Édition du 15 octobre 2024

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Il ne revenait pas à Netanyahou d’exécuter Nasrallah.

Samedi 28 septembre 2024 : le Hezbollah vient de confirmer que son chef, Hassan Nasrallah, a été tué par le bombardement israélien du quartier de Beyrouth où il se trouvait. Il n’est pas le seul : le bombardement a fait officiellement « au moins 6 morts et 90 blessés », s’ajoutant aux centaines de civils tués ces derniers jours au Liban. Un million de personnes ont fui le Sud du Liban, certains passant en Syrie – faut-il être terrorisé pour se réfugier en Syrie …

28 septembre 2024 | tiré du site d’Author
https://aplutsoc.org/2024/09/28/il-ne-revenait-pas-a-netanyahou-dexecuter-nasrallah/

Hors de question de pleurer Nasrallah. Sa mort a été célébrée à Idlib, où n’existe pas la moindre sympathie pro-israélienne. Les dizaines de milliers de victimes syriennes, libanaises et palestiniennes des nervis, des tueurs et des tortionnaires du Hezbollah sont en droit d’acter cette élimination avec satisfaction, mais ils le font avec une double amertume.

D’abord, c’est à elles et à eux qu’elle appartenait, pas à Netanyhaou et pas à l’Etat israélien.

Netanyahou est dans une impasse à Gaza. 45 000 morts et sans doute plus, des centaines de milliers de personnes acculées dans les décombres à la famine, au trauma et à la maladie, mais impossible de « détruire le Hamas » : possible seulement de massacrer les Gazaouis.

Et c’est bien – on y reviendra – parce qu’il y a risque réel de génocide comme sortie barbare de cette situation du point de vue de Netanyahou et de l’extrême-droite israélienne, que la proclamation obsessionnelle du « génocide », souvent antérieure, d’ailleurs, à octobre 2023, occulte la situation réelle de massacre et de destruction qui conduirait à un génocide effectif, lequel doit être interdit maintenant en imposant un cessez-le-feu et la libération conjointe des otages du Hamas et des prisonniers politiques palestiniens en Israël.

Cessez-le-feu et libérations conjointes doivent être imposés par une campagne internationaliste globale, impliquant les syndicats portuaires, pour stopper les livraisons d’armes, principalement nord-américaines, à Tsahal. Ce que n’est pas le mouvement « pour la Palestine » dans les universités occidentales, toujours hurlant au « génocide » mais inefficace pour empêcher son arrivée effective.

Ce sont les contradictions internes à l’impérialisme nord-américain et la pression de l’opinion publique qui, en cas de défaite de Trump et donc de victoire de K. Harris aux présidentielles US, risquent de faire de l’impasse dans laquelle Netanyahou s’est mis à Gaza, le commencement de la fin pour lui.

C’est pourquoi l’appareil sécuritaire et militaire israélien s’est lancé dans ce qui n’est pas une opération « pour la défense d’Israël », mais une opération de diversion visant à ressouder la population judéo-israélienne de plus en plus divisée à propos de Gaza, des otages et de Netanyahou, et à entretenir la peur mondiale d’une guerre régionale avec l’Iran.

C’est en effet l’Iran, avec la bénédiction russe, qui a poussé le Hamas à la provocation et au pogrom du 7 octobre 2023, tout en n’ayant jamais eu l’intention de transformer la prétendue « tempête d’Al-Aqsa » en guerre totale : le Hezbollah et les Houthis n’ont jamais tenté d’aider sérieusement ni le Hamas, ni, encore moins, la population de Gaza dont ils n’ont cure.

Les habitants judéo-israéliens, palestiniens et druzes du Nord d’Israël sont effectivement victimes des missiles et des menaces du Hezbollah qui n’ont cependant jamais affaibli, bien au contraire, l’Etat israélien lui-même. De même que la fin des menaces du Hamas pourrait venir du cessez-le-feu, de la libération des prisonniers politiques et de la reconnaissance du droit palestinien à un Etat, de même le commencement de la fin du Hezbollah, dont la domination est vomie par la société libanaise, pourrait venir rapidement d’une telle politique. Les gens déplacés et menacés au Nord d’Israël ne sont qu’un prétexte.

Depuis trois semaines, par les méthodes du terrorisme d’Etat, Israël a porté de très grands coups au Hezbollah, organisation totalement réactionnaire par ailleurs. Le fait que ces coups soient portés par Israël et avec ces méthodes écarte toute portée ou finalité « progressiste » à cette opération.

Il s’agit pour Netanyahou, bloqué à Gaza au seuil d’un génocide effectif qui n’a pas eu lieu mais qu’il faut empêcher, de faire diversion, de retrouver une assise élargie dans la société israélienne, et de faire planer le danger d’une guerre régionale totale avant les élections nord-américaines, en espérant du coup peser en faveur de son candidat qui est aussi celui de Poutine : Donald Trump.

Surtout, et c’est là le point le moins abordé, qui est justement occulté par ces opérations, celles-ci servent aussi à couvrir les actes pogromistes et la colonisation renforcée contre les Palestiniens de Cisjordanie, évoluant vers une « purification ethnique » de fait, que Netanyahou et les siens veulent rendre irréversible, alors que l’élimination de cette colonisation est une condition pour le respect des droits nationaux palestiniens et donc pour toute paix.

L’amertume avec laquelle les centaines de milliers d’arabes victimes du Hezbollah peuvent acter l’élimination de Nasrallah et compagnie, est donc causée par le fait que le droit moral de les juger et de les punir leur revenait à eux, et à nuls autres, et certainement pas aux « organes » israéliens.

Mais elle est double, car il s’y ajoute le fait que ces organes ne tuent pas seulement, et ne tuent pas principalement, des cadres du Hezbollah. De même qu’ils s’acharnent de fait sur la population de Gaza en disant affronter les soldats du Hamas (qui se réservent les souterrains, interdits aux Gazaouis), de même au Liban, ce sont des centaines et des centaines de victimes civiles et, d’ores et déjà, un million de réfugiés, qui sont les principales cibles de fait. Et, parmi ces cibles, des dizaines et des dizaines de réfugiés syriens qui avaient fui Bachar el Assad et le Hezbollah, et, parmi ces réfugiés, des milliers et des milliers de ces réfugiés syriens qui ne veulent pas et ne peuvent pas retourner en Syrie.

Il est d’ailleurs permis de se demander si les organes israéliens n’ont pas eu une aide discrète de … Bachar el Assad, dont le régime est silencieux sur les attaques aux bippers et opérations menées ces dernières semaines. Bachar n’est pas gêné par les massacres de grande ampleur : en cas de « purification ethnique » en Cisjordanie et de génocide réel à Gaza, lui, l’ « antisioniste » et « anti-impérialiste », compte bien survivre encore et encore …

Les objurgations des grands de ce monde à la « retenue » par peur d’une « guerre régionale » s’adressent théoriquement à Israël, mais ne l’inhibent pas, et s’adressent donc en réalité plutôt à l’Iran. Techniquement et militairement, il est difficile à l’Etat iranien de riposter. De plus, il connait une crise interne et, surtout, la population iranienne lui est hostile et le risque existe aujourd’hui pour ce régime qu’une guerre, au lieu de mâter les résistances populaires, soient saisie par elles pour en finir. « Femme, Vie, Liberté » : réprimé, ce mouvement est vivant, très fort, dans la conscience du plus grand nombre. Par ailleurs, l’Iran est en train de se doter de l’arme nucléaire mais ne l’a probablement pas encore. Pour l’ensemble de ces raisons, une intervention iranienne directe demanderait une aide russe, alors que la Russie est « occupée » en Ukraine. Le passage à une guerre régionale, ce que les dirigeants savent à Téhéran comme à Tel-Aviv, est donc très difficile. Contraints, théoriquement et par leurs propres discours belliqueux, à une vengeance « terrible », les dignitaires iraniens et ceux du Hezbollah risquent de n’avoir, pour tout de suite du moins, à leur disposition qu’une guerre terrestre de position dans le Sud du Liban, tentant peut-être d’avancer au Nord d’Israël voire au Golan, alors même que les chars israéliens se massent à la frontière en position d’attaque.

Pour conclure ces remarques écrites à chaud, il faut bien comprendre que la rapide description donnée dans cet article s’inscrit dans un cadre général, qui est celui de la lutte des classes à l’échelle mondiale à l’époque de la multipolarité impérialiste. Le pogrom du 7 octobre 2023 a été une provocation visant à déclencher la guerre israélienne de destruction de Gaza, faisant ainsi le jeu de Poutine et attisant toutes les tendances les plus réactionnaires à l’échelle mondiale : campisme « de gauche », trumpisme « de droite », etc. Le spectre d’une guerre régionale entre un prétendu « axe de la résistance » « antisioniste et anti-impérialiste », et Israël étayé par les Etats-Unis, joue ici un rôle clef – en tant que spectre, en tant que cette guerre n’éclate pas complétement. Les grands bénéficiaires de cette défense objective de l’ordre mondial par le désordre et par la guerre ont été Poutine et Trump. Mais rien n’est gagné pour eux. La situation mondiale, assombrie, n’a pas totalement reflué dans un sens réactionnaire, ce qui se serait produit en cas de défaite ukrainienne écrasante. Trump pourrait ne pas gagner et donc perdre, et Poutine n’a pas non plus gagné ; Netanyahou se sent donc, à juste titre, menacé. Il a donc ouvert un second front en jouant au bord du gouffre avec le spectre de la guerre régionale.

VP, le 28/09/24.

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