par Félix Deschênes-Boivin
En 2018, les États-Unis ont exporté 2 millions de barils de pétrole brut chaque jour, devenant ainsi un des 1ers exportateurs de pétrole du monde. Moins dépendant du pétrole importé, ils ont imposé de sévères sanctions économiques aux grands pouvoirs pétroliers auxquels ils s’opposent, tel le Vénézuela, l’Iran et la Russie.
L’administration Trump a cherché à enlever toutes les restrictions réglementaires qui limiteraient l’expansion de l’industrie des combustibles fossiles. Se faisant, la production (et son infrastructure) de combustibles fossiles (pétrole et gaz) s’est largement développée positionnant ainsi les États-Unis comme la 1ère puissance productrice émergente au niveau mondial. Même si des débats ont lieu actuellement entourant le Green New Deal aux États-Unis et ailleurs dans le monde, l’augmentation des pipelines (pétrole + gaz) a globalement triplé depuis 1996 et, présentement, la moitié des projets de construction sont situés en Amérique du Nord, connectant les sites d’extraction avec les raffineries et les terminaux d’exportation. Les plans actuels d’expansion des pipelines pour le pétrole et le gaz (incluant la pré-construction et la construction) sont évalués à 232 milliards pour l’Amérique du Nord et à plus de 600 milliards au niveau global planétaire. Si on inclut l’infrastructure totale, les coûts s’élèvent à 1 trillion pour l’Amérique du Nord et à 2,9 trillions au niveau mondial.
Le boom des pipelines aux USA va servir à l’exportation puisque le développement de l’extraction du pétrole et du gaz dépasse largement les besoins de la consommation domestique. Selon la tendance actuelle, vers 2040, la demande mondiale de gaz naturel (relative aux prix de 2017) devrait augmenter de 55%, alors que celle pour le pétrole serait de 26%. Globalement, les banques, les investisseurs qui font des placements, les détenteurs d’obligations, sont en train de miser plus de 600 milliards de dollars sur ce système de pipelines en expansion qui inclut plus de 300 pipelines en construction au niveau mondial et dont la durée de vie est évaluée à 40 ans et plus.
Ces pipelines sont un réservoir potentiel d’énormes émissions pour les 40 à 50 ans à venir, alors que les scientifiques nous disent que nous avons 10 ans pour agir. Les promoteurs de ces projets de pipelines font le pari que le monde ne prendra pas au sérieux les changements climatiques permettant ainsi à la filière de se raffermir. Du fait de son existence, l’infrastructure liée aux pipelines nous met dans une situation de dépendance, attirant-garantissant les investissements, suscitant l’accord général pour brûler les combustibles fossiles, nous rapprochant dramatiquement de l’horizon climatique associé au trillion de tonnes métriques de carbone. Aux États-Unis uniquement, la production de gaz naturel rendue possible par ces pipelines (que ce soit au stade de la construction ou de la pré-construction) ajouterait plus de 1/2 milliard de tonnes métriques de dioxyde de carbone chaque année aux alentours de 2040, au-dessus des niveaux de 2017. ExxonMobil, la plus grosse multinationale du pétrole aux États-Unis, a déclaré qu’elle avait l’intention de pomper 25% de plus de pétrole et de gaz en 2025 qu’en 2017 lors de ses opérations mondiales.
L’administration Trump a fait reposer sa nouvelle stratégie impériale de domination globale sur l’expansion de la production du pétrole et du gaz et sur les pipelines, au détriment des considérations climatiques. En juin 2017, Trump déclarait : "Nous allons dominer. Nous allons exporter de l’énergie américaine partout dans le monde", spécialement en Asie. L’industrie des combustibles fossiles à sauvé "la souveraineté" américaine. La politique énergétique des États-Unis est de développer non seulement la production de pétrole et de gaz mais aussi la production du charbon partout dans le monde. Les États-Unis, a déclaré Trump, se préparent à financer des usines de charbon à l’étranger, en Ukraine et ailleurs.
Les États-Unis font le pari que les combustibles fossiles sont le moyen d’augmenter leur pouvoir impérial, et voilà la priorité, et il n’est pas question de remettre en cause cette stratégie pour qu’aucune autre révolution énergétique alternative ne soit possible.
Le 28 mai 2019, le Département de l’Énergie des États-Unis a émis un communiqué de presse renommant le gaz naturel "le gaz de la liberté" et se référant aux molécules de dioxyde de carbone les a surnommées "les molécules de la liberté pour les États-Unis".
(1) "Imperialism In the Anthropocene" par Clark Brett, Foster John Bellamy, Holleman Hannah, paru sur le site Europe Solidaire Sans Frontières, le 1er juillet 2019.
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