Édition du 17 décembre 2024

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Politique canadienne

Réflexions sur les 50 années du NPD

Les gains du NPD lors des élections fédérales 2011 ont fait des questions sur de ce qu’est le NPD aujourd’hui et sur les rapports que les personnes opposées aux politiques d’austérité doivent entretenir avec ce dernier des questions plus importantes encore. Les rédacteurs de New Socialist Webzine sont heureux de publier cette contribution par Murray Cooke sur l’histoire et la réalité actuelle du NPD.

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Le Nouveau Parti démocratique (NPD) célèbre son 50e anniversaire lors de son congrès fédéral des 17 au 19 Juin 2011 à Vancouver. Ce dernier a lieu dans le sillage de leurs résultats électoraux historiques aux élections de mai 2011. C’est le moment de réfléchir sur l’histoire du NPD. Alors, voici neuf thèses sur le NPD à 50 ans. 

Le NPD, la social-démocratie et le capitalisme  

1. La Cooperative Commonwealth Federation (CCF) est devenu le NPD au cours d’une période de virage à droite de la social-démocratie internationale.  

La guerre froide et le boom économique d’après-guerre a encouragé les sociaux-démocrates canadiens, comme ceux d’ailleurs, à revoir leurs tactiques et leurs objectifs. Partout, les sociaux-démocrates diminuaient l’importance de la propriété publique et adhéraient aux politiques budgétaires keynésiennes, à l’État providence et à l’économie mixte. Le glissement à droite de la social-démocratie a été caractérisée par la publication en Grande-Bretagne du livre d’Anthony Crosland "Future of socialism" en 1956, la bataille contre l’article quatre de la constitution du Parti travailliste britannique (qui affirmait que le parti devait défendre "la propriété commune des moyens de production, de distribution et d’échange ") et par le programme social-démocrate allemand de 1959. 

Le radicalisme du CCF dans les années 1930 est un sujet à débat, mais il est clair que c’est dans le climat idéologique d’extrême droite des années 1950 que le CCF est devenu de plus en plus modéré, un parti social-démocrate. Comme le président national du CCF Frank Scott a dit au Congrès canadien de 1950 du parti », les socialistes partout font le point sur leur position à la lumière des expériences de l’après-guerre." Le glissement à droite du CCF l’a conduit à l’élaboration de la Déclaration de Winnipeg, modérée, adoptée en 1956 pour remplacer le Manifeste plus radical, le Manifeste de Regina. La transformation du CCF en NPD était une tentative de présenter une nouvelle image plus moderne du parti, et c’était davantage l’aboutissement d’un processus de droitisation que le début de ce processus. Il faut rappeler que Hugh Gaitskell, leader de la droite du Parti travailliste britannique et adversaire de l’article quatre, était un conférencier invité au congrès de fondation du NPD. 

2. Les nouveaux rapports du NPD avec le mouvement syndical restent très ambigus.  

Un facteur majeur dans la formation du NPD a été sa nouvelle relation, plus étroite, avec le Congrès du Travail du Canada (CTC) qui avait été créé en 1956. Cependant, le rôle du CTC dans la création du NPD n’était pas dû à la politisation d’un mouvement syndical à travers un processus de mobilisation et de radicalisation. Cela fut le produit d’une organisation prudente et pragmatique de l’organisation syndicale et le partenariat avec le Nouveau Parti marquée à droite a été alimentée par le travail d’une direction au sommet du parti. En outre, à ce moment-là, alors que le NPD a solidifié ses relations avec le mouvement ouvrier, il était devenu un parti ouvert à tout vent qui tendait généreusement la main aux « individus ouvert d’esprit." Alors que la participation du CTC dans la formation du NPD a été une étape importante dans la politique de la classe ouvrière au Canada et fondamental dans la construction de ce nouveau parti différent des deux autres partis, le NPD ne représentait pas réellement une nouvelle conscience de classe, ni un parti de la classe ouvrière.

3. Malgré les deux points précédents, il est toujours exact de dire que le NPD nouvellement formé était un parti social-démocrate.  

Ce n’était pas un parti anti-capitaliste. Il n’envisageait pas une transition vers le socialisme par la voie parlementaire, mais il envisageait une économie capitaliste considérablement réformée, une économie capitaliste régulée par des éléments de planification économique et par l’expansion de l’État-providence. En fait, son leadership pensait que ce processus de transformation du capitalisme était en bonne voie de réalisation avec le rôle de plus en plus interventionniste de l’État dans l’économie. Et, comme on l’a indiqué ci-dessus, c’est un parti qui avait noué une relation étroite avec le mouvement syndical.

4. Les mouvements radicaux de la fin des années 60 et du début 70, dont la recrudescence de militantisme syndical, ont poussé le NPD peu plus à gauche.  

Après avoir évité le terme « socialisme » en 1961, le NPD l’a ressuscité lors du congrès de 1963. Le NPD a adopté des positions de plus en plus progressistes sur le Québec et les droits des femmes dans les années 1960. La politique du parti et sa rhétorique sont sans doute devenues plus radicales. Cela s’est reflété dans la campagne électorale fédérale de 1972 sous David Lewis, dans la plate-forme électorale 1971 du NPD de la Saskatchewan, « Un New Deal pour les personnes » et peut-être même avec le gouvernement de Dave Barrett élu en Colombie-Britannique en 1972. Le mouvement Waffle au sein du NPD a été le cadre de ce processus, mais ce déplacement timide vers la gauche reflète l’ensemble de la vitalité des mouvements sociaux et syndicaux. Le NPD existe à l’intérieur d’une gauche large et il est influencé par cette dernière. 

5. La crise économique de la fin des années 1970, l’offensive capitaliste qui en a découlé et l’hégémonie du néolibéralisme ont rejeté cette gauche large sur la défensive et le NPD a abandonné toute tentative de réformer le capitalisme de façon significative.  

Bien que ce processus nécessite une analyse plus approfondie, les gouvernements néo-démocrates provinciaux des années 1990 ont démontré la transformation radicale de la social-démocratie canadienne. Le NPD, comme les sociaux-démocrates du monde entier, s’est adapté et à même contribué à l’offensive néolibérale, plutôt que d’y résister. Aujourd’hui, le NPD que ce soit au niveau fédéral, ou comme gouvernements au Manitoba et en Nouvelle-Écosse et dans chaque section provinciale du parti, ne développe aucune orientation économique, sociale et démocratique cohérente. Au niveau fédéral, cette orientation a été approfondi sous la direction de Jack Layton. Plutôt que de repenser son approche, le NPD de Jack Layton a accéléré ses reculs sur la démocratie sociale. Sans aucune orientation pour pour réformer le capitalisme de façon significative, le NPD a été réduit à une formation de la gauche libérale. 

Le contexte politique au Canada  

6. L’objectif du NPD en 1961, comme aujourd’hui, était de remplacer les libéraux et réaligner le système des partis selon l’axe gauche - droite.  

Le NPD a été formé dans le contexte où régnait un gouvernement conservateur et où le parti libéral était faible. Chaque fois que les conservateurs ont formé le gouvernement fédéral pour une période significative (sous Diefenbaker, Mulroney ou M. Harper), les Libéraux sont devenus vulnérables, le NPD a été tiraillé par deux orientations. 

Aujourd’hui, le NPD voit une opportunité historique de dépasser les libéraux, tandis que d’autres voient (principalement à l’extérieur du NPD) suggèrent que le NPD fusionne avec, ou au moins travaille avec les Libéraux pour vaincre les Conservateurs. L’accession pour la première fois dans l ’histoire au statut d’opposition officielle ne signifie pas que le NPD fédéral n’a aucun intérêt à une fusion avec les Libéraux mais que leur principal objectif politique est de les remplacer de façon permanente. Ce sera le cadre de l’orientation du NPD au cours des quatre prochaines années. 

7. Un aspect clé de la formation du NPD a été la tentative de prendre pied au Québec.  

Ce fut l’un débats clés en 1961 alors que le NPD reconnaissait le Québec comme une nation. Au cours des 50 dernières années, le NPD a vraiment eu du mal à répondre de manière constructive au nationalisme québécois. Les tentatives passées sont toujours entrées en conflit avec le nationalisme canadien. Ces batailles ont été jouées à l’intérieur du parti et ont toujours divisé le parti. Dans le passé, avec les gains électoraux marginaux au Québec malgré les efforts déployés, il a toujours été plus facile de larguer des positions controversées que de les défendre.

Maintenant, avec un caucus de 59 députés du Québec, le NPD va trouver beaucoup plus difficile de dépasser son engagement rhétorique et de reconnaître le Québec comme une nation et son droit à l’autodétermination. Le NPD fait déjà face à une pression énorme sur ce plan. Au-delà du NPD, pour la gauche au Canada, il y a un besoin pressant d’établir des liens avec la gauche québécoise et défendre le droit du Québec à l’autodétermination. 

8. La gauche large au Canada est très faible.  

Lorsque le NPD a été formé, le Parti communiste du Canada était déclin, mais il toujours conservé une base importante dans certains syndicats. Pendant la radicalisation des années 60 et 70, divers groupes marxistes ont été actifs au Canada et particulièrement au Québec. Aujourd’hui, cependant, la gauche au-delà du NPD est faible. Le mouvement syndical est en crise et sur la défensive. La gauche radicale est très marginale. La montée du mouvement altermondialisation est en grande partie terminée. Pour l’instant, la crise économique et la politique d’austérité n’ont pas généré d’importantes mobilisations de masse au Canada. 

Dans le NPD, la gauche est également faible et inorganisée. Le Waffle a été dissout. La coalition nommée Nouvelle Initiative Politique qui a manifesté sa présence au Congrès du parti en 2001 a été dissoute. Il n’y a aucune force significative de la gauche d’aujourd’hui au NPD. Le Socialist Caucus n’est pas un pôle d’attraction important pour la gauche radicale au sein du parti. 

Au cours de sa campagne à la direction, M. Layton a réussi à coopter une bonne partie de la gauche du parti. Il reste remarquablement incontesté. Si Alexa McDonough avait tenté de ramener le NPD vers le centre de l’échiquier politique comme que M. Layton l’a fait elle aurait rencontré une plus grande résistance et une certaine indignation. 

9. Le NPD, d’autres questions

Le NPD n’est pas un parti socialiste. Le NPD ne va pas devenir un parti socialiste basé sur les paramètres de la social-démocratie d’après-guerre à travers le monde. Le NPD n’est plus un parti social-démocrate. Partout dans le monde, la social-démocratie est morte ou a perdu toute signification. 

L’objectif du NPD au cours des quatre prochaines années sera de se présenter comme l’alternative pragmatique aux Conservateurs et un parti de gouvernement responsable. Sa direction n’encouragera pas l’opposition extraparlementaire et prendra sans doute de nombreuses positions qui décevront la gauche large. 

Pourtant, le NPD a des liens importants avec les organisations syndicales et reste l’alternative de centre-gauche face aux Libéraux et aux Conservateurs. Partout au pays, dans de nombreuses régions, dans de nombreuses villes, le NPD à toutes fins utiles, c’est la gauche. Selon les médias de masse et de nombreux Canadiens, le NPD regroupe « les socialistes » alors même que Jack Layton tente de se débarrasser de cette étiquette. Beaucoup de mouvements sociaux et de militants syndicaux ont été élus au parlement comme néo-démocrates. Les électeurs qui ont voté pour le NPD veulent défendre les programmes sociaux et les services publics et veulent une alternative à la vision des Conservateurs. Donc l’élection de 102 néo-démocrates au Parlement a de l’importance. L’ouverture d’un dialogue entre la gauche du Québec et du Canada est aussi à l’agenda. 

Globalement, il y a certainement un réel danger à donner trop d’importance à l’avenir au NPD. La gauche large, y compris le mouvement syndical, a toujours désespérément besoin d’être reconstruit. De nouvelles formes d’organisation au-delà des néo-démocrates ont besoin d’être construites. L’avenir de la gauche au Canada dépend de la construction d’organisations de masse et des mouvements de lutte contre le néolibéralisme dans le combat pour un monde meilleur. 


Le samedi 18 Juin 2011

Murray Cooke est membre du SCFP 3903, du Nouveau Parti démocratique et l’Assemblée des travailleurs du Grand Toronto.

Traduction Presse-toi à gauche !

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