Pour ce qui est des ouvrages de captage alimentés en eaux souterraines (source d’eau potable de 74% de la population régionale), le RPEP reconduit essentiellement les normes et contraintes qui étaient déjà en vigueur sous l’ancien règlement, le règlement sur le captage des eaux souterraines (RCES). En outre, le RPEP vient combler un retard très préoccupant en établissant enfin un portrait du niveau réel d’application des normes de protection des prises d’eau potable au Québec. D’ici 2020, tous les exploitants d’ouvrages de captage alimentant plus de 500 personnes devront publier l’emplacement de leurs prises d’eau et de leurs périmètres de protection, les niveaux de vulnérabilité mesurés ainsi que l’inventaire des activités potentiellement polluantes recensées dans l’aire d’alimentation. Ces renseignements devront faire l’objet d’une mise à jour à tous les cinq ans et devront être communiqués non seulement au ministre, mais également aux MRC et aux organismes de bassin versant concernés.
En complément au RPEP, le gouvernement du Québec a également annoncé la mise en oeuvre prochaine d’un programme de soutien technique et financier à l’intention des municipalités pour la réalisation des analyses de vulnérabilité. La SESAT estime que le gouvernement devrait établir des normes techniques minimales afin de garantir la qualité des analyses de vulnérabilité réalisées. À ce chapitre, le gouvernement pourrait s’appuyer sur l’importante expertise développée par les universités qui ont réalisé les projets d’acquisition de connaissance sur les eaux souterraines (PACES) au cours des dernières années.
En dépit de ces avancées, la SESAT ne peut s’empêcher de noter que l’histoire tend à se répéter et que les normes prévues par le cadre légal sont, encore une fois, à la remorque des évènements. En 2002, l’entrée en vigueur du RCES, faisait suite aux évènements de Walkerton, ON (Mai 2000), où la contamination d’un puits municipal aux bactéries E. coli d’origine agricole avait entraîné 7 décès et près de 2300 malades. Au Québec, la protection des ouvrages de captage collectifs s’effectue depuis sur la base de périmètres de protection. Ceci étant dit, les périmètres de protection définis par le RCES ne restreignaient pratiquement que les activités agricoles (chapitre 3 du RCES).
En 2014, le RPEP reprend essentiellement les mêmes contraintes aux usages agricoles et y ajoute un ensemble spécifique de normes venant encadrer les activités de recherche et d’exploitation d’hydrocarbures (chapitre 5 du RPEP). Ces mesures spécifiques arrivent en réponse aux vives contestations qui ont entouré la recherche de pétrole et de gaz de shale dans le sud de la province depuis 2011. Ce dernier enjeu ne touche pas les régions assises sur le Bouclier canadien, dont l’Abitibi-Témiscamingue, car leur sous-sol ne recèle pas d’hydrocarbures.
Le RPEP n’est donc pas le fruit d’une réflexion multiusage approfondie, mais plutôt une réponse aux pressions publiques du moment. Les nombreuses autres sources de conflits documentées en région par le passé dans les aires d’alimentation des ouvrages de captage collectifs, par exemple les autres types d’exploration minière, l’exploitation forestière et l’entreposage de produits pétroliers, sont autant d’usages du territoire qui ne semblent pas être abordés par le RPEP. Devant ces usages à risques et considérant que le principe de précaution enchâssé dans la Loi sur le Développement durable de 2006 semble n’avoir eu jusqu’à maintenant que très peu de poids dans les procédures judiciaires, les villes et municipalités du Québec devront encore pour longtemps s’appuyer sur la concertation locale et sur le bon vouloir de l’industrie si elles veulent sécuriser leurs approvisionnements en eau potable.