Tiré de la revue Contretemps
2 octobre 2024
Par Yohann Douet
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Les apports potentiels de la pensée de Gramsci au combat contre l’extrême droite sont innombrables, ne serait-ce que parce que son parcours politique et intellectuel est indissociable de la lutte contre le fascisme [1]. Dans cet article, je m’appuierai sur les résultats de mon ouvrage L’Hégémonie et la révolution – Gramsci penseur politique mais je développerai des réflexions qui n’y sont pas traitées directement [2]. Je discuterai de la manière dont les réflexions gramsciennes peuvent éclairer un problème politique décisif pour nous : la division des classes populaires, et le fait qu’une partie importante d’entre elles vote pour l’extrême-droite [3].
On le sait, l’espace politique français est aujourd’hui structuré selon une tripartition entre – pour utiliser les termes de Julia Cagé et Thomas Piketty [4] – un « bloc libéral-progressiste » (le macronisme au sens large), un « bloc national-populiste » (l’extrême-droite) et un « bloc social-écologiste (la gauche). Le premier bloc, qui attire largement les voix des classes dominantes, correspond à ce que Bruno Amable et Stefano Palombarini appellent le « bloc bourgeois [5] ». C’est entre les deux autres blocs politiques que se répartissent la plus grande part des votes des classes populaires.
La gauche (le bloc « social-écologiste ») réunit un vote beaucoup plus urbain tandis que l’extrême droite (le bloc « national-patriote [6] ») attire massivement les voix des classes populaires des « villages et des bourgs [7] ». Or il se trouve que, malgré des différences majeures, cette configuration historique présente des analogies frappantes avec celle qu’a connue Gramsci.
De l’Italie des années 1920…
De son temps, les classes populaires (ou « subalternes ») étaient séparées en deux groupes : d’un côté, une classe ouvrière urbaine et concentrée dans le Nord, politiquement organisée et massivement socialiste et communiste ; de l’autre, et ce second groupe est largement majoritaire en Italie, une paysannerie pauvre peu organisée (« désagrégée »), notamment dans le Sud (le Mezzogiorno) dominé économiquement et politiquement par le Nord. La paysannerie du Sud pouvait se mobiliser et agir collectivement, parfois d’une manière très radicale (occupation de terres, émeutes, voire insurrections, etc.) mais ses mobilisations étaient peu organisées, n’étaient pas organiquement liées au mouvement ouvrier et n’étaient pas nourries par une critique élaborée de l’ordre social [8].
Précisons que ni la classe ouvrière ni la paysannerie méridionale n’étaient massivement fascistes. Le fascisme italien avait sa base sociale dans la petite-bourgeoisie (urbaine et rurale). Mais, notamment à cause de la division entre classe ouvrière et paysannerie et entre Nord et Sud, les puissants mouvements sociaux de 1919-1920 (le biennio rosso) ne sont pas parvenus à l’emporter jusqu’au bout dans une révolution, et cet échec historique a rendu possible l’arrivée au pouvoir du fascisme deux ans plus tard (octobre 1922).
Dans cette situation, Gramsci affirme que la classe ouvrière urbaine doit construire son hégémonie sur la paysannerie – le terme d’hégémonie signifiant ici l’alliance entre ces deux classes, sous la direction de la première. La classe ouvrière doit donc parvenir à entraîner la paysannerie dans la lutte contre le capitalisme et la domination bourgeoise, et cela en renforçant l’activité politique de la paysannerie. Cela ne peut passer à ses yeux que par l’intermédiaire d’organisations sociales et politiques (en premier lieu le parti communiste), qui doivent donc lutter non seulement pour les intérêts ouvriers mais aussi pour les intérêts paysans (l’amélioration de leur niveau de vie, la possession des terres qu’ils travaillent, leur participation à la vie politique, etc.) [9].
Pour Gramsci, les politiques hégémoniques s’opposent aux politiques « économico-corporatives ». Peut ainsi être qualifiée d’« économico-corporative » une politique du mouvement ouvrier qui ne défend que les intérêts économiques particuliers (corporatistes, donc) de la classe ouvrière, en négligeant ceux de la paysannerie. En Italie, au moins depuis le début des années 1900, plutôt que de lutter radicalement avec la paysannerie contre la domination bourgeoise, une partie importante du mouvement ouvrier (les socialistes réformistes) accepte des compromis avec la bourgeoisie aux dépens de la paysannerie, notamment en prélevant des impôts sur le Sud de l’Italie à l’avantage du Nord industriel [10].
Cette politique corporatiste s’accompagne de préjugés et même d’un racisme des habitants du Nord envers ceux du Sud :
« On sait quelle idéologie les propagandistes de la bourgeoisie ont répandue par capillarité dans les masses du Nord : le Midi est le boulet de plomb qui empêche l’Italie de faire de plus rapides progrès dans son développement matériel, les méridionaux sont biologiquement des êtres inférieurs, des semi-barbares, voire des barbares complets, c’est leur nature [11] ».
Réciproquement, il souligne que les paysans du Sud ont aussi des préjugés envers les ouvriers du Nord qu’ils estiment être privilégiés, et ils ont par exemple participé à différentes occasions, en tant que soldats, à la répression de grèves ouvrières.
En somme, avant et encore plus après l’arrivée du fascisme au pouvoir, les subalternes étaient séparés par des clivages sociaux, territoriaux, politiques et idéologiques et la conscience de classe restait cantonnée à un niveau économico-corporatif.
… à la France des années 2020
L’une des tâches politiques cruciales aujourd’hui est, comme à l’époque de Gramsci, d’unifier les classes populaires qui sont clivées entre classes populaires urbaines et classes populaires rurales et péri-urbaines. Étant donné que le bloc urbain est plus organisé et plus progressiste politiquement, c’est en partant de lui que l’unité des classes populaires doit et peut être reconstruite. Le bloc de gauche urbain est donc le candidat naturel au rôle de « pôle hégémonique » principal. Il s’agit donc de construire son hégémonie sur les classes populaires rurales [12], c’est-à-dire de les entraîner dans une lutte politique émancipatrice.
(Re)conquérir politiquement les campagnes et les bourgs n’est certes pas le seul problème actuel. Il reste crucial de consolider, mobiliser et organiser les secteurs sociaux votant largement pour la gauche, qu’il s’agisse des classes moyennes progressistes des métropoles (a fortiori les jeunes et précaires), des classes populaires stables du public et/ou proches d’un syndicat, ou encore des habitant-e-s des quartiers populaires (en particulier les racisé-e-s). La convergence des votes de catégories sociales aussi diverses – notamment pour Jean-Luc Mélenchon aux présidentielles de 2022 – demande à être pérennisée et le bloc électoral qui s’est dessiné doit être transformée en un véritable « bloc social » (dans le sens d’Amable et Palombarini), qui correspondrait à un ensemble cohérent et relativement stable de demandes et d’intérêts socio-économiques. Dans le cas des quartiers populaires, la mobilisation durable des abstentionnistes jouera incontestablement un rôle décisif, ce qui impliquera de mettre en avant des représentant-e-s issus de ces quartiers et de travailler localement à renforcer l’activité politique des habitant-e-s. Dans l’ensemble, il s’agit, pour le dire schématiquement, d’accroître l’unité, l’ampleur et l’activité du bloc déjà acquis à la gauche de gauche et à prédominance urbaine.
Mais il est également décisif, sur le plus long terme, d’exercer une activité hégémonique en direction des classes populaires rurales et de promouvoir également dans « les villages et les bourgs » une activité politique progressiste.
Les zones rurales ne sont évidemment plus peuplées majoritairement de paysan-nes comme à l’époque de Gramsci. S’il existe des ruralités plus prospères (régions touristiques, zones résidentielles à proximité des villes, etc.) marquées également par un vote FN/RN important, on se concentrera ici sur une configuration spécifique : celle des « campagnes en déclin », dans le Nord et l’Est notamment [13]. Il s’agit de régions désindustrialisées (contrairement au Mezzogiorno non encore industrialisé des années 1920), peuplées largement d’« “ouvriers conservateurs” encadrés par une petite et moyenne bourgeoisie dont la domination locale repose plus sur le capital économique que sur le capital culturel [14] ». Ces territoires se caractérisent par une gauche faible et par une politisation tendancielle à droite et surtout à l’extrême droite.
La « conscience du monde social » n’y est pas dichotomique (« nous » contre « ceux d’en haut ») mais, comme l’a formulé le sociologue Olivier Schwarz, « triangulaire [15] ». Le « nous » (classes populaires rurales) s’oppose en effet, d’un côté, à « ceux d’en haut » (les décideurs, les privilégiés urbains, notamment parisiens) et, de l’autre, à « ceux d’en bas » (les précaires, vus comme « cassos », et les assisté-e-s suspectés profiter de système, fréquemment assimilés aux racisé-e-s). Dans une telle vision du monde, il importe donc de se distinguer de ceux d’en bas, d’être reconnu-e comme respectable et méritant-e, tout en étant par ailleurs protégé-e dans la mesure du possible de la désindustrialisation et de la concurrence internationale. Or le FN/RN promet précisément de protéger les classes populaires blanches, en particulier rurales, de leur garantir une certaine respectabilité et de leur conserver les maigres acquis qu’elles peuvent avoir, comme par exemple la propriété de leur logement [16].
Chez ces classes populaires rurales, le sentiment de solidarité est loin d’avoir disparu, mais il est limité à des cercles restreints. Dans la vie quotidienne, il est ainsi limité à la famille ou au groupe amical (sur le mode du « déjà, nous » ou « nous d’abord [17] »). En politique, il est fréquemment limité aux français-e-s blanc-he-s (et méritant-e-s). Une telle solidarité s’apparente d’une certaine manière à la vision « économico-corporative » dont parlait Gramsci, qui désignait par là la défense des intérêts économiques de groupes sociaux particuliers en faisant abstraction des autres groupes.
En proposant la « préférence nationale », le FN/RN peut jouer de cette solidarité limitée et économico-corporative, mais il va plus loin en la retournant contre d’autres groupes sociaux populaires, puisqu’il promet la satisfaction d’intérêts économiques minimaux aux dépens des étrangèr-e-s et racisé-e-s. Tout en approfondissant ainsi les clivages existant au sein des classes populaires, le FN/RN vise à détacher les classes populaires blanches (et méritantes) pour les inclure dans un bloc social transclasse incluant les classes exploiteuses, bloc ayant pour ciment une conception racialisée de l’appartenance nationale.
Toujours est-il qu’au sein des classes populaires, l’idée selon laquelle on ne peut se protéger du système capitaliste néolibéral, et s’y ménager une place vivable et digne, qu’aux dépens d’autres secteurs populaires acquiert une très grande force lorsqu’il est impossible d’envisager un horizon au-delà de ce système et que l’on se résigne à l’accepter passivement. Cette logique est certes loin d’expliquer à elles seules le racisme, qui relève également d’autres causes structurelles, mais elles le renforcent, le cristallisent et contribuent à le politiser.
Un autre élément décisif doit être relevé : ce que Benoît Coquard appelle les « affinités transclasses [18] » entre les classes populaires rurales et la petite bourgeoisie locale. Il existe une certaine proximité, dans les modes de vie, les sociabilités mais aussi les visions du monde social entre d’une part les petits patrons, les commerçants et les artisans, et d’autre part les salariés de l’artisanat et des petites entreprises. Le salarié peut être ami avec et prendre pour modèle de réussite l’artisan à son compte, le président du club de chasse, le cafetier, le petit patron du coin – et éventuellement son petit patron [19].
Ce faisant, c’est la vision du monde très droitière de la petite bourgeoisie locale qui va influencer la vision du monde des classes populaires rurales, et devenir la norme dans ces territoires, l’adhésion à une telle vision politique de droite ou d’extrême-droite devenant même un gage de respectabilité et un moyen d’intégration (pour obtenir un emploi par exemple). Les membres de la petite bourgeoisie sont ainsi des « leaders d’opinion [20] » à l’échelle locale, des gens que l’on écoute.
En ce sens, ils peuvent jouent le rôle « d’intellectuels organiques » de l’extrême droite, sans que ce soit délibéré et sans qu’ils soient le plus souvent militants du FN/RN. Il faut préciser que lorsque Gramsci parle d’intellectuels, et d’intellectuels organiques en particulier, il ne pense pas forcément à des gens spécialisés dans une activité intellectuelle (lire, écrire, discourir, etc.). Il définit en effet les intellectuels par leur « fonction de connexion et d’organisation [21] » de la vie sociale, et par le fait de diffuser certaines visions du monde.
Gramsci peut écrire, à propos du sud de l’Italie, que « le paysan méridional est lié au grand propriétaire terrien par l’intermédiaire de l’intellectuel » petit-bourgeois [22], les intellectuels étant ici les prêtres, les petits fonctionnaires ou les professions libérales (notaires, médecins, etc.), qui incitent la paysannerie à la résignation et renforcent en son sein le sentiment d’impuissance. Il parle à ce propos d’un « monstrueux bloc agraire » formé par « la grande masse paysanne amorphe et inorganisée, les intellectuels de la petite et de la moyenne bourgeoisie rurale et les grands propriétaires fonciers [23] ».
Dans la mesure où, sans abolir complètement « l’effervescence » paysanne, ce bloc agraire assure une certaine stabilité aux rapports sociaux méridionaux et reconduit par conséquent la position subordonnée du Sud agricole et quasi-féodal par rapport au Nord capitaliste, Gramsci estime qu’il remplit une « fonction d’intermédiaire et de contrôleur au service du capitalisme septentrional et des grandes banques. Son unique but est de maintenir le statu quo [24] ».
Dans la France des années 2020, on l’a vu, les classes populaires rurales sont liées à l’extrême-droite par l’intermédiaire de la petite-bourgeoisie locale, qui joue objectivement un rôle d’intellectuel organique. Pour désigner cet ensemble de rapports socio-politiques on pourrait parler, par analogie avec le « bloc agraire » de Gramsci, de « bloc rural » [25]. Et, tout comme le bloc agraire méridional gramscien servait en définitive le capitalisme italien (au sein duquel le Nord était dominant), le bloc rural français contemporain sert les intérêts du capitalisme néolibéral (dominé par les métropoles) dans la mesure où le vote d’extrême-droite fait obstacle à toute alternative véritable, passant nécessairement par une gauche de rupture.
L’analyse du bloc social rural est seulement esquissée ici, et demanderait à être développée[26]. Elle peut néanmoins permettre de mieux comprendre comment l’extrême-droite peut obtenir des scores électoraux importants dans des zones où elle n’a qu’une faible présence militante, si bien que des candidat-e-s fantasques glaçants, comme des personnes se photographiant sur les réseaux sociaux avec une casquette nazie, ayant fait une prise d’otage ou étant sous curatelle, ont pu dépasser 20% ou 30%, et se qualifier au second des législatives [27]. Si le FN/RN n’a pas nécessairement besoin de militantisme local pour atteindre de tels résultats, c’est en effet pour plusieurs raisons qui se renforcent réciproquement :
1) Il se nourrit de la logique du système néolibéral et des demandes de protection économico-corporatives que celui-ci produit. D’un côté, le FN/RN tire une certaine rente électorale de son image de parti anti-système, ce que renforce le fait qu’il n’a jamais exercé le pouvoir au niveau national ; de l’autre, l’alternative qu’il prétend incarner ne remet pas en cause les fondements du néolibéralisme. Une telle alternative, illusoire dans la mesure où elle reste intérieure au système néolibéral, apparaît pourtant plus réaliste que celle incarnée par la gauche de rupture aux yeux de celles et ceux qui se résignent à ce système.
2) Ses idées sont périodiquement reprises par les partis de gouvernement et perpétuellement diffusées dans les grands médias, les classes populaires rurales formant le secteur social où l’on regarde le plus la télévision [28]. On pourrait ici pousser l’analogie et comparer le rôle de la télévision dans la France rurale contemporaine au rôle de l’Église dans l’Italie des années 1920. Les médias de masse constituent un appareil idéologique agissant au cœur même des foyers, et ne demandent pas la même présence dans l’espace social que l’appareil idéologique clérical, avec son clocher et son prêtre dans chaque village. Il faut certes relativiser l’influence directe et immédiate de la télévision, dont le message est toujours interprété et décodé par les auditeurs-rices en fonction, notamment, de l’influence des « leaders » ou « relais d’opinion » de leur entourage. Cela étant, dans le cas qui nous intéresse, ces intermédiaires semblent bien renforcer le caractère réactionnaire du message des grands médias.
3) Le FN/RN est favorisé par les rapports sociaux qui rattachent les classes populaires à la petite bourgeoisie dans le cadre du « bloc rural ».
Briser le bloc rural
Gramsci affirmait en son temps la nécessité de construire l’hégémonie du mouvement ouvrier sur la paysannerie du Sud et de briser le « monstrueux bloc agraire » méridional entre la paysannerie, les intellectuels petits-bourgeois et les grands propriétaires. Comment espérer aujourd’hui mener avec succès une politique hégémonique en direction des classes populaires rurales et notamment briser le « bloc rural » ?
1) Pour parvenir à rendre les projets de gauche audibles et potentiellement hégémoniques, il est bien entendu nécessaire de s’adresser d’une manière concrète aux classes populaires rurales et de se confronter à ce qui les préoccupe comme la question du transport (et surtout de la voiture individuelle, étincelle du mouvement des Gilets jaunes) dans les zones rurales et péri-urbaines et la question de la propriété du logement – cela sans abandonner bien sûr les objectifs de décarbonation de l’économie et la défense du logement social.
Dans leur ouvrage, Julia Cagé et Thomas Piketty voient une analogie entre, d’une part, l’importance pour les classes populaires rurales de la propriété de leur logement aujourd’hui et, d’autre part, l’attachement à la propriété de la terre pour la paysannerie française autrefois. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe, cette question aurait contribué à détourner la paysannerie de la gauche (marxiste), perçue comme trop collectiviste, et à renforcer la tripartition de l’espace politique (qui aurait prédominé de 1848 à 1910). Même s’il est indispensable de rappeler la différence entre un moyen de production (la terre) et un moyen d’habitation, l’analogie reste éclairante et on peut l’étendre jusqu’à la situation italienne des années 1920. En ce sens, une politique hégémonique concrète de la gauche envers les classes populaires rurales devrait donner une réponse aux problèmes de la voiture individuelle et de la propriété du logement comme – toute proportion gardée – elle devait au temps de Gramsci proposer une solution à la question méridionale et à la question de la terre.
Sur la question du logement, Cagé et Piketty relèvent dans le programme du RN aux présidentielles de 2022 la promesse d’une extension du prêt à taux zéro pour l’accession à la propriété, chaque famille pouvant de plus selon cette mesure bénéficier de la part de l’État d’un prêt de 100 000 euros sans intérêt, qui n’aurait plus à être remboursé après la naissance d’un troisième enfant. Si cet élément relativement secondaire du programme n’est vraisemblablement pas la cause principale de la tendance des propriétaires de milieux populaires à voter pour l’extrême-droite, qui peut s’expliquer par d’autres raisons plus fondamentales [29], elle témoigne indéniablement de la capacité du FN/RN à saisir les préoccupations des classes populaires rurales.
2) Même le discours le plus adapté et le programme le plus pertinent ont besoin de relais d’opinions au niveau local, jouant le rôle d’intellectuels organiques diffus présents dans les territoires. Pour le dire simplement, il s’agit d’éviter que seuls les petits patrons de la région se fasse entendre. Dans la mesure où « les groupes sociaux qui portent typiquement le vote à gauche sont soit absents de ces villages et bourgs populaires, du fait notamment du départ des jeunes diplômés ne trouvant pas de débouchés sur le marché de l’emploi local, soit dans un entre-soi ignoré des classes populaires locales », la solution serait, dans l’idéal, que des catégories sociales plus marquées à gauche viennent ou reviennent s’installer dans des campagnes populaires [30]. La relocalisation d’emplois diplômés (dans la santé et l’éducation par exemple) pourrait permettre qu’émergent de nouveaux modèles de réussite plus progressistes que le petit entreprenariat local. Ce type de solution pourrait passer par une reconstruction des services publics atrophiés dans ces territoires [31].
3) La défense des services publics constitue du reste une revendication non économico-corporative et au contraire potentiellement hégémonique. Dans leur principe, ils sont censés être universels et en tant que tels ils répondent aux intérêts des classes populaires urbaines comme rurales, racisées ou non. C’est autour de telles revendications hégémoniques que l’on peut espérer reconstruire l’unité des classes populaires. Le problème est bien sûr qu’une telle reconstruction des services publics ne pourra être mise en œuvre qu’une fois la gauche de rupture déjà au pouvoir, et que les classes populaires rurales ne pourront en éprouver les effets positifs qu’à plus longue échéance encore.
4) Gramsci écrit en 1926 que « le prolétariat détruira [le] bloc agraire méridional dans la mesure où il réussira, à travers son Parti [le parti communiste], à organiser en formations autonomes et indépendantes des masses toujours plus importantes de paysans pauvres [32] ». Si l’on essaie d’adapter cette formule à notre situation, on peut dire que briser le bloc rural suppose de construire une organisation politique radicale de masse, présente physiquement sur tout le territoire. Dans la mesure où, sans relais d’opinion locaux, les discours progressistes risquent de rester hors sol, il s’avère nécessaire de s’implanter localement, sur le long terme, dans les bourgs et si possible dans les villages : le slogan « Une cellule du parti pour chaque clocher », lancé par le dirigeant communiste italien Pietro Secchia en 1945 et adopté par le PCI, indique toujours la direction à prendre, quand bien même serait-il impossible de réaliser intégralement cet objectif. La croissance et l’implantation d’une telle organisation demandera une lutte politique de longue haleine, âpre et acharnée : une « guerre de position », aurait dit Gramsci. Or si la France insoumise, sous sa forme actuelle, excelle dans l’action rapide, lorsqu’il s’agit de se mobiliser d’une manière ponctuelle pour une échéance électorale importante, l’intervention durable et l’implantation territoriale présentent bien plus de problèmes (comme en témoignent par exemple ses scores généralement plus faibles aux élections locales). Pour mener la guerre de position et la lutte hégémonique en direction des classes populaires rurales, il faut un véritable parti, de masse, structuré, ramifié, présent localement, sensible à la particularité des différentes zones d’intervention et s’appuyant sur des militant-e-s, des représentant-e-s et même des élu-e-s issu-e-s des classes populaires [33]. Bref, cette lutte hégémonique ne pourra être menée avec succès que si elle passe, non par un mouvement gazeux, mais par un processus d’organisation moléculaire [34].
5) Même si l’on en avait la volonté, la construction d’une telle organisation politique de masse serait difficile ne serait-ce que parce qu’il existe peu de points d’appui dans les campagnes et les bourgs. Il serait donc indispensable de s’appuyer sur les structures existantes, comme les associations locales et surtout les syndicats, qui restent les organisations populaires progressistes les plus massives et présentes localement. En effet, « dans les petites villes rurales, où le RN accumule un nombre de voix assez important, les militant-e-s de gauche sont de plus en plus rares. Souvent, seuls les réseaux syndicaux restent actifs pour défendre les valeurs progressistes contre les idées d’extrême droite, que ce soit sur les lieux de travail ou dans les quartiers [35] ». En ce sens, il serait indispensable de renforcer, à un niveau local comme national, les liens organiques entre partis de gauche radicale et syndicats de lutte, qui sont parfois trop relâchés, ou marqués par une certaine tension. Le soutien explicite apporté par la CGT au NFP est sur ce plan un signe encourageant.
6) Les luttes et mouvements sociaux, qu’il s’agisse de grèves locales ou de mouvements d’ampleur nationale, restent des occasions particulièrement favorables au recul de l’extrême-droite et à formation de nouvelles solidarités de classe, par-delà les clivages des classes populaires. Cela s’est en particulier constaté dans le cas du mouvement des Gilets jaunes. Celui-ci a dans certains cas permis la transformation d’une conscience « triangulaire » du monde social en une conscience « dichotomique » où le « nous » est principalement opposé à « ceux d’en haut » [36]. Comme l’écrit Benoît Coquard, « l’irruption des Gilets jaunes à l’automne 2018 a ouvert une brèche inattendue, dans des coins de France profondément rétifs aux engagements collectifs et à la rébellion politique [37] ». De plus, leurs revendications et surtout les formes d’action radicales qu’ils ont adoptées se sont avérées inconciliables avec le culte de l’autorité et la défense unilatérale de la police portés par le FN/RN. Dans l’ensemble, le mouvement des Gilets jaunes a montré le potentiel politique des classes populaires rurales et péri-urbaines, et a ainsi constitué une « fissure [38] » importante dans le bloc rural. Il peut ainsi être vu comme une phase de « guerre de mouvement » populaire, mais qui a malheureusement trop peu nourri la guerre de position de la gauche.
À cet égard, l’attitude réticente voire hostile d’une grande partie des directions syndicales envers ce mouvement a été une faute sociale et politique majeure, l’inverse même de ce que devrait être une politique hégémonique visant à unifier l’ensemble des classes populaires. Les occasions de rapprochement entre organisations progressistes et classes populaires rurales sont rares et précieuses, il faut donc savoir les saisir et cela n’a pas été fait au niveau national, même si de nombreux-ses militant-e-s syndicaux-les ont participé localement au mouvement des Gilets jaunes. Comme l’a écrit Gramsci, « négliger et, pis, mépriser les mouvements dits spontanés, c’est-à-dire renoncer à leur donner une direction “consciente”, à les élever à un plan supérieur en les insérant dans la politique, […] peut avoir souvent de très graves et très sérieuses conséquences [39] ».
Conclusion
Les concepts gramsciens d’hégémonie, de corporatisme, d’intellectuels organiques, de guerre de position et de mouvement restent particulièrement pertinents pour analyser et éclairer la lutte contre l’extrême-droite. Il est certes nécessaire, sous peine de tomber dans une application dogmatique et mécanique de conceptions formulées il y a près d’un siècle, de spécifier ce que notre situation a d’unique et de différent de celle de l’Italie des années 1920, raison pour laquelle il est indispensable de s’appuyer sur les résultats des travaux de sciences sociales contemporains.
Toujours est-il que, s’il reste quelque chose de parfaitement actuel dans ce que nous a légué Gramsci, c’est bien sa célèbre devise : « pessimisme de l’intelligence, optimisme de la volonté ». Pessimisme face aux ravages du capitalisme, mais optimisme en ce qui concerne la capacité des subalternes organisé-e-s à le renverser. Les classes populaires gagnées par l’extrême-droite ne parviennent pas à dépasser le pessimisme, ne voient pas d’horizon au-delà de la concurrence généralisée et ne conçoivent la satisfaction de leurs demandes qu’au détriment d’autres groupes subalternes.
Le FN/RN est bien, comme le disait Trotsky du fascisme, « le parti du désespoir contre-révolutionnaire [40] ». Pour le vaincre, la meilleure arme reste donc de faire naître, et de faire éprouver concrètement, un espoir révolutionnaire.
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Illustration : Marche des gilets jaunes à Gannat 8 Décembre 2018 © Sylvain Néron
Notes
[1] L’un des objectifs principaux des textes de Gramsci, avant comme après son emprisonnement (novembre 1926), est de penser et de lutter contre le fascisme. Voir Yohann Douet et Ugo Palheta, « Comprendre et combattre le fascisme avec Gramsci » [Podcast], Spectre.
[2] Yohann Douet, L’Hégémonie et la révolution – Gramsci penseur politique, Paris, Éditions Amsterdam, 2023. Un extraitde l’ouvrage et une recension par Hendrik Davi ont été publiées dans Contretemps.
[3] Le présent article reprend et complète l’intervention que j’ai donnée aux AMFIS 2024 dans le cadre du panel « Penser nos luttes avec Antonio Gramsci » organisé par Contretemps, aux côtés de Galatée de Larminat et Stathis Kouvélakis, que je remercie pour leurs discussions enrichissantes que nous avons eues sur ces questions et leurs précieuses remarques.
[4] Julia Cagé et Thomas Piketty, Une histoire du conflit politique. Élections et inégalités sociales en France, 1789-2022, Paris, Seuil, 2023.
[5] Bruno Amable et Stefano Palombarini, L’illusion du bloc bourgeois. Alliances sociales et avenir du modèle français, Paris, Raisons d’agir, 2017. Alors que Cagé et Piketty parlent de « blocs politiques », Amable et Palombarini étudient plutôt des « blocs sociaux », c’est-à-dire des « alliances sociales » entre différents groupes, qui excèdent la seule dimension électorale. Un bloc social est pour eux « constitué par les groupes protégés par une stratégie » politico-économique (ibid., p. 22), comme la stratégie néolibérale dans le cas du bloc bourgeois, lequel reste toutefois trop étroit pour former un bloc social dominant d’une manière stable.
[6] Cagé et Piketty incluent LR dans ce bloc, ce qui pourrait être discuté, mais faire un choix différent ne modifierait pas fondamentalement les tendances générales.
[7] Cagé et Piketty (ibid., p. 95) répartissent la population française entre 12 millions de personnes habitant dans des villages (agglomérations de moins de 2000 habitants), 21 millions dans des bourgs (agglomérations entre 2000 et 100 000), 22 millions dans des banlieues (communes secondaires des agglomérations de plus de 100 000 habitants) et 11 millions dans des métropoles (agglomérations de plus de 100 000 habitants). À mesure que l’on passe des villages aux bourgs, aux banlieues et aux métropoles, on constate que le vote national-populaire décroît et qu’à l’inverse le vote pour le bloc social-écologiste croît (pour la présidentielle 2022, voir ibid., p. 718). Remarquons que, si Cagé et Piketty n’avaient pas fait le choix discutable d’inclure les bourgs jusqu’à 100 000 habitant-e-s mais, disons, jusqu’à 10 000, le survote pour l’extrême-droite aurait vraisemblablement été encore plus marqué.
[8] Il en allait différemment de la paysannerie du Nord (notamment dans la plaine du Pô, caractérisée par une agriculture moderne), qui était beaucoup plus organisée, notamment dans des « ligues paysannes » d’obédience socialiste. Ce fut d’abord pour briser par la violence de telles organisations paysannes (avec le squadrisme), après deux années de mobilisation sociale en 1919-1920, que le mouvement fasciste a été soutenu par les grands propriétaires terriens et a pris toute son ampleur.
[9] Si la bourgeoisie française a pu construire une forte hégémonie sur la paysannerie au cours de la Révolution française c’est précisément parce que, d’après Gramsci, certains intérêts de ce type ont été satisfaits.
[10] Je m’appuie ici par la suite sur « Quelques thèmes sur la question méridionale », texte dont Gramsci avait commencé la rédaction quelques semaines avant son emprisonnement (novembre 1926), et qui est par conséquent resté inachevé. Ce texte se trouve dans Antonio Gramsci, Écrits politiques, Paris, Gallimard, 1975-1980, tome 3, p. 329-356 (noté ci-dessous EP III).
[11] EP III, p. 333.
[12] Le terme « rural » est pris ici en un sens large et renvoie également à des villes moyennes, en particulier les « bourgs » en déclin. Chez Cagé et Piketty, les « bourgs » rassemblent les communes jusqu’à 100 000 habitants (tant qu’il ne s’agit pas de communes secondaires de communes plus grandes).
[13] Benoît Coquard, Ceux qui restent. Faire sa vie dans les campagnes en déclin, Paris, La Découverte, 2019. Les ressorts du vote FN/RN dans la région plus attractive qu’est le Sud-Est (région PACA en l’occurrence) ont été étudiés par Félicien Faury, Des électeurs ordinaires. Enquête sur la normalisation de l’extrême droite, Paris, Seuil, 2024. Pour une réflexion sur les logiques présidant au vote FN/RN (en partie – mais en partie seulement – différentes selon les zones), voir l’entretien avec Benoît Coquard et Félicien Faury mené par Fabien Escalona : « Hégémonie sur le terrain, normalisation, racisme : les ressorts du vote RN », Médiapart, 27 juin 2024.
[14] Ibid., p. 173.
[15] Olivier Schwarz, « Vivons-nous encore dans une société de classe ? Trois remarques sur la société contemporaine française », La Vie des idées, 22 septembre 2009.
[16] L’un des résultats frappants du travail de Cagé et Piketty est la corrélation forte, chez les classes populaires, entre le fait d’être propriétaire de son logement et le fait de voter pour le « bloc national-patriote ». Ils caractérisent ainsi le vote FN/RN comme un vote de « petits-moyens accédant à la propriété ».
[17] Benoît Coquard, Ceux qui restent, op. cit., chapitre 7, p. 173-190.
[18] Ibid., p. 35.
[19] Ces logiques d’affinités transclasses jouent plus nettement dans le cas de sociabilités masculines (les sociabilités des femmes dépendant plus fréquemment des sociabilités de leurs conjoints), raison pour laquelle on ne féminise pas ici.
[20] La notion de « leaders d’opinion (opinion leadership) ou « relais d’opinion » a été développée par les sociologues Paul Lazarsfeld et Elihu Katz dans le cadre de la théorie de la « communication à deux étages (two-step flow of communication) » soutenant que les discours politiques ou médiatiques ne prennent toute leur force de conviction que s’ils sont relayés à un niveau local par des figures relativement influentes.
[21] Cahier 12, §1, in Antonio Gramsci, Cahiers de prison, Paris, Gallimard, 1978-1996, tome 3, p. 314. Gramsci ne définit pas les intellectuels par le contenu intrinsèque de leur activité mais par leur place dans les rapports sociaux, et la catégorie des intellectuels acquiert ainsi une extension bien plus vaste que dans les usages courants du terme. À ses yeux, peuvent donc faire partie des intellectuels des figures apparemment éloignées telles que le philosophe professionnel, le prêtre, l’entraîneur sportif, le journaliste, le policier, l’ingénieur, l’économiste, l’instituteur, le médecin, etc. » (Fabio Frosini, « De la mobilisation au contrôle : les formes de l’hégémonie dans les « Cahiers de prison » de Gramsci », Mélanges de l’École française de Rome – Italie et Méditerranée modernes et contemporaines, n° 128-2, 2016), ou encore le chef d’entreprise capitaliste et le militant d’un parti politique. Que dans les « campagnes en déclin » le rôle d’intellectuels organiques soit joué par les membres d’une petite-bourgeoisie « dont la domination locale repose plus sur le capital économique que sur le capital culturel » (selon la formulation de Benoît Coquard) n’est que relativement paradoxal si l’on poursuit l’élargissement de la notion d’« intellectuels » initié par Gramsci.
[22] EP III, p. 348.
[23] Ibid., p. 345.
[24] Ibid., p. 348.
[25] Cette analogie – comme toute analogie historique – est évidemment imparfaite. En particulier, l’extrême-droite qui attire les votes populaires ruraux n’est pas assimilable aux propriétaires terriens dominants dans le bloc agraire méridional de Gramsci, qui exploitaient économiquement la paysannerie. Alors que, dans l’Italie des années 1920, le capitalisme développé dans le Nord s’articulait à des rapports sociaux quasi-féodaux dans le Sud, le capitalisme (sous sa forme néolibérale) subsume directement tout le territoire français, même s’il avantage certaines zones aux dépens d’autres.
[26] La notion de « bloc social » renvoie ici, comme chez Amable et Palombarini, à une alliance entre groupes sociaux rassemblés derrière une stratégie politico-économique, avec la promesse d’une satisfaction – quand bien même serait-elle illusoire – de certains intérêts économico-corporatifs des classes populaires rurales blanches par une stratégie de préférence nationale. Mais elle renvoie également, comme chez Gramsci, aux rapports sociaux concrets qui rattachent les différents groupes constituant le bloc en question (classes populaires rurales, petite bourgeoisie rurale, représentants de l’extrême-droite, etc.).
[27] « Casquette nazie, propos racistes et antisémites, prise d’otage : ces candidats RN aux législatives qui font polémique », France bleu, 3 juillet 2024.
[28] Sur l’analyse gramscienne des médias, voir Yohann Douet (entretien avec Frédéric Lemaire), « Gramsci, critique des médias ? », Acrimed, décembre 2020.
[29] En effet, la proportion de propriétaires est bien plus forte en milieu rural, lequel est tendanciellement lié au vote d’extrême-droite pour de nombreuses raisons, comme on l’a vu. De plus, la propriété de son logement signifie que l’on a quelque chose à perdre (économiquement et symboliquement) et peut vraisemblablement être propice à une conscience sociale « triangulaire ».
[30] Benoît Coquard, « Les obstacles à “la reconquête du vote populaire rural” : discussion sur l’ouvrage de Cagé et Piketty », The Conversation, 20 septembre 2023.
[31] Ibid.
[32] EP III, p. 356.
[33] Xavier Vigna (entretien avec Mathieu Dejean), « La gauche n’a pas de stratégie nationale pour reconquérir ses territoires perdus », Médiapart, 28 juillet 2024.
[34] Gramsci emploie le terme de « moléculaire » comme synonyme de capillaire ou diffus, notamment pour qualifier la politique qui se fait au niveau le plus fin, local et particulier.
[35] Julian Mischi, « Comment l’extrême droite française prospère au détriment de la gauche », Revue l’Anticapitaliste, n° 158, juillet 2024. Julian Mischi le montre à partir du cas d’une petite ville de 3000 habitants, localité rurale et ouvrière du centre-est de la France, où le vote RN est important et en progression constante mais où le syndicalisme CGT des cheminot-e-s reste un pôle de politisation progressiste actif.
[36] Voir Zakaria Bendali, Raphaël Challier, Magali Della Sudda, Olivier Fillieule, « Le mouvement des Gilets jaunes : un apprentissage en pratique(s) de la politique », Politix, 2019/4, n° 128, p. 143-177.
[37] Benoît Coquard, Ceux qui restent, op. cit., p. 173.
[38] Gramsci parle lui aussi des « fissures du bloc agraire » méridional (EP III, p. 351).
[39] Cahier 3, §48, in Antonio Gramsci, Cahiers de prison, op. cit., tome 1, p. 296
[40] Léon Trotsky, « Le tournant de l’Internationale Communiste et la situation en Allemagne », 26 septembre 1930.
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