Élisbeth Germain, 2024-03-21
« Québec solidaire pourrait dépasser la CAQ. »
Est-ce sérieux de nous bercer de l’illusion que nous pouvons « prendre le pouvoir » à Québec et de subordonner nos communications (et nos actions ?) à ce but trompeur ?
Comme beaucoup de militantꞏes que je côtoie, je rêve plutôt de constituer une opposition forte, bien argumentée, bien connectée à la population québécoise dans sa diversité humaine et territoriale, en mesure d’infléchir les politiques en gestation dans ce gouvernement de droite et d’en proposer de plus aptes à promouvoir notre projet de société.
C’est à l’opposé d’une perspective électoraliste, c’est une perspective proprement politique.
On dirait qu’il y a un choix de plus en plus évident chez QS de chercher à conquérir de la popularité en séduisant la population par un discours qui montre qu’on est de son côté, qu’on est les bons gardiens de ses intérêts face aux méchants exploiteurs, qu’un gouvernement de QS ferait ceci et cela – tandis que les trois-quarts des gens nous regardent d’un œil narquois ou indifférent, persuadés qu’on va rester un parti marginal, revendicateur et stérile.
Est-ce que notre aspiration au pouvoir est actuellement réaliste ? À mon avis, elle l’est tellement peu que nous perdons de la crédibilité à la cultiver ou à faire semblant d’y croire. Un parti politique comme QS est un parti de conviction, pas un parti d’élection. C’est un parti d’influence et de transformation sociale en profondeur, pas un parti de victoire électorale qui, propulsant à la tête un groupe qui n’est pas équipé pour gouverner, est forcé à l’improvisation, aux compromis et à l’inefficacité.
Sommes-nous prêtꞏes à gouverner ? L’exercice du gouvernement est-il une stratégie gagnante pour notre projet de société ?
Je ne crois pas. Nos forces comme parti sont bien plus dans la critique du système actuel et dans l’expression des intérêts de la population urbaine du Québec (il nous en manque un bout avec la rurale) que dans la prise en charge et la direction de trente ministères qui administrent les multiples aspects de la vie des Québécoisꞏes.
Nos forces sont dans notre capacité de vision et d’éducation populaire plutôt que dans notre outillage (publicitaire et affairiste) pour gagner le pouvoir. Pire, si nous arrivons au pouvoir de cette façon, nous risquons de stériliser ces forces vives pour nous retrouver absorbés par des nécessités de gouvernance et de compromis qui vont désagréger notre cohérence et notre cohésion.
Heureusement, nous n’avons pas fait une montée de popularité dans la population comme la défunte ADQ (1994-2012) et la peut-être future défunte CAQ. L’ADQ a connu son pic en 2007-2008 avec 41 députés élus. Elle s’est ensuite enterrée dans la CAQ (2011-xxxx) qui a rapidement monté pour prendre le pouvoir sept ans plus tard avec 74 sièges ; elle a ensuite grimpé à 89 sièges en 2022 grâce à de multiples promesses et contorsions qui, aujourd’hui, président à sa dégringolade dans les sondages.
Ce n’est pas ce genre de naissance et déclin rapides que nous voulons pour QS. Nous voulons un travail en profondeur, qui change réellement les choses plutôt que d’alimenter les modes politiques accentuant les avancées ruineuses du néo-libéralisme. Nous en sommes capables, et l’intérêt grandissant des Québécoisꞏes pour l’écologie et la nécessaire transition vers un autre monde en est à mon avis un effet et un signe important.
Cet État est capitaliste, patriarcal et raciste. QS se veut féministe et intersectionnel ? Alors apprenons du féminisme à viser collectivement le pouvoir de changer les choses plutôt que de viser le pouvoir tout court, qui perpétue les dominations.
Continuons dans notre genre de travail, accentuons-le, plutôt que de laisser l’électoralisme coopter et breveter notre ADN.
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