Tiré de À l’encontre.
Décodage
L’Union africaine, convoquée en mini-sommet par son président en exercice Paul Kagame, a jeté un fameux pavé dans le marigot congolais. Les chefs d’Etat et de gouvernement, parmi lesquels les voisins immédiats du Congo – Rwanda, Angola, Zambie, Tchad, Congo Brazzaville, Zambie – et les alliés d’Afrique australe ont exprimé leurs « sérieux doutes » à propos des résultats provisoires proclamés par la Commission électorale indépendante (Céni), qui avait accordé la victoire à Felix Tshisekedi et non à Martin Fayulu. Rappelons que des « fuites » émanant de la Conférence épiscopale et de la Céni elle-même avaient désigné ce dernier comme le véritable vainqueur des élections du 30 décembre.
L’Union africaine va beaucoup plus loin que la recommandation d’un recomptage des voix, elle suggère de suspendre la proclamation du vainqueur par la Cour constitutionnelle congolaise ! Celle-ci est la seule instance habilitée à trancher. La Cour attendra-t-elle la visite à Kinshasa d’une délégation de l’Union africaine ? Plusieurs chefs d’Etat, dont le président rwandais Paul Kagame et le Sud-Africain Cyril Ramaphosa, doivent s’y rendre lundi. D’après une première réaction du ministre congolais de l’Information, Lambert Mende, « il n’appartient pas à l’Union africaine de dire à la Cour constitutionnelle ce qu’elle doit faire, ni même au gouvernement congolais, elle ne peut interférer dans une procédure légale ».
Plus loin que l’ONU
Alors qu’en l’absence d’observateurs électoraux européens, des dizaines d’observateurs venus de plusieurs pays africains s’étaient déployés pour suivre les élections, d’aucuns avaient spéculé sur leur supposée mansuétude, voire sur la « compréhension » des voisins africains du Congo, dont la plupart n’ont guère de leçons de démocratie à donner à Kinshasa. Ce calcul s’est avéré faux : non seulement les observateurs africains ont rempli leur tâche mais surtout les chefs d’Etat sont allés beaucoup plus loin que le Conseil de sécurité de l’ONU qui, sous la pression de la Chine et de l’Afrique du Sud, avait choisi la prudence. Quant à l’Union européenne (UE), elle s’est associée à l’Union africaine « pour inviter tous les acteurs congolais à travailler constructivement avec la délégation qui fera le voyage de Kinshasa pour trouver une issue post-électorale qui respectera le vote du peuple congolais ».
Quelques heures avant la réunion de l’Union africaine, la communauté de développement d’Afrique australe (SADC) sous l’impulsion de l’Afrique du Sud, s’était montrée plutôt conciliante à l’égard de Kinshasa, félicitant la Céni ainsi que le président Kabila pour l’organisation des élections et « demandant instamment » à la Communauté internationale de « respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC ».
Double levée de boucliers
Quelques heures plus tard, ces propos positifs étaient balayés par la position beaucoup plus dure de l’Union africaine qui, au Congo, a suscité une double levée de boucliers : celle du porte-parole du gouvernement mais aussi celle du directeur de cabinet de Félix Tshisekedi, Peter Kazadi, qui a souligné que cette position de l’Union africaine n’avait aucune valeur juridique.
Bon nombre de Congolais estiment aussi que l’Union africaine a été influencée par le président rwandais Kagame, dont la présidence se termine fin janvier. Si cette hypothèse devait se confirmer, elle pourrait susciter la création d’une sorte de « front commun » anti-rwandais, beaucoup de Congolais rappelant que Paul Kagame a été réélu avec 98% des suffrages et est susceptible de rester au pouvoir jusqu’en 2034. En outre, ils tiennent toujours leur voisin pour responsable de plusieurs guerres, rébellions et autres tentatives de déstabilisation.
Colette Braeckman est grande reporter auprès du quotidien Le Soir, y tient un blog fort utile, qui met à disposition des lecteurs une information qui repose sur des décennies de suivi de la région et de la RDC ; cet article est publié en date du 20 janvier 2019.
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