertement antiracistes. Il vient d’en faire la démonstration.

La lutte antiraciste, plus que jamais à l’ordre du jour

Comme l’écrit Said Bouamama : « Seule l’auto-organisation des premiers concernés c’est-à-dire des personnes racisées dans le cadre d’une alliance égalitaire avec les forces sociales et politiques progressistes est susceptible de permettre une reprise de l’offensive. »

La lutte contre la discrimination raciale et les préjugés est non seulement légitime, elle est nécessaire pour s’opposer aux discriminations économiques, au profilage racial et à la vindicte haineuse de grands médias et pour permettre aux personnes racisées de vivre sur un pied d’égalité dans la société québécoise, seule forme véritable d’un réel vivre ensemble. L’unité véritable, celle des classes ouvrières et populaires, passera par une lutte conséquente contre le racisme, qui est un instrument de division que n’hésite pas à utiliser les classes dominantes pour justifier et consolider leur pouvoir.

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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