Tiré du blogue de l’auteure.
Depuis le résultat des élections locales qui a mis au grand jour la perte de confiance des électeurs dans l’ANC, le parti au pouvoir montre une fébrilité de fin de règne. Les rivalités s’étalent au grand jour, chacun se renvoyant la responsabilité de la perte de la direction des quatre grandes métropoles, personne ne se montrant à la hauteur pour répondre à la colère des étudiants ou à la menace de voir le pays tomber sous le verdict négatif des agences de notation.
La mise en examen pour fraude de celui qui semblait encore capable de sauver le navire en perdition a provoqué un tollé et mobilisé en sa faveur une partie de l’élite politique et de l’opinion publique. Il est de plus en plus clair, que cette accusation est un coup monté et que les accusations contre Pravin Gordhan et deux de ses collègues, sont d’ordre politique. Il fallait écarter et neutraliser le seul qui pouvait s’opposer au pillage des ressources de l’état par la famille Gupta et tous les prédateurs qui gravitent dans leur entourage et celui du chef de l’état
Shaun Abrahams, le procureur général, a finalement reconnu avoir rencontré le Président Zuma au siège de l’Anc, un jour avant d’annoncer la demande de comparution devant la justice de Pravin Gordhan, soi-disant pour parler de la crise que traverse les universités. Les Hawks, l’unité d’élite de la police, n’a pas hésité à retenir en otage un responsable du service des impôts dans son bureau, avec la brutalité et la manière de la police au temps de l’apartheid, avant de le relâcher. Toute cette mise en scène rocambolesque prêterait à rire, si l’affaire n’était pas aussi grave.
Devant le vide du dossier et la grossière manœuvre évidente, Shaun Abrahams, vient finalement de faire machine arrière et annule ce lundi 31 octobre la comparution du prévenu et de ses collègues, prévu pour le mercredi 2 novembre, mais rendez vous a été pris devant le tribunal par tous ceux qui en ont assez de voir un gouvernement sans réaction face à l’urgence. La Fondation Helen Suzman et l’association des juristes Freedom Under Law avaient demandé officiellement au tribunal de Pretoria de déclarer illégales les accusations retenues.
Cette volte -face montre à quel point le pouvoir est aux abois et ne sait plus comment arrêter la machine infernale qu’il a lui-même mise en place en abandonnant la direction de l’état à ce qu’il faut bien désigner par son nom, une bande de voyous.
Les organisateurs de la manifestation du 2 novembre ont annoncé qu’ils maintiendraient leur mot d’ordre même si le procureur abandonnait ses accusations et une des organisations, Section 27, avait dit dimanche 30 octobre « même si les accusations sont abandonnées, l’assemblée du peuple contre la main mise sur l’Etat aura lieu » et d’ajouter « sauf que dans ce cas, cette manifestation sera une marche pour marquer une victoire dans cette bataille, pour renforcer la campagne contre la main mise sur l’Etat, pour mettre un terme au pillage et à la corruption et restaurer l’intégrité de l’Etat.
Ce qui devait être une manifestation de soutien à Pravin Gordhan risque bien de se transformer en un mouvement massif pour dénoncer l’incurie du gouvernement et le pillage des ressources du pays. Elle va réunir outre les 101 signataires d’une lettre adressée au Président Zuma, de nombreuse associations, des juristes, des églises et même les PDG de 80 entreprises.
En 1983, une vaste coalition, le Front démocratique uni, avait réussi, en dépit de la répression, à organiser de grandes manifestations qui finalement avaient aidé à mettre fin au régime d’apartheid. Le 2 novembre 2016, la campagne Save South Africa, va-t-elle réussir à redonner sens aux mots intégrité, responsabilité, dignité qui devraient être les références dans toute démocratie digne ce nom ?