La nouvelle était pourtant en apparence réjouissante : un budget de 400 millions $ sur deux ans pour relancer le milieu culturel, dont 250 millions $ d’argent neuf.
Cependant, depuis lundi, l’UNEQ a investigué auprès de différentes instances gouvernementales afin de comprendre comment cette importante somme d’argent sera utilisée. Qui en seront les bénéficiaires, pour quels types de programmes et dans quels délais ? Nous avons appris que les écrivaines et écrivains québécois étaient concerné.es par une seule des mesures annoncées, soit la bonification du budget du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ), qui pourra ainsi attribuer davantage de bourses de création. Toutefois, les 4 millions $ d’argent neuf qui seront injectés le seront dans l’ensemble des programmes de bourses, et ce, pour toutes les disciplines : arts du cirque, arts visuels, arts numériques, chanson, cinéma et vidéo, danse, métiers d’art, musique, recherche architecturale, théâtre… ainsi que la littérature et le conte. Chaque discipline n’aura donc droit qu’à une fraction des millions annoncés.
De plus, les écrivaines et les écrivains ne seraient pas éligibles au fonds d’urgence lui aussi annoncé le 1er juin, qui sera géré par nos collègues de l’Union des artistes (UDA) et de la Guilde des musiciens. Qu’est-ce qui explique cette discrimination ? Les écrivain.es représenteraient-ils une « sous-catégorie » d’artistes ?
Une réalité ignorée
« L’urgence pour plusieurs de nos membres n’est pas de déposer une demande de bourse pour un nouveau projet de création, dont les résultats seront connus quelque part à l’automne et demeurent imprévisibles, car rappelons que le dépôt d’une demande ne garantit en rien l’obtention d’une aide. L’urgence, c’est de savoir comment ils vont passer au travers de l’été ! », s’exclame la présidente de l’UNEQ, Suzanne Aubry, qui est également romancière. « L’urgence, c’est de payer les factures, le loyer et l’épicerie, en attendant que les parutions et les ventes de livres reprennent leur cours normal, que les salons du livre puissent avoir lieu, que les conférences et rencontres d’auteurs en bibliothèque puissent reprendre. Et il ne faut pas oublier que les autrices et les auteurs ne reçoivent leurs redevances qu’un an après la parution d’un livre. »
L’UNEQ est bien consciente que la grande majorité des activités culturelles au Québec souffrent de la crise, mais elle insiste sur la nécessité pour le gouvernement de poser des gestes solidaires, de mettre en place des programmes accessibles à tous et toutes et des mesures adaptées aux besoins réels de chacun.e. Le plan de relance économique du milieu culturel, dans sa forme actuelle, ne répond pas à ces exigences. Il démontre une déconnexion profonde entre les décisions prises à Québec et la réalité socioéconomique des écrivain.e.s.
Le numérique n’est pas la panacée
Selon le plan de relance, 14 millions $ seront consacrés à des programmes appelés « ambition numérique » et « rayonnement numérique » pour permettre aux artistes de rejoindre leur public de manière innovante et créative. Le gouvernement semble encourager l’utilisation intensive du numérique, voie qu’il avait commencé à emprunter bien avant la crise du coronavirus, et ne considérer le développement des arts qu’à travers le prisme des nouvelles technologies.
« Cette tendance forte nous inquiète. Faut-il rappeler que les écrivaines et les écrivains n’ont aucune entente collective encadrant leurs conditions de travail ni aucune grille tarifaire validée ? Faut-il rappeler que rien n’encadre les activités d’une écrivaine ou d’un écrivain sur une plateforme numérique ? », souligne Laurent Dubois, directeur général de l’UNEQ. « Nous comprenons bien le potentiel offert par le numérique, mais nous savons également que l’avenir de la littérature repose d’abord et avant tout sur l’amélioration des conditions socioéconomiques des autrices et des auteurs. »
Ottawa, seule bouée de sauvetage ?
Au moment d’écrire ces lignes, l’UNEQ doit admettre qu’à la lumière des annonces faites par le gouvernement provincial cette semaine, la seule aide susceptible de véritablement porter secours à ses membres au cours des prochains mois viendra d’Ottawa.
« Nous demandons au premier ministre Justin Trudeau de prolonger la Prestation Canadienne d’urgence pour nos artistes, en leur permettant d’y avoir accès pour quatre mois supplémentaires », déclare Suzanne Aubry. « L’incertitude prolongée dans laquelle nous plonge le coronavirus ne nous permet pas d’entrevoir une sortie de crise à court terme pour les écrivaines et écrivains. La situation de plusieurs d’entre elles et eux nous préoccupe grandement. »
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