De Paris, Omar HADDADOU
Il y a la France du Sport business récréatif, des festivals juteux agrémentés de strass et de paillettes, régis par la dynamique des mégas contrats - une histoire de sous - dont le 75ème de Cannes (200 Millions d’euros de bénéfice) et sa Palme « aux œufs d’or », et l’autre France, celle de la plèbe qui négocie le prix d’un kilo de tomate au souk !
Une radiographie des inégalités sociales frappante ! Elle s’est imposée à moi ce matin comme un cliché anodin s’inscrivant dans l’ordre des choses. Et pourtant… Le marché hebdomadaire de Noisy-Le-Sec (93), reste à ce titre un excellent baromètre du pouvoir d’achat. Devant les étals des fruits et légumes, une mère de famille africaine implore le maraîcher sur un ton qu’aurait eu un condamné devant un juge implacable : « S’il vous plait Monsieur, il me reste que 3 euros pour acheter autres choses ! Je vous jure, c’est tout ce que j’ai. Regardez, je ne vous mens pas. Soyez gentil ». Le vendeur ne cède pas aux supplications itératives de la cliente. Cette dernière lui montre le volume de ses emplettes. Piteux ! Compatissant, il finit par agréer à sa prière en la gratifiant en plus d’une grappe de bananes plantureuses. Le visage de l’Africaine rayonne de bonheur, celui de pouvoir nourrir, non sans peine, sa progéniture. Une bataille de gagnée !
« Merci beaucoup monsieur ! Vous allez au paradis ! Merci beaucoup ! », glisse-t-elle, la mine réjouie. Même scénario en me décalant au niveau des agrumes. La tractation négociée, au milieu du brouhaha, par la Maghrébine se heurte à l’inflexibilité du jeune vendeur dont la voix martyrise violemment nos tympans. L’Algérienne sort l’artillerie lourde du pathétique en disciplinant l’expression faciale dans la douleur des « Misérables » de Victor Hugo, non sans adapter sa phonétique à l’intonation typiquement égyptienne. « Min fazlak, Ma fihch foulous, Ouallah ! S’il vous plait, je n’ai plus d’argent, je vous jure. J’ai pris de la carotte et trois aubergines. Je suis une cliente fidèle. Vous me connaissez ? Quand j’ai de l’argent, je paye sans problème. Mais maintenant, tout est cher. Je fais attention à mes dépenses. C’est dur ! Ce n’était pas comme ça avant ». La négociation porte ses fruits. Le vendeur prend des airs d’un chef d’entreprise d’envergure jubilant en considérant son chiffre d’affaires : « Donnez- moi ce que vous avez dans la main ! » beugle le commerçant « C’est la dernière fois que je vous accorde cette indulgence. Avec vous les femmes, on est perdant sur toute la ligne… ! ». Il saisit le premier sac en plastique, puis le second, les remplit des désignations et les remet à la jeune femme en lui souhaitant une agréable journée. Une joie insondable habite cette dernière. Elle le complimente sans discontinuer, avec beaucoup d’émotion… Arrivé chez moi vers les coups de 15 heures, le petit écran me dévoile la France d’en haut, de l’aisance, du faste, de l’euphorie financière, de la notoriété qui dépense sans compter, des nantis devenus Institution du CAC 40, des clubs fermés qui rivalisent d’émulation spéculative, du monde qui vit en s’amusant, qui a tout à portée de main et demeure prisonnier de sa pensée, celle d’engranger plus en creusant la différence !
L’intemporel chapeau panama vissé sur la tête, lunettes Ray-Ban dernier cri, les Français (es) d’en haut savourent, sous un soleil généreux, le plaisir du Grand Chelem de tennis de Rolland Garros à la Porte d’Auteuil (Paris 16ème). Impossible de ne pas faire le « rapprochement » avec le petit peuple du marché précité, prédestiné à la souffrance par une politique qui promeut la disparité et l’injustice.
La grand-Messe de la petite balle jaune cache des enjeux financiers colossaux. Les dotations, appelées « Prize money » sont revues à la hausse de 6,8 % pour 2022. A titre indicatif, l’édition de cette année bénéficie d’une enveloppe de 43, 6 Millions d’euros au total.
Les vainqueurs empocheront la modique somme de 2, 2 Millions d’euros chacun (e). Des jackpots à donner le tournis, où tout le monde tire son épingle du jeu mercantiliste ; droits de transmission, annonces, etc.
Un capitalisme qui brasse large avec frénésie !
O.H
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