Édition du 17 décembre 2024

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Retraites

Papiers White Birch - Partir avec la caisse…

Négociations pénibles, annonce de la fermeture puis revirement et annonce d’un blitz de négociations à la suggestion du ministre du Développement économique, Sam Hamad… l’usine Stadacona de Papiers White Birch à Québec défraie la chronique dans la controverse.

Jadis prospère, l’entreprise a dû, il y a près de deux ans, se placer sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) pour éviter la faillite. Mais en dépit des problèmes financiers, son propriétaire, un milliardaire américain, a continué à se verser de généreux frais de gestion à hauteur d’environ 35 millions $ par année tout en omettant de débourser les 40 millions dûs au fonds de pension de ses employés. Résultat de cette gestion « atypique », l’entreprise est aujourd’hui endettée à hauteur de 900 millions $ et le régime de retraite de ses employés enregistre un déficit actuariel de plus de 300 millions $.

Les pratiques d’affaires discutables de l’entreprise, notamment celle de l’appropriation année après année d’excessifs frais de gestion équivalent à 3% des revenus bruts des usines de Québec, Rivière-du-Loup et Gatineau (un pécule de 25 à 30 millions de dollars par année), semblent indiquer que l’usine a servi de pompe à dollars…

La stratégie est connue. À des fins de spéculation, on achète une usine. On « l’écrème jusqu’à l’os » avec l’intention de partir au bout de quelques années, après avoir vidé la caisse de retraite des employés. Quitte à laisser des centaines d’entre eux, avec leurs familles, sur le carreau. Bienvenue dans le merveilleux monde du capitalisme sauvage.

Et pour faire porter le blâme de cette stratégie aux travailleurs, on exige d’eux des concessions tout à fait inacceptables comme des baisses drastiques de salaire et la terminaison de leur régime de retraite. Une exigence qui impliquait, chez Stadacona, une perte de revenu à la retraite de l’ordre de 45% pour les travailleurs actifs de plus de 55 ans, de 65% pour les moins de 55 ans et de 40% pour les retraités actuels. Beau scénario de retraite.

Doit-on s’étonner, dans ces circonstances, d’entendre le maire de Québec, pas particulièrement réputé pour être pro-syndical, qualifier de « tordues » les pratiques des propriétaires de Papiers White Birch ? Mais au-delà des états d’âme de M. Labeaume, toute cette saga rappelle à quel point nos législations peuvent être permissives pour des entrepreneurs cupides, sans scrupules, qui ne pensent qu’à s’enrichir le plus vite possible en vampirisant les ressources, humaines comme matérielles, à leur disposition.

À preuve, ces dispositions dans la Loi fédérale des arrangements avec les créanciers qui font en sorte que les régimes de retraite sont considérés comme une dette non garantie, donc remboursables aux travailleurs cotisants seulement après que la Couronne, les banques et autres investisseurs aient été payés. Et cela, quand il reste des sous.

Alors que se multiplient les investissements de spéculation qui conduisent plus souvent qu’autrement à des fermetures abusives, il est grand temps de revoir les règles du jeu qui permettent aux investisseurs et gestionnaires de se soustraire à leurs responsabilités sociales et fiscales. Le dépôt, en octobre dernier par le NPD, d’un projet de loi visant à ce que les retraités puissent avoir la priorité sur les autres créanciers lorsque leur ancien employeur fait faillite est un pas en ce sens. Si une telle loi ne redonne l’emploi perdu, elle protège à tout le moins un peu mieux les travailleurs en empêchant des « bandits à cravate » de s’emparer aussi facilement de leurs épargnes.

Et ici, au Québec, qu’est-ce qui nous empêche, sinon l’absence de volonté politique, de revoir en profondeur le Code du travail afin d’obliger une évaluation indépendante des comptes des entreprises en cas de fermeture d’usine ou de licenciements massifs ? Ce serait là un début d’action pour protéger d’abord ceux qui travaillent au lieu de ceux qui profitent.

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