Durant les trois premiers quarts du XIXe siècle, le nombre de lois adoptées en matière de relations de travail a été fort restreint et ces lois ont généralement une caractéristique bien particulière : ce sont des mesures d’interdiction. Qu’on en juge par ce qui suit. La "Loi des maîtres et des apprentis" (1821) stipule que toute personne qui "désertera" son poste et "incitera" un salarié sous contrat à la désertion de son poste est passible d’amende et d’emprisonnement. Cette disposition sera reprise dans la "Loi des maîtres et des serviteurs" (1847), qui sera utilisée pour procéder à l’arrestation des meneurs de grève et des dirigeants syndicaux[2]. En 1866, l’Assemblée du Bas-Canada adoptera le Code civil qui viendra consacrer le caractère de domination des relations de travail dans les entreprises. Les salariés sont complètement subordonnés à leurs employeurs.
Telles sont, brièvement exposées, les principales lois qui étaient en vigueur lors de l’adoption de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867.
En 1868, le gouvernement du Québec adopte "L’Acte concernant l’organisation du service civil", qui consacre la totale dépendance de l’employé vis-à-vis du gouvernement. Cette loi prévoit, à l’article 17, que "rien du contenu de cet acte n’empêchera le lieutenant-gouverneur de destituer aucun employé lorsqu’il le jugera convenable"[3]. Cette loi a donc pour effet de rendre impossible la négociation des rapports collectifs de travail.
Les lois en vigueur durant cette période ont pour effet de nier aux ouvriers et aux salariés les droits collectifs suivants : le droit d’association, le droit à la négociation collective et le droit de faire la grève. Au cours de cette période, le droit s’oppose à la syndicalisation, à la négociation et au recours à des moyens de pression[4]. Ces droits sont aussi niés pour les salariés à l’emploi du gouvernement du Québec et du gouvernement fédéral. Au cours de cette période, le droit s’oppose à la syndicalisation, à la négociation collective et au recours à des moyens de pression visant à stopper la production.
Prétendre que l’État est non-interventionniste dans le champ du travail et des relations de travail, à l’époque de la mise en place de la société libérale, est un énorme mensonge idéologique. Il s’agit là d’une assertion qui relève de la myopie politique.
Yvan Perrier
9 juin 2023
8h
yvan_perrier@hotmail.com
[1] Gérard Dion, Dictionnaire canadien des relations du travail, Québec, les Presses de l’Université Laval, deuxième édition, 1986, page 965.
[2] CEQ-CSN, Histoire du mouvement ouvrier au Québec. 150 ans de luttes, Montréal, co-édition CEQ-CSN, 2e édition, 1984, page 39.
[3] Maurice Lemelin, Les négociations collectives dans les secteurs public et parapublic. Expérience québécoise et regard sur l’extérieur, Montréal, Les éditions ARC, 1984, page 55.
[4] W. Craig Riddell, "Les relations de travail au Canada : un aperçu", dans W. Craig Riddell (dir.), Les relations de travail au Canada, Commission royale sur l’union économique et les perspectives de développement du Canada, Ottawa, Approvisionnements et services, 1986, volume 16, page 6.
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