PBS Newshour, 15 novembre 2016,
Traduction et organisation du texte, Alexandra Cyr,
PDS NH, John Yang : (…) Josh, (…) vous avez fait le portrait de Steve Bannon il y a plus d’un an alors que peu de gens le connaissaient. Cette nomination soulève beaucoup de controverse. Cet après-midi, le leader des Démocrates au Sénat, Harry Reid, a fait une intervention devant le Sénat pour critiquer vertement M. Bannon.
(Voici ce qu’il a dit) : « Si D. Trump est sérieux quand il parle de rechercher l’unité, la première chose qu’il devrait faire c’est de revenir sur la nomination de S. Bannon. Retirez-là. Ne faites pas ça. Pensez-y. Ne le faite pas. À partir du moment où le champion de la division raciale est à deux pas du Bureau ovale, il sera impossible de prendre au sérieux les efforts que M. Trump pourra faire pour rétablir un meilleur climat dans le pays ».
Josh, qui est S. Bannon et pourquoi suscite-t-il de telles critiques ?
Joshua Green : C’est un intéressant et curieux personnage. C’est un ancien banquier de Goldman Sachs qui s’est en quelque sorte radicalisé dans le mouvement Tea Party et qui est devenu l’éditeur de Breibart News. Il s’agit d’un site internet de la droite dure, populiste qui a adopté D.Trump très tôt. Je pense que la raison pour laquelle il est si controversé c’est que ce site publie des propos racistes, antisémites, qui dépassent de beaucoup ce qui est ordinairement accepté dans la politique américaine.
Je pense que cela est un choc important de le voir propulsé à un poste élevé à la Maison blanche de D. Trump.
J.Y. : Vous parlez de Breirbart News. Voici des exemples de quelques gros titres qu’on y a trouvés :
« Bill Kristolii est un destructeur du Parti républicain, un juif renégat ».
« Gabby Gilffordsiii, est le bouclier humain du mouvement pour le contrôle des armes à feu ».
« La solution au harcèlement en ligne est simple : que les femmes cessent d’utiliser le net ».
Qu’est-ce qui appartient au site et à S. Bannon ?
J.G. : Il n’écrit pas souvent et je ne pense pas que ce soit lui qui crée les gros titres. Mais il est le capitaine pirate qui en fin de compte est responsable de ce que le site publie. Quand on le connait et qu’on lit Breitbart News, on constate qu’essentiellement, on y écrit pour choquer, scandaliser et déranger les gens en attaquant l’ordre établi dans les deux Partis politiques dominants. Ce qui est si incongru, c’est qu’il se retrouve maintenant dans l’aile ouest de la Maison blanche.
J.Y. : Mais, ce que je voudrais savoir, après ce temps que vous avez passé à l’étudier l’an dernier, c’est jusqu’à quel point Breibart News reflète ce qu’est S. Bannon.
J.G. : Il est décidément très controversé. C’est quelqu’un qui aime se sentir à l’extérieur et lancer des roches. Je ne peux m’exprimer qu’à partir de ce que j’ai vu de sa personnalité. Comme je l’ai dit, c’est un ancien de Goldman Sachs. Il me rappelle beaucoup de banquiers de Wall Street que j’ai rencontrés. Ils sont intoxiqués à la testostérone et quelque peu sexistes. Mais ils ne sont pas racistes ni antisémites. Ce sont les accusations les plus importantes portées contre Breibart News.
J.Y. : Mark, vous avez passé beaucoup de temps avec Reince Priebus cette année pour l’article que vous avez publié à son propos dans The Times Magazine. Dites nous qui il est et pourquoi sa nomination est vue comme rassurante par les élites républicaines.
Mark Leibovich : Et bien, c’est le représentant absolu du Parti républicain. Il a travaillé pour ce Parti pratiquement sa vie entière. Il a une formation d’avocat d’affaires mais il a passé les cinq ou six dernières années au poste de président du Comité national républicain. Il est issu des rangs du Wisconsin. Il représente en quelques sortes l’establishment contre lequel D. Trump a fait campagne et contre lequel S. Bannon a bâti sa carrière en grande partie. Il tentait constamment de le viser, de l’embarrasser et même de l’abattre.
C’est donc plutôt intéressant sinon bizarre d’observer la création de ce « couple ». On dit que Reince Priebus avait la tâche la plus rébarbative de la politique américaine depuis cinq ou six mois. Il devait transformer le parti de Lincoln en parti de Trump sans pour autant s’aliéner qui que ce soit. Et à la grande surprise de tous et de toutes comme à sa propre surprise il est propulsé parmi les vainqueurs, la semaine dernière. Il a développé une bonne relation avec D. Trump. Il l’a reconnu et lui a attribué le poste de chef de cabinet. D’une certaine façon, il passe de la tâche la plus rébarbative de la politique américaine à celle encore plus ingrate dans le gouvernement américain. On verra comment il manœuvre dans la transition. Il est particulièrement qualifié pour ce genre d’emplois.
J.Y. : Mark, s’il représente ce contre quoi D. Trump faisait campagne, pourquoi l’a-t-il sélectionné ? Et quels seront, selon vous, ses buts à la Maison blanche ?
M.L. : Le facteur unificateur de toutes les nominations de D. Trump jusqu’ici, et sans doute pour l’avenir, c’est la loyauté. Il lui est loyal. D. Trump aime avoir ses fidèles auprès de lui.
Paul Ryan (Président de la Chambre des représentants) et Reince Preibus sont très, très, proches l’un de l’autre. R. Priebus a passé énormément de temps à développer la relation entre le Président de la Chambre des représentants et le candidat républicain. Il y avait beaucoup de divergences entre ces deux là.
Maintenant, Steve Bannon ! Il est très différent de R. Priebus tant par ses perspectives, son tempérament que sa personnalité. Les deux sont en quelque sorte devenus premiers parmi leurs égaux parce qu’ils sont tous les deux loyaux à D. Trump. Il semble que ce soit le premier argument que le Président désigné considère pour organiser son équipe : qui a été gentil avec lui, lui a été loyal, sur lequel il sent qu’il peut se fier.
Nous avons le résultat sous les yeux ; ces deux hommes correspondent à ces critères.
J.Y. : Josh, vous les connaissez tous les deux. Avec ce bagage, pourquoi, pensez-vous que D. Trump les ait choisis, ait choisi cette équipe ? Il dit qu’ils sont à égalité (de pouvoir). Pourquoi les a-t-il mis ensemble et que seront les buts de S. Bannon à la Maison blanche ?
J.G. : Je pense qu’ils ont été choisis parce qu’ils ont été de vrais leaders durant la campagne ; S. Bannon depuis son intégration en août dernier. En un sens, D. Trump ne fait qu’entériner la structure de pouvoir en place. Il la fait passer de la campagne électorale à la Maison blanche.
Je pense que ce que S. Bannon voudrait par-dessus tout, c’est que le Parti républicain devienne plus populiste, plus de droite dure à l’image des partis populistes en Europe et en Grande Bretagne. Je pense qu’il est convaincu que D. Trump est la manifestation américaine de ces idées et il va faire tout ce qu’il lui sera possible pour qu’il reste quelqu’un à l’extérieur de l’élite du Parti (républicain) à Washington ; pour qu’il demeure celui qui peut parler au nom de sa base, de la colère populaire qui l’a réellement mené à la victoire du 8 novembre.
J.Y. : (…) Nous verrons ce que fera ce « couple » d’ici les 60 prochains jours. Merci à vous deux.
1.Il y a fait des milliards de dollars. N.d.t.
2.Journaliste, éditorialiste néo conservateur qui défend ardemment Israël, la puissance américaine et le renforcement de l’implication des États-Unis au Proche Orient. Wikipédia.
3. Ex élue démocrate à la Chambre qui a été gravement blessée au cours d’un attentat où plusieurs autres personnes ont perdu la vie. Elle était en campagne électorale à l’époque. Elle a quitté la vie politique mais se bat pour le contrôle des armes à feu. N.d.t.