26 mai 2022 | Sources : Rébellion / CLAE
Ces réponses des secteurs populaires génèrent de la colère et des craintes chez ceux qui voient, dans ces réactions justifiées, des restrictions à leurs libertés.
Dans ces circonstances, ils demandent l’intervention de l’État, ce qu’ils nient à maintes reprises. Il existe de nombreuses occasions dans lesquelles ils exigent une plus grande répression contre ceux qui se plaignent des effets quotidiens des décisions de l’État. L’objectif d’une telle activité, des organisations du peuple, est d’indiquer l’insatisfaction à l’égard d’une mesure ou d’une situation exigeant réparation ou un changement afin que les demandeurs trouvent une satisfaction à leur demande ou à leur besoin.
Il est évident qu’une telle revendication peut prendre différentes formes et avoir des objectifs différents, en fonction des protagonistes, du moment et du lieu de son exercice.
Dans tous les cas, on peut voir que, selon l’époque, de telles expressions ont des axes centraux qui évoluent. Pour ne citer que quelques exemples, dans les années 80, la plupart de ces revendications avaient à voir avec la fin de la dictature, le génocide produit et pour mettre fin à l’ouverture économique et à ses effets : la désindustrialisation qui en a résulté, mais depuis quelques années, de telles revendications sont – généralement – des protestations, en raison de la situation économique et sociale que le pays traverse et ce sont les secteurs très largement populaires qui sont les touchés.
Il est logique que de telles revendications aient un impact sur la société et le pouvoir dans la mesure où elles expriment une demande suffisamment large, capable de rassembler les foules et d’entraver le fonctionnement du gouvernement ou des institutions auxquelles elles s’adressent.
Le pouvoir de l’État actuel exige la gouvernabilité. Les revendications des insatisfaits produisent – selon le rapport de forces – l’ingouvernabilité du système qui cherche une réponse à leur demande et / ou en créant les conditions d’une nouvelle forme de participation.
Lorsque ces revendications augmentent et renouvellent leur force, leur fréquence et leur présence dans différents espaces publics, sans trouver de réponses – de la part du gouvernement chargé de les leur donner – nous sommes confrontés à une situation très particulière : les institutions étatiques se manifestent incapables de remplir leurs obligations de lutter pour le bien commun ou l’intérêt de la grande majorité.
De cette situation, les perspectives d’explosions sociales grandissent, celles qui émeuvent profondément nos sociétés. Octobre 45, libérant Perón et donnant naissance au péronisme, fut l’un de ces moments ; le Cordobazo de 69, avec ses perspectives de profonds changements, était une autre circonstance de m^me nature.
Ce « qu’ils s’en aillent tous ! », des 19 et 20 décembre 2001, a marqué un tournant dans la société qui a ouvert les espoirs et les portes aux meilleures décisions de Néstor Kirchner depuis la présidence. Aujourd’hui, face à la situation douloureuse actuelle, les perspectives de rébellions nouvelles et dispersées s’annoncent, derrière lesquelles les énergies contenues de notre peuple peuvent être canalisées.
Elle donne l’impression que le principe bien connu de l’avancement de la périphérie vers le centre retrouve le sens stratégique qui permet au camp populaire de continuer à accumuler des forces, dans sa capacité d’organisation, de mobilisation et les alliances sociales et politiques nécessaires pour produire les transformations que la réalité exige.
Le souci du pouvoir grandit
Depuis quelque temps, la mobilisation populaire s’intensifie. De différents endroits, ils mettent en garde contre la possibilité d’une explosion sociale. Il est unanime que la présence d’un groupe important d’organisations sociales, dont beaucoup de sympathisants du parti au pouvoir au pouvoir, est un instrument pour empêcher une situation de ce type de se produire, bien que cela signifiait qu’ils avaient cédé une grande partie du contrôle de la rue qu’ils avaient.
Lorsque ces mobilisations ont atteint leur plafond et ont semblé stagner dans des « marchódromos » répétitifs, l’Unité Piquetera, qui regroupe principalement les organisations sociales d’opposition, a appelé à une marche fédérale qui s’éloignait des extrêmes du Nord-Ouest, du Nord-Est, de Cuyo et de la Patagonie. Environ cent mille personnes, avec des délégations de toutes les provinces, ont parcouru des milliers de kilomètres pour atteindre le symbole du pouvoir, la Plaza de Mayo.
Ils ont porté toutes leurs histoires, leurs traditions et leurs besoins. Cette rencontre des nécessiteux, leur interaction physique et leur communauté de volontés, leur a permis d’entrevoir la force qu’ils avaient et d’entrevoir la possibilité de changer la réalité. Ils semblaient incarner la répétition générale d’une patrie libératrice qui commence à entrevoir que rien n’est éternel et que la situation peut être transformée.
De différentes chapelles idéologiques avertissent que cette situation atteint des limites insoutenables. Ces derniers jours, Jaime Durán Barba, l’Équatorien qui était le gourou de Mauricio Macri, a donné sa vision critique et effrayé par ces perspectives. « Il va y avoir une rébellion interne des piqueteros et des planeros, cela peut être un terrible gâchis », a-t-il déclaré. Il l’a fait dans un rapport de CNN avertissant que ceux qui reçoivent des subventions, l’argent ne leur parvient pas et exigent des augmentations que le gouvernement a du mal à affronter.
L’hégémonie du pouvoir économique concentré signifie que les subventions les plus importantes sont reçues, sous les formes les plus diverses, par les grandes entreprises ; elle est suivie par celles accordées aux secteurs intermédiaires – ponctuellement – par le biais de subventions aux taux des services publics et enfin il y a des subventions aux plus pauvres.
Ce sont précisément ceux-là qui survivent – dans une large mesure – grâce à ces aides. Leur situation peut devenir le déclencheur de rébellions généralisées. C’est que 22% des ménages reçoivent un soutien de ce type, mais il n’y a qu’entre 1,2 et 1,5% du PIB qui leur est alloué.
Juan Guahan. Analyste politique et leader social argentin, associé au Centre latino-américain d’analyse stratégique (CLAE)
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