https://www.jacobinmag.com/2018/05/xinjiang-uyghur-china-repression-surveillance-islamophobia
L’attention internationale portée à la question du Xinjiang, région autonome du nord-ouest de la Chine, et à l’oppression de la population ouïghoure par l’État chinois est toujours bien en retard par rapport au cas bien médiatisé du Tibet. Pourtant, dans l’esprit du Parti communiste chinois (PCC), le Xinjiang, que de nombreux, nombreuses Ouïghour.e.s appellent le Turkistan oriental, l’emporte désormais sur le Tibet en tant que priorité politique.
Au nom de la lutte contre l’extrémisme islamique, le parti s’est lancé dans une campagne massive de détention et d’endoctrinement des minorités ethniques. Son objectif est d’éradiquer une fois pour toutes la possibilité d’opposition et de transformer cet immense territoire en une plate-forme stable, à partir de laquelle la Chine pourra étendre son initiative de la Ceinture et la Route et dominer l’Asie centrale.
L’apparition au Xinjiang d’un nouveau réseau de camps de « rééducation politique » est depuis un certain temps un secret mal gardé. Mais la recherche et des rapports nous offrent des preuves tangibles de l’ampleur de cette nouvelle politique. Depuis le milieu de 2017, un boom majeur de la construction a créé une variété de centres de détention et de prisons dont les détenu.e.s se comptent par centaines de milliers. Ces camps combinent nombre des horreurs brutales du système antérieur de rééducation par le travail avec les derniers mécanismes de haute technologie de surveillance et de contrôle.
Sans faire face à aucune accusation, les détenu.e.s (pour la plupart des Ouïghour.e.s, mais aussi des Kazakh.e.s) se retrouvent indéfiniment coupé.e.s du monde extérieur. Les soupçons tombent facilement sur ceux et celles qui manifestent des signes de piété religieuse excessive ou qui ont des contacts avec l’étranger. Mais le balayage est beaucoup plus large que cela. Même parler mal le chinois semble suffisant pour vous faire détenir.
Les plus malheureux, malheureuses se retrouvent quotidiennement battu.e.s et interrogé.e.s ; les plus chanceux, chanceuses endurent une routine de séances d’autocritique et la répétition stupéfiante de slogans patriotiques. Le but d’étouffer toute loyauté envers la foi religieuse et l’identité nationale occupe une place importante dans ce programme.
Ces camps ne sont que l’aboutissement d’une série d’innovations politiques répressives introduites par le secrétaire du parti Chen Quanguo depuis son arrivée au Xinjiang en 2016. Nombre d’entre elles étaient déjà évidentes lors d’un voyage que j’ai effectué au Xinjiang l’année dernière : des postes de police à chaque intersection majeure ; points de contrôle omniprésents où les Chinois et les Chinoises naviguent alors que les Ouïghour.e.s font la queue pour des inspections humiliantes ; des hommes et des femmes âgé.e.s qui se traînent dans les rues lors d’exercices antiterroristes ; des émissions de télévision et de radio incitant les Ouïghour.e.s à aimer le parti et à se blâmer pour leur statut de seconde classe.
J’ai vu des policiers armés de mitrailleuses arrêter de jeunes hommes ouïghours dans la rue pour vérifier la présence dans leurs téléphones du logiciel-espion obligatoire du gouvernement. Certains ont simplement abandonné leur smartphone, de peur qu’un clip vidéo ou un SMS « extrémiste » ne les conduise en prison. Un jour de semaine dans le centre ouïghour de Kashgar, j’ai regardé la ville entrer en verouillage, ouvrant la route à des divisions de soldats de l’APL qui défilaient, scandant leur détermination à maintenir la « stabilité ».
Plus qu’à tout autre moment depuis son intégration dans la République populaire de Chine, le Xinjiang ressemble aujourd’hui à un territoire occupé, et les politiques du parti révèlent une vision globale des Ouïghour.e.s en tant qu’ennemi intérieur. La présence même des Ouïghour.e.s dans le pays est un rappel inconfortable de l’identité alternative du Xinjiang en tant que frange orientale du monde islamique et turcophone - une identité que Pékin préférerait effacer, si elle le pouvait. Le parti n’a peut-être pas encore l’intention d’éloigner physiquement les Ouïghour.e.s, mais ses efforts pour marginaliser la langue ouïghoure et pour réécrire l’histoire de la région servent des objectifs qui ressemblent à une politique de nettoyage ethnique.
Même dans une région où les relations ethniques réelles ont rarement ressemblé aux scènes harmonieuses de la propagande officiel, il s’agit d’un point bas historique. Comment un État révolutionnaire, arrivé au pouvoir en promettant de mettre fin à toutes les formes de discrimination nationale, a-t-il fini par recourir à des politiques aussi horribles ? Et que pouvons-nous faire, le cas échéant, ceux et celles d’entre nous à l’extérieur de la Chine, pour contribuer à changer les choses ?
Une frontière impériale
L’histoire de l’emprise de Pékin sur le Xinjiang commence dans les années 1750 avec une vague d’expansion impériale pendant la dernière dynastie chinoise, les Qing. Pendant plus d’un siècle, la caste militaire mandchoue et mongole de l’empire n’a exercé qu’une forme de gouvernement très indirecte, enlevé par intermittence par des rébellions musulmanes locales. Regardant le passé, de nombreux et de nombreuses nationalistes ouïghour.e.s considéreraient plutôt les années 1880, lorsque le Xinjiang est devenu une province à part entière de l’empire, comme le véritable point de départ du colonialisme chinois. À cette époque, les bureaucrates chinois ont pris les rênes de l’administration et s’y sont accrochés pendant la révolution anti-Qing de 1911–1912.
Les Ouïghour.e.s ont tenté de gagner leur autonomie pendant la période de la République chinoise de 1912 à 1949. En le faisant, ils et elles ont souvent cherché une forme de soutien extérieur. Malheureusement pour eux et elles, la seule source réaliste d’un tel soutien était l’Union soviétique.
Pendant les années 1920, période de poussée révolutionnaire plus forte du Komintern dans le monde islamique, les bolcheviks ont flirté avec l’idée de transformer le Xinjiang en une république soviétique. Mais à mesure que la marée révolutionnaire internationale s’est calmée, les intérêts d’État de l’Union soviétique en Asie ont dominé son approche de Xinjiang, et cela a empêché une véritable solidarité avec les Ouïghour.e.s.
Pendant les années 1930, une révolte à grande échelle a mené à la création de la République islamique du Turkestan oriental à Kachgare. Mais Moscou a préféré se ranger du côté de la domination chinoise et a aidé à l’écraser. Dans les années 1940, Staline a donné le feu vert à un soulèvement dans l’ouest de la région, qui a créé ce que l’on appelle la seconde République du Turkestan oriental. C’était un point culminant de l’histoire du courant laïc du nationalisme ouïghour qui avait émergé en Union soviétique. Mais la seule priorité de Staline était de maintenir la domination économique et politique de la région. La république a été dissoute lorsqu’il a conclu un accord avec Mao pour permettre à l’Armée populaire de libération de prendre le contrôle du Xinjiang en 1949.
Entrée dans Xinjiang en 1949, le PCC avait déjà mis de côté son engagement en faveur de l’autodétermination des peuples, n’offrant qu’une forme réduite d ’« autonomie nationale ». En vendant cette vision d’une Chine post-révolutionnaire plus centralisée, le parti a dû purger les communistes indigènes qui cherchaient quelque chose de plus substantiel, comme une République soviétique d’Ouïghouristan.
Si on considère les normes des années 1950 dans le monde, la politique envers les nationalités du PCC avait encore certains aspects progressistes, parmi lesquels la renonciation publique au chauvinisme Han, des politiques d’action positive en faveur des minorités nationales dans les domaines de l’éducation et de l’emploi, l’éducation dans la langue maternelle au niveau secondaire. Pourtant, les engagements du parti à respecter les droits de la nation indigène dans le Xinjiang ont souvent cédé aux objectifs de développement économique et de sécurité dans ce territoire frontalier sensible. Et la Révolution culturelle a contribué à éroder ce qu’il y avait de bonne volonté envers le parti dans la population ouïghoure.
Pendant la libéralisation limitée des années 1980, les Ouïghour.e.s ont profité de l’occasion pour tester ses limites sous forme d’un mouvement étudiant embryonnaire. Mais à la fin de la décennie les partisan.e.s de la modération avaient déjà perdu la bataille au sein du parti chinois, et toute possibilité restreinte d’opposition organisée ouïghoure a été éliminée dans la répression générale de 1989. Des livres ont été brûlés, d’éminent.e.s intellectuel.e.s emprisonné.es.
Ce recul vers des politiques dures a été renforcé avec la chute de l’Union soviétique en 1991, interprétée par certain.e.s membres de la direction du PCC comme le produit du nationalisme non-russe dans la périphérie soviétique. Depuis ce temps la seule réponse du parti au mécontentement ouïghour a été de resserrer le contrôle idéologique et d’organiser des rafles périodiques.
Dans le sillage du 11 septembre, la Chine a refaçonné sa ligne dure contre le séparatisme en aile de la « guerre mondiale contre le terrorisme » et, ce faisant, elle est parvenue à une espèce d’accord avec Washington. Il y a eu des actes sporadiques de violence terroriste au Xinjiang et ailleurs en Chine, dont certains, tragiquement, ont coûté la vie à des Chinois.e.s Han ordinaires. Mais la résistance ouïghoure au Xinjiang est bien plus désorganisée et démilitarisée que la Chine voudrait nous faire croire. La guerre du régime chinois contre le terrorisme a revendiqué comme victimes des membres du parti même légèrement dissident.e.s, tels que le professeur d’économie Ilham Tohti, condamné à une peine de prison à vie il y a quatre ans pour avoir critiqué la marginalisation des Ouïghour.e.s au Xinjiang.
Il est vrai que certain.e.s Ouïghour.e.s désespéré.e.s ont trouvé leur place dans les rangs des milices islamistes en Syrie et en Irak, espérant acquérir une formation militaire et la solidarité djihadiste internationale, jugées nécessaires pour le combat au Xinjiang. Mais cette stratégie sans issue ne représente aucune menace pour Pékin - certainement pas une menace qui pourrait justifier la répression qu’on observe aujourd’hui. La Chine maintient un étranglement sur les points d’entrée et de sortie du Xinjiang ; seul l’État chinois profite de la présence de militants ouïghours sur ce champ de bataille lointain.
Bien des observateurs et observatrices ont conclu que la Région autonome ouïghoure du Xinjiang jouit de trop peu d’autonomie : le centre détient un veto sur toute législation locale, et les dispositions relatives aux droits culturels et linguistiques sont depuis longtemps lettre morte. Pourtant les fonctionnaires du PCC adoptent le point de vue opposé : le système donne trop d’autonomie aux minorités.
En 2011-2012, un débat a éclaté sur les réformes du système officiel des nationalités de la Chine. Certain.e.s ont exprimé l’idée qu’il faut abolir les régions autonomes, voire les catégories de nationalités elles-mêmes. Ces propositions reflétaient ce qui semble être une opinion largement répandue au sein de l’élite du PCC, selon laquelle le mécontentement est fonction des concepts qui sont dans la tête des gens, et non pas des politiques sur le terrain. Si on change les idées, on changera la situation.
Ces propositions étaient trop iconoclastes pour que le parti les adopte, mais l’approche adopté aujourd’hui au Xinjiang manifeste une même motivation : mettre fin aux conflits ethniques en supprimant tout l’espace idéel pour faire des revendications au nom d’une nation ouïghoure.
Le cercle vicieux du plaidoyer au Xinjiang
La répression au Xinjiang est trop intense pour s’attendre à ce qu’une résistance aux nouvelles politiques émerge dans l’avenir proche. Nous ne devons pas non plus nous attendre à l’émergence d’une opposition au sein du parti à Pékin. Mais à l’étranger on demande ce qui peut être fait pour aider les Ouïghour.e.s. La diaspora ouïghoure s’est ralliée à travers le monde récemment. Les journalistes et les universitaires ont fait des efforts admirables pour mettre en lumière les réalités troublantes.
Et à Washington, le sénateur Marco Rubio a remis en jeu la question ouïghoure dans la politique américaine de la Chine lorsqu’il a fait une intervention très publique au sujet des camps de rééducation, pointant spécifiquement la détention de membres de famille des journalistes de Radio Free Asia.
Il est possible que certain.e.s, et peut-être de nombreux et de nombreuses Ouïghour.e.s accueilleront favorablement l’intervention de Rubio. Ils et elles se considèrent comme des victimes du communisme, pris.e.s, comme ils et elle l’ont été, entre deux méga-États répressifs qui se disaient communistes. Une grande partie de la gauche internationale a longtemps approuvé l’idée que l’Union soviétique et la Chine étaient des exemples vivant du socialisme qui devaient être défendus à tout prix. Sans ami.e.s à gauche, les Ouïghour.e.s en exil ont naturellement tendance à graviter vers la droite anticommuniste.
La tragédie est que cela a rendu trop facile à Pékin de dépeindre le mécontentement ouïghour comme le produit d’un complot occidental hostile. Cela est opportuniste et cynique, mais malheureusement convaincant pour certain.e.s Chinois.e.s. Il y a ici un cercle vicieux, qui ne fait que nous éloigner d’une solution juste au Xinjiang. Et alors que la question du Xinjiang prend de nouveau une importance internationale, elle risque de retomber dans cette ornière familière.
Les gouvernements étrangers ne devraient naturellement pas hésiter à critiquer le mauvais traitement infligé par la Chine à ses minorités. Mais Rubio, comme on pouvait s’y attendre, est allé au-delà de cela, en liant explicitement le sort des Ouïghours aux objectifs américains en Asie. Écrivant à l’ambassadeur des États-Unis à Pékin, il lui a demandé de se pencher sur la question parce que « la répression dans le XUAR touche à une gamme d’intérêts essentiels aux efforts des États-Unis pour garantir une région indo-pacifique libre et ouverte ».
Rubio dirige maintenant un effort pour intensifier la pression sur la Chine à tous les niveaux, une poussée qui fait suite aux déclarations les plus belliqueuses de Washington par rapport à la Chine depuis la reconnaissance officielle de la République populaire en 1979.
Dans le cadre du débat plus large autour de la montée en puissance de la Chine, certaines voix traditionnellement progressistes croient que nous n’avons d’autre choix maintenant que de mettre de côté notre « anti-américanisme instinctif » et d’embrasser la domination mondiale des États-Unis. Le système autoritaire de la Chine est si répréhensible, affirment-elles, qu’à mesure que son poids augmente dans les affaires mondiales, nous devons nous unir pour lui résister.
Mais les bruits de sabre occidentaux n’aideront personne au Xinjiang. Lier les injustices dans cette région directement à la tentative de Washington de consolider son hégémonie déclinante en Asie ne fera que renforcer la détermination du régime chinois à réprimer, ce qui signifie que les camps de rééducation du Xinjiang pourraient très rapidement se transformer en camps d’internement pour toute la population ouïghoure. C’est impensable ce qu’une véritable guerre pourrait apporter.
Certain.e.s à gauche pourraient être tenté.e.s d’adopter l’approche opposée : se taire sur la politique intérieure de la Chine et se concentrer plutôt sur la lutte contre nos propres tendances militaristes. Mais abandonner toute critique de la Chine reviendrait à se soustraire à une responsabilité morale de dénoncer l’oppression et à une responsabilité politique de trouver des solutions. L’acquiescement progressif au monopole de la droite sur le discours par rapport au Xinjiang est l’une des raisons pour lesquelles nous sommes entré.e.s dans ce cercle vicieux en premier lieu ; nous devons chercher un moyen de s’en sortir.
Une approche alternative
La plupart des gens qui se penchent sur la question du Xinjiang se situeraient quelque part entre les positions soutien exclusif aux États-Unis et la critique exclusive des E-U. La belligérance de Rubio comporte, bien sûr, ses risques, pourrait-on dire, mais au moins il dit la bonne chose à propos des Ouïghour.e.s.
Mais il ne suffit pas de critiquer simplement les politicien.ne.s de droite quand ils et elles se trompent et de les applaudir quand ils et elles agissent correctement. Nous devons dissocier activement la question du Xinjiang de la poursuite des intérêts occidentaux en Asie et lui donner un cadre différent, un cadre universel du rejet du racisme et de la discrimination.
Ce n’est pas seulement le fait qu’une poussée vers la guerre ne fera qu’aggraver les choses pour les Ouïghour.e.s ou qu’être moralement cohérent.e est en soi une bonne chose. Il y a des raisons pratiques pressantes pour lesquelles une telle approche est nécessaire.
Il est inutile d’exiger que la Chine respecte les normes internationales quand de telles normes n’existent pas. Dans les faits, l’islamophobie est devenue la norme dans le monde entier, et avec elle une variété de programmes de déradicalisation intrusifs et punitifs, similaires dans leur conception, sinon dans leur échelle, à ceux de la Chine. En lisant le récent livre de Jim Wolfreys sur la France, il n’est pas difficile de voir des similitudes avec les mesures mises en œuvre au Xinjiang : interdiction des formes de voile, citoyen.ne.s encouragé.e.s à rechercher des signes de radicalisation aussi anodins que quelqu’un qui change ses habitudes alimentaires. En 2015 le Premier ministre socialiste Manuel Valls est allé jusqu’à mener des consultations sur la constitutionnalité de la création de centres de détention pour plus de dix mille personnes qui figurent sur une liste de surveillance policière d’extrémistes présumé.e.s.
Cette islamophobie globalisante a porté un double coup aux Ouïghour.e.s. Presque tous et toutes les musulman.ne.s en font eux-mêmes et elles-mêmes l’expérience lorsqu’ils et elles vivent en Occident. Cela rend plus difficile pour eux et elles de demander l’asile et de commencer une nouvelle vie normale en dehors de la Chine. Mais cela fournit également un environnement international idéal à la Chine pour mener à bien sa répression au Xinjiang.
Les dirigeant.e.s occidentaux et occidentales n’hésitent pas plus que les fonctionnaires chinois.e.s à Xinjinang à traiter les musulman.ne.s comme des terroristes. C’est le principe qui sous-tendait l’interdiction des musulmans de Donald Trump. Et il est au cœur de la défense israélienne de son massacre à Gaza. Les personnes qui défendent les Ouïghour.e.s doivent prendre fermement position contre le traitement déshumanisant des musulman.e.s par l’Occident et ses alliés.
Une telle approche nous fournit également une ouverture sur cette question par rapport à un groupe important - les citoyen.ne.s chinois.e.s Han ordinaires de la République populaire de Chine. La migration en provenance de l’intérieur a rapproché la population chinoise du Xinjiang de celle de ses Ouïghour.e.s autochtones, ce qui signifie que toute lutte - que ce soit pour l’indépendance, une plus grande autonomie, ou simplement l’égalité des droits - doit nécessairement s’appuyer sur le soutien de Chinois.e.s. Et s’il est difficile pour nous de parler aux Chinois.e.s du Xinjiang, nous pouvons parler à ceux et celles qui se trouvent en Occident.
Beaucoup de ces citoyen.ne.s de la RPC ont des sentiments mitigés sur une question comme celle du Xinjiang : ils et elles reconnaissent que le secrétaire général du PCC Xi Jinping est peut-être autoritaire, mais pensent qu’il a raison sur l’ingérence occidentale dans les affaires de la Chine. Et tout en reconnaissant ses défauts, ils et elles attribuent à la force croissante de l’État une partie de l’affaiblissement de la vieille sinophobie qu’ils et elle subissent lorsqu’ils et elles sont à l’étranger. Pour persuader ces personnes de partager notre indignation face à la situation au Xinjiang, nous devons leur faire valoir de manière convaincante que cette indignation reflète notre engagement en faveur de la lutte contre le racisme et en faveur de la justice pour tous et toutes, et non pas une campagne pour miner la Chine.
À l’heure actuelle notre capacité à le faire est menacée par la position de confrontation que l’Occident adopte envers la Chine, qui ressemble beaucoup à la propre vision paranoïaque de la RPC, qui considère les minorités ethniques comme intrinsèquement dangereuses. Si nous demandons aux Chinois et aux Chinoises de se battre contre le racisme et contre la discrimination qui existent dans leur communauté, nous devons leur montrer que nous sommes prêt.e.s à faire de même. Alors qu’une confrontation entre les États-Unis et la Chine se profile, ceux et celles qui défendent les Ouïghour.e.s en Chine devraient être prêt.e.s à faire de même pour les Chinois.e.s victimes en Occident.
De toute évidence, transformer cette position en alternative politique convaincante et pratique demandera bien du travail. Il ne sera pas facile de construire une alliance progressiste autour de la question du Xinjiang avec suffisamment de poids pour rivaliser avec les ressources et l’influence des faucons anti-chinois. Pour le moment, certains Ouïghour.e.s seront encouragé.e.s par les propos durs de Washington à l’égard du Pékin. Mais ils et elles savent aussi, par expérience amère, que les gouvernements étrangers qui s’attaquent à cette question peuvent tout aussi rapidement l’abandonner, dès que leurs priorités changent. C’est une raison de plus pour élaborer une approche qui ne sera pas vulnérable aux vents politiques à Washington.
La défense des droits des minorités en Chine doit aller de pair avec une position anti-guerre ferme par rapport à la politique internationale des États occidentaux, avec une détermination à mettre fin à l’islamophobie et avec une vigilance contre les préjugés anti-chinois dans nos propres communautés. Lier la question du Xinjiang à ces causes n’est pas une distraction ; c’est une opportunité.
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