tiré de L’Aut’ Journal
Les deux gagnants 2018
L’annonce est survenue un an après le phénomène planétaire #MeToo déclenché par des allégations de femmes courageuses sur les exactions des producteurs Harvey Weinstein et Gilbert Rozon. Elles ne sont nullement comparables, évidemment, avec les monstrueux crimes commis par centaines de milliers au Congo et en Irak, mais la triste affaire du maintenant juge à la Cour Suprême des États-Unis, l’honorable (!) Brett Kavanaugh, montre que les membres républicains du Sénat américain n’ont toujours pas compris que sécurité et droits fondamentaux des femmes méritent respect en tout temps, chez eux comme à l’étranger. Le vote 51 à 49 en faveur du juge montre combien l’Église évangélique exerce une influence démesurée sur la politique américaine, avec ses attaques contre l’avortement primant toute autre considération chrétienne.
En 2018, le Prix Nobel souligne donc le courage commun du médecin congolais « l’homme qui répare des femmes » et de l’esclave sexuelle Nadia Murad, violée par des membres de l’Armée islamique à Mossoul (où six de ses frères et sœurs avaient été massacrés) avant de pouvoir s’échapper au Kurdistan puis de rejoindre sa sœur rescapée en Allemagne : la militante yézidie y a été nommée ambassadrice internationale de la dignité des victimes de la traite des femmes.
Les Prix Nobel des cinq dernières années
En 2017, le Nobel de la paix était accordé à la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN) pour avoir contribué à l’adoption du Traité historique d’interdiction de l’arme atomique présenté en juillet 2017 à l’ONU par l’ambassadrice du Costa Rica, Elayne Whyte Gomes. Déléguée pour accepter le prix à Oslo, notre amie torontoise Setsuko Thurlow n’a pourtant jamais été reçue par le Premier ministre Trudeau.
En 2016, le prix fut accordé au président colombien Juan Manuel Santos, qui avait réussi un accord avec les guerilleros FARC en vue de leur réinsertion dans la société civile. Il a depuis été défait par le déferlement d’une droite haineuse en Amérique centrale (malgré l’accession de Mgr Romero à la sainteté) et en Amérique du Sud, alors qu’on craint au Brésil l’élection d’un candidat d’extrême-droite, misogyne, raciste, homophobe et militariste, pourtant plébiscité à 46% au premier tour.
En 2015, le Quartet du dialogue national Tunisien avait reçu le prix, en partie pour l’inclusion du respect de la laïcité dans le document constitutionnel, une exception culturelle dans les pays arabophones d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.
En 2014, la Pakistanaise Malala Yousafzai, âgée de 17 ans, et l’Indien Kailash Satyarthi ont reçu le Prix "pour leur combat contre l’oppression des enfants et des jeunes et pour le droit de tous les enfants à l’éducation ». On se souvient que Malala avait subi une attaque sauvage des Taliban extrémistes, opposés à l’éducation des femmes pour laquelle elle militait dès son plus jeune âge.
En 2013, l’Organisation pour l’élimination des armes chimiques (OPCW) s’était mise à l’œuvre dès le mois d’août, contribuant à écarter une intervention armée US-France-Angleterre contre la Syrie de Bachar al-Assad. Heureusement, le Parlement britannique avait fait défection, des députés conservateurs se rangeant, pour s’opposer à la guerre, du côté travailliste. Car dès 2013, les nouveaux travaillistes étaient absolument dégoûtés des manipulations dévastatrices en Irak de leur ancien leader, le militariste Tony Blair.
On a souvent reproché à l’organisation des prix Nobel leur erreur d’avoir nommé Aung San Suu Kyi ou Obama (ce dernier sur la base de son seul discours de Prague, hélas démenti par ses actions et celles du Congrès républicain ultérieures). Mais en examinant les récompenses de cette année et des cinq précédentes, ne faut-il pas convenir de leur fantastique pertinence ?
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