Édition du 17 décembre 2024

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Collaboration Ricochet-Presse-toi à gauche

Lettre ouverte

Pourquoi je ne suis plus bloquiste

19 octobre 2015

En 2006, j’ai vécu ma première expérience de politique partisane sous la bannière Bloc Québécois, qui a fait preuve d’un engagement dans la lutte contre le racisme et la discrimination en appuyant la communauté chinoise dans sa demande de redressement pour la taxe d’entrée.

Avec confiance et camaraderie, j’ai par la suite participé au comité de travail qui a rédigé le mémoire officiel du Bloc à la Commission Bouchard-Taylor, intitulé « Bâtir le Québec Ensemble » (2007). Dans son mémoire, le Bloc a opté pour une laïcité ouverte, pour un Québec aspirant à être une nation moderne et progressiste ; autrement dit, le Bloc a reconnu qu’un État laïc moderne exigeait que les institutions soient laïques, et non les citoyen-ne-s. Quant aux demandes d’accommodement, le Bloc a ajouté aux critères de respect des droits fondamentaux la laïcité de l’État et l’égalité des sexes, en plus du test litmus d’intégration (c’est-à-dire si la demande d’accommodement facilite l’intégration ou non). Les seules balises que le Bloc a recommandées quant à la neutralité de l’État visaient les employés incarnant, par leur poste, cette neutralité, par exemple les juges et les policiers, et quand le port de signes religieux contrevient aux règles d’hygiène ou santé et de sécurité.

Malheureusement, ces positions progressistes, qui dénotent la maturité d’une nation, ont reculé de quelques siècles avec la charte des valeurs proposée par le Parti québécois. Pire, quand Maria Mourani (à l’époque, la seule députée bloquiste à être une femme et à provenir d’une minorité culturelle) a critiqué ce projet en se basant sur la position du Bloc sur la laïcité, elle s’est fait expulser du parti. Plus récemment, dans la course électorale, pour obtenir le plus de votes possible en courtisant le dénominateur commun le plus bas, le Bloc a fait appel au nationalisme ethnique – un geste honteux. En sautant à côté du Parti conservateur pour exploiter l’islamophobie la plus insidieuse, le Bloc a dénoncé les deux femmes dans le pays qui revendiquaient leur droit de porter le niqab à la cérémonie de citoyenneté canadienne.

Depuis quand les souverainistes se soucient-ils de comment se comportent les gens dans les cérémonies de citoyenneté canadienne ? Si on se réfère aux critères adoptés par le Bloc devant la Commission Bouchard-Taylor, leur présente position échoue tous les tests. Si, par exemple, on pose la question « Est-ce que le port du niqab à la cérémonie de citoyenneté facilite l’intégration ou non ? », bien sûr, la réponse simple est qu’en leur refusant le droit de porter le niqab, le premier résultat est qu’on empêche ces femmes d’accéder à la citoyenneté. Si on prend le test de l’égalité hommes-femmes, ces femmes revendiquent leur plein droit de contrôler leurs corps, en insistant que ni l’État, ni leur mari, ni leur famille ne pourraient décider de ce qu’elles portent.

Non, dans son demi-tour électoraliste, populiste, et raciste, le Bloc nous a lancés sous le bus – et il a sacrifié l’intégrité, l’intelligence, la maturité, l’engagement envers la justice sociale, l’ouverture d’esprit et le progressisme pour nous tous et toutes. Ce n’est plus un parti qui a la légitimé de me mener vers mon pays.

May Chiu, candidate du Bloc québécois dans la circonscription de Lasalle-Émard pour l’élection de 2006

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