Tiré d’Afrique en lutte.
Depuis le putsch du 25 octobre 2021, la junte n’arrive pas à stabiliser son pouvoir. Les mobilisations contre le coup de force ne faiblissent pas. La situation économique se détériore, augmentant le ressentiment de la population contre la junte. Cette dernière, acculée, subissant les pressions internationales, n’a eu d’autre solution que d’ouvrir des négociations avec la frange la moins radicale de la société civile, les FCC-CC.
Un pré-accord faute de mieux
Pendant des mois, sous la houlette de l’émissaire des Nations unies Volker Perthes et avec le soutien des USA, de la Grande-Bretagne et de l’Arabie saoudite, un texte de pré-accord a été paraphé entre la junte et une quarantaine d’organisations dont les deux principaux partis politiques du pays : le National Umma Party et le Democratic Unionist Party, deux partis conservateurs. Le document prévoit la mise en place d’un gouvernement civil sans la participation des militaires, et l’organisation dans les deux ans d’élections libres. L’armée s’engage à être sous la direction du pouvoir civil et à le soutenir.
Au-delà de la question sur la sincérité des militaires qui, au vu de l’histoire du Soudan, est largement sujette à caution, les principaux problèmes, sources d’importantes divergences, ont été écartés. Ils doivent être discutés et faire l’objet d’un accord qui conduira à la mise en place du gouvernement civil.
Principales revendications en suspens
Il y a au moins quatre sujets qui continuent à être l’objet d’âpres négociations. En premier lieu la justice. Les militaires veulent une impunité pour tous les crimes qu’ils ont commis. En effet, depuis le coup d’État, 7 000 personnes ont été blessées. Pour l’année 2021, 120 manifestantEs sont tombés sous les balles des forces de répression. Le pays a toujours en mémoire le massacre du 3 juin 2019 où 186 participantEs au sit-in ont été assassinés. Ensuite, la réforme de l’appareil sécuritaire tant de l’armée que de la milice des « Rapid Support Forces » (RSF) dirigée par Hemidti. Troisième question, l’évolution du traité de paix de Juba et plus largement la question de la gouvernance dans l’est du Soudan, des États du Read Sea State, du Kassala et d’El Geradef. Enfin le démantèlement de « l’empowerment » qui désigne au Soudan un système d’accaparement des principales entreprises du pays par les dirigeants du pouvoir précédent. La hiérarchie militaire bénéficie largement de ce système clientéliste, mis en place par Omar al-Bechir.
Pour beaucoup, ce pré-accord habille d’un costume civil un pouvoir militaire qui n’est pas prêt à lâcher sa domination et les avantages financiers considérables qui s’y rattachent.
La mobilisation continue
Les comités de résistance ne s’y sont pas trompés. Ils dénoncent l’opacité des négociations et considèrent que ce qui est en train de se mettre en place n’est ni plus ni moins que la répétition du processus qui a abouti à la situation actuelle. Pour le Parti communiste soudanais, ce pré-accord « vise à reproduire le précédent régime dans une nouvelle version afin de préserver les intérêts du capitalisme parasitaire et de ses alliés à l’étranger ».
Quant au Sudan Forensic Doctors Syndicate, il dénonce la « misérable tentative d’édulcorer la révolution, en délaissant les objectifs de liberté, de paix et de justice », et appelle à « un renversement complet des putschistes ».
Les comités de résistance des quartiers des différentes villes restent fidèles à leur ligne résumée en trois slogans : « Pas de négociation, pas de légitimité, pas de partenariat » avec les militaires, et continuent à appeler à la mobilisation en défense de la « Charte du pouvoir populaire ». Une manifestation a eu lieu lundi 5 décembre, et rien n’a vraiment changé : le bilan de la répression s’élève à 43 blesséEs.
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