L’invasion russe de l’Ukraine exacerbe la crise énergétique. La dépendance des pays européens face à la Russie montre l’impasse dans laquelle s’est placé le capitalisme européen. L’Allemagne importe de la Russie, 55 % de son gaz et, 42 % de son pétrole. Il n’est pas étonnant qu’elle se soit opposée à un embargo sur le gaz, le pétrole et le charbon russes même si elle cherche à diversifier ses sources d’approvisionnement. [1] Pour nombre de pays à l’est de l’Europe, cette proportion est encore plus considérable. La fin de cette dépendance est un problème très complexe et ne peut se résoudre du jour au lendemain. Cette situation nourrit la volonté de la bourgeoisie de différents pays de s’appuyer sur les formes d’énergies existantes. La France a réussi à faire définir par l’Union européenne, l’énergie nucléaire comme une énergie de transition. [2]. L’Allemagne, la Belgique qui planifiait la sortie du charbon la reporte des échéances indéfinies. La course est maintenant lancée pour se procurer du gaz au Qatar, en Arabie saoudite et même au Venezuela.
Face à cette situation, les États-Unis et le Canada proposent leur pétrole et leur gaz pour remplacer les hydrocarbures russes. Dans ce contexte géostratégique, les projets défunts d’exportation de pétrole ou de gaz naturel liquéfié sont relancés et renforcent le refus de la perspective d’une sortie rapide des énergies fossiles. Les lobbys des hydrocarbures au Canada comme au Québec militent contre les perspectives des gouvernements d’en finir avec l’aide aux pétrolières. La guerre a clairement renforcé le pouvoir du capital fossile d’imposer ses solutions. Il est moins temps que jamais d’accorder la moindre confiance à Justin Trudeau et à François Legault en ce domaine.
Fin mars 2022, le Canada devra déposer son plan de réduction des GES. Déjà des études affirment que le Canada n’atteindra pas la cible qu’il s’est fixée d’une réduction de 45% pour 2030 et qu’il devrait envisager de réduire sa cible entre 25 et 35%. Le gouvernement doit annoncer s’il soutiendra le projet d’exploitation Bay du Nord à l’est de Terre-Neuve qui aurait une durée de vie d’environ 30 ans. Le cabinet des ministres semble divisé sur la question. Mais la situation de guerre en Europe devrait renforcer la position de la ministre Chrystia Freeland qui soutient ce projet. [3] Les bouleversements géostratégiques et ses effets sur la crise énergétiques créeront un climat d’affrontement qui tendra à écarter la centralité de la lutte aux changements climatiques et la nécessaire et urgente collaboration internationale à cet égard.
La volonté d’accaparement des ressources fossiles a été à l’origine de nombreux conflits. L’impérialisme américain et ses alliés ont été à l’initiative de nombreuses guerres (Afghanistan, Iraq, Yémen… ). Depuis 2015. la guerre au Yémen perdure et les puissances occidentales comme la France et le Canada continuent à vendre des armes à l’Arabie saoudite qui a réduit la population de ce pays à vivre la famine.
Les tentatives de la Russie (intervention en Syrie) et de la Chine (stratégie de la route de la soie) démontrent leur volonté d’étendre leur domination sur certaines régions du monde qui peut conduire à des affrontements avec les forces impérialistes réunies dans l’OTAN.
La guerre en Ukraine et plus largement cette situation d’affrontements armés pour les hydrocarbures va permettre un renforcement des industries d’armements. Tous les pays d’Europe s’engagent dans une politique de réarmement, y compris l’Allemagne, la Suède et la Finlande. Les États-Unis de Biden s’étaient déjà engagés dans l’augmentation de ses budgets militaires et ils continuent dans cette voie.
Au Canada, la ministre de la Défense du Canada, Anita Anard, continue sur la voie déjà bien engagée de la croissance des dépenses militaires. Déjà en 2017, le gouvernement libéral prévoyait une augmentation de 70% des dépenses militaires dans la prochaine décennie. D’autant plus que l’OTAN, depuis des années, fait des pressions pour l’augmentation des dépenses militaires à une hauteur d’au moins 2% du PIB.
La ministre s’engage maintenant à poursuivre sur cette voie. Le renforcement du contrôle des régions arctiques par le Canada face aux ambitions russes sur les richesses de l’Arctique est une autre motivation de la relance des dépenses militaires et de soutien aux industries d’armement. [ [4], 13 mars 2022]. Au Canada, l’exploitation des richesses du Grand Nord est plus que jamais dans les plans des grandes entreprises extractives. La défense de la sécurité nationale sera un bon prétexte de plus pour justifier les politiques de prédation et le maintien des nations autochtones dans des conditions de misère en refusant de reconnaître réellement leurs droits sur les territoires où ils vivent.
En somme, tous les pays impérialistes s’enfoncent dans un cycle de réarmement. Ce sont là autant de sommes d’argent qui ne seront pas destinés à la lutte aux changements climatiques et dans une situation d’exacerbation des tensions au niveau international qui constituera un blocage majeur à toute collaboration pour faire face aux défis posés par la crise climatique qui se feront toujours plus urgents.
Ce renforcement de la militarisation de l’économie nourrira le renforcement du militarisme et de son idéologie patriarcale. Les rapports d’exploitation sexuelle dans l’armée canadienne sont bien une illustration de cette situation. L’ensemble des armées sont traversées par ce même cancer.
Le contexte de guerre marquera les prochaines élections au Québec
La politique du gouvernement de la CAQ, tout comme celle des différents gouvernements qui se sont succédé, ces dernières décennies, ne veut pas réellement atteindre les cibles de réduction des GES. Aucune mesure ne sera imposée aux grandes entreprises extractives, énergétiques ou industrielles. Le ministère de l’Environnement se contente d’un rôle d’accompagnateur impuissant à imposer quoi que ce soit à ces entreprises. [5]. La crise du secteur énergétique accentuée par la guerre ouvrira de façon plus dramatique que jamais le choix entre le soutien aux énergies fossiles (gaz naturel y compris évidemment) ou une sortie rapide et planifiée.
1. La sortie des énergies fossiles ne peut attendre.
La consommation de gaz naturel, produit par des procédés de fracturation et présenté comme une énergie de transition, se voit promettre un avenir radieux. Le Plan pour une Économie Verte du gouvernement Legault va jusqu’à parler, en ce qui concerne les systèmes de chauffage des bâtiments, d’une « complémentarité optimale des réseaux électrique et gazier ».
Nos mots d’ordre doivent être clairs : sortie des hydrocarbures, aucune exploration ni exploration, aucune compensation pour le capital fossile, mais aussi aucune construction de gazoducs permettant le transit en territoire québécois. Refus de considérer le gaz comme une énergie de transition. Nous ne céderons à aucune injonction des entreprises en hydrocarbures, et aux lendemains désastreux qu’elles nous préparent.
2. Le tournant vers les énergies renouvelables doit être un tournant planifié sous la responsabilité du secteur public et sous le contrôle démocratique des citoyens et citoyennes du Québec
Pour le gouvernement Legault, les énergies renouvelables (l’éolien, le solaire…) devront se développer sous le contrôle d’entreprises privées, étrangères si nécessaires, et cela, sans plan d’ensemble et sans consultation citoyenne véritable. Hydro-Québec renonce à son rôle de maître d’œuvre de la production d’énergies renouvelables au Québec, et le gouvernement s’avère incapable de planifier et d’opérer une transition énergétique effective vers les énergies renouvelables sur le territoire québécois.
Pour en finir avec la crise énergétique induite par le capital fossile, pour assurer notre souveraineté énergétique il faut nationaliser sous contrôle citoyen l’ensemble des industries produisant des énergies renouvelables, et planifier leur développement pour répondre aux besoins de la population au meilleur coût possible. Il faut compléter la nature publique de la production de l’énergie afin de pouvoir planifier son développement.
3. Le tournant vers le transport collectif pris en charge par la collectivité et la sortie de l’autosolo, c’est l’amorce de la nécessaire transition vers une société de la sobriété énergétique et de l’économie des ressources
Dans les faits, le gouvernement de la CAQ fait une place de choix au soutien à l’achat de voiture électrique. Cette priorité à l’avantage de ne rien bousculer et conduira à un nouvel élargissement et à la diversification du parc automobile avec le maintien des problèmes de congestion et d’étalement urbain à la clé. Ce renouvellement du parc automobile, c’est un plan de relance de la croissance à l’heure d’une nécessaire diminution de l’exploitation des ressources.
Le Québec dispose d’industries de fabrication de matériel roulant qui pourraient être nationalisées et réorganisées pour répondre aux besoins de la population en matière de transport. Et l’usage des moyens de transport collectif et public électrifié pourrait être soutenu en rendant gratuit ces derniers. Métros, tramways, trains de banlieue ou interrégionaux et autobus sont les moyens de transport électrifiés qui doivent devenir les moyens de transport privilégiés. La perspective d’un transport collectif et gratuit est la voie de sortie d’un mode de mobilité qui est le principal émetteur de GES au Québec. Le choix de ce type de production, l’interdiction de l’obsolescence planifiée et le rejet d’une publicité qui pousse au gaspillage des ressources doivent être partie prenante d’un véritable plan de transition.
4. Le tournant vers une véritable agroécologie et la sortie du modèle agroexporteur est un projet collectif incontournable
Une agriculture d’élevage intensif centrée sur l’exportation est responsable « de 9,8 % des émissions de gaz à effet de serre du Québec en 2017 (4e secteur émetteur) » ]. Un véritable plan de lutte aux changements climatiques se donnerait comme tâche d’accompagner l’ensemble des agriculteurs et agricultrices dans la transition vers une agriculture écologique et non de protéger un modèle agricole dévastateur sur le plan écologique et social.
Pour une grande alliance démocratique, féministe et écosocialiste, pour un gouvernement d’union populaire
On ne peut compter sur les gouvernements néolibéraux pour opérer une telle transformation. Non seulement ils ont toujours refusé d’opérer une telle transformation, mais ces gouvernements se sont toujours définis comme des verrous servant à protéger les intérêts économiques dominants et le capital fossile en particulier. Ces orientations risquent de s’exacerber à l’heure de la guerre et de la crise énergétique. Plus que jamais, des défis nous serons posés et des pressions énormes s’exerceront pour reporter à plus tard la lutte aux changements climatiques et pour nous contenter de propositions qui ne s’attaquent pas à la racine du problème. L’atteinte d’une réduction de GES à la hauteur de 55% au moins d’ici 2030, ne pourra faire l’économie d’un plan d’ensemble de transition écologique… Rester en deçà, c’est renoncer à se donner les moyens de parvenir aux objectifs fixés.
La solution ne peut venir que de l’organisation et de la mobilisation de la majorité populaire. Pour opérer une telle transformation, il faut créer une large alliance des classes ouvrières et populaires, des nations autochtones qui ont joué un rôle important dans la lutte aux changements climatiques et des secteurs les plus discriminés de la population qui ne se reconnaissent pas dans la classe politique. Une telle alliance cherchera à imposer ces choix dans les luttes sociales quotidiennes et mobilisera pour un gouvernement de la majorité ouvrière et populaire, un gouvernement féministe et réellement internationaliste.
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