Tiré du blogue de l’autrice.
L’acte est révoltant, mais n’est pas une nouveauté. Le même acte avait été commis dans la même université en 2018 et quelques années plus tôt, à l’Université de l’Etat libre mais à l’encontre d’une femme de ménage noire. Ce qui est grave et pose question aujourd’hui c’est que l’étudiant de Stellenbosh pisse vraiment sur la Constitution d’un état démocratique, élu au suffrage universel il y a 28 ans. Il agit comme si rien n’avait changé dans ce pays et que le racisme légal du régime d’apartheid n’attendait qu’une occasion pour s’exprimer sans retenue.
Faut-il penser alors que ce racisme latent a profité de circonstances favorables pour resurgir ? Un bref rappel de l’histoire raciste de ce pays n’est pas inutile. C’est en 1948 que le Parti National arrive au pouvoir en Afrique du Sud, nourri d’idéologie raciale depuis l’arrivée des premiers colons blancs, puis pendant les années1930 jusqu’à la seconde guerre mondiale, de l’idéologie nazie. Le nouveau gouvernement avait adopté toute une série de lois basées sur la séparation des races qui accordaient tous les droits à la race blanche, accompagnées de lois punissant toute opposition. Curieusement ces lois avaient été adoptées peu de temps après la Déclaration universelle des droits de l’homme, sans provoquer la moindre remarque sur l’adoption d’une constitution raciste. En décembre 1996, le Président Nelson Mandela avait choisi d’aller à Sharpeville, lieu du massacre du 21 mars 1960, pour signer solennellement la nouvelle constitution qui faisait de l’Afrique du Sud une démocratie unie, non-raciale et non-sexiste.
Mais un texte ne suffit pas à transformer les mentalités, les façons de vivre et de penser.
Dans l’euphorie de la victoire, l’héritage de l’apartheid a été largement sous-estimé par le vainqueur. De plus les erreurs commises par les gouvernements successifs, les pressions extérieures, la création d’une nouvelle bourgeoise noire avide de consommation, la corruption à tous les échelons de l’Etat ont abouti à un creusement des inégalités, à des frustrations qui ont provoqué des explosions de violence : émeutes dans les townships, actes xénophobes contre les « foreign nationals », ces étrangers, dont certains parfois vivaient là depuis des années.
Les luttes pour en finir avec le régime criminel qu’était le système d’apartheid ont autorisé tous les espoirs et le rêve d’un pays où la vie serait meilleure pour tous. Ce rêve omniprésent, alimenté par un éclairage aveuglant sur l’icône Nelson Mandela, qui n’en demandait pas tant, par des médias gourmands de belles histoires pour faire oublier leur silence coupable pendant les années d’horreur de l’apartheid, a occulté une réalité où le pire est souvent le lot quotidien de la population non-blanche.
Steven Friedmann à propos de cet acte ignoble fait ce commentaire très pertinent “ L’essence du racisme, ici et ailleurs, ne s’exprime pas par ceux qui ouvertement expriment leur mépris des Noirs. C’est la façon dont la société fonctionne, la façon dont le racisme s’exprime dans tous les actes de la vie quotidienne…Les Sud-Africains sont très bons pour dénoncer les racistes, ceux qui injurient et maltraitent les Noirs. Mais ce pays a encore bien du mal à nommer et à changer ce qui est au cœur du racisme. Tout a été organisé sous la domination blanche et cela est si fortement ancré dans les esprits de tous, que les trois décennies passées ont été dédiés à absorber les Noirs dans ce système au lieu de le changer. Comme le système a été fait pour une minorité, les autres restent en dehors. Quand cela commencera à changer, le pays commencera à défier le racisme. En attendant, dénoncer les symptômes est nécessaire, mais laisse le coeur du problème intact ». https://www.newframe.com/stellenbosch-urination-emblematic-of-deeper-racism/
Source de la photo tirée du Huffington Post France.
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