Tiré de Europe Solidaire Sans Frontières
5 décembre 2023
Par Gilbert Achcar
À la fin du deuxième mois depuis le début de la guerre génocidaire sioniste engagée contre la bande de Gaza, le nombre de victimes de cette agression a dépassé les 24 000, en incluant les morts attestées et les autres dont les corps sont encore sous les décombres, tandis que le nombre de blessés avoisine les 40 000, dont un fort pourcentage de blessés graves et d’invalides à vie. Au cours des sept semaines qui ont précédé la trêve d’une semaine, les bombardements démentiels effectués par les Forces d’occupation et d’extermination de la Palestine et de son peuple, fallacieusement appelées Forces de « défense » israéliennes, ont détruit plus de 100 000 bâtiments dans la bande de Gaza ; elles ont maintenant entamé la destruction de ce qui reste, déplaçant l’axe principal de leur agression du nord de la bande de Gaza vers le sud. Après cette énorme catastrophe qui est en train de compléter la Nakba de 1948 par une Nakba à Gaza encore plus violente et plus acharnée que toutes celles qui l’ont précédée, alors que les meurtres et les persécutions sionistes s’intensifient en Cisjordanie, il est nécessaire d’examiner quels calculs ont pu traverser l’esprit de ceux qui ont conçu l’opération « Déluge d’Al-Aqsa », les conduisant à la lancer alors qu’il était possible de prédire ce qu’il en résulterait.
Sur ce point, il y a deux hypothèses diamétralement opposées : soit ceux qui ont planifié l’opération savaient qu’elle aboutirait à une catastrophe, telle qu’elle s’est produite jusqu’à présent et qu’elle se poursuit encore, et cela n’avait pas d’importance pour eux ; soit ils ont fait un mauvais calcul. La seconde hypothèse est la plus proche de la réalité, et ce à deux titres principaux. Le premier est que les planificateurs de l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » n’ont pas pris la pleine mesure du basculement complet de la société israélienne vers l’extrême droite, qui s’incarne dans un gouvernement rassemblant tout l’éventail de la droite fasciste sioniste, du Likoud au Parti national-religieux en passant par « Pouvoir juif ». En raison de l’interaction entre cette réalité politique et la gravité de l’opération du 7 octobre, qui a dépassé toutes les opérations militaires menées précédemment par la résistance palestinienne contre l’occupation, il était inévitable que la réaction israélienne excède à son tour tout ce que l’armée sioniste avait fait auparavant, et que l’extrême droite sioniste saisisse l’occasion de ce traumatisme pour commencer à mettre en œuvre son plan visant à réaliser le « Grand Israël » en éliminant ce qui reste de la Palestine et en anéantissant son peuple par l’extermination et le déplacement, en commençant par la bande de Gaza.
Le deuxième mauvais calcul s’est manifestée dans la façon dont les désirs ont été pris pour des réalités dans l’attente de miracles divins, selon la logique religieuse qui caractérise le « Mouvement de la résistance islamique » (Hamas) et le courant politique auquel il appartient. Cela s’est traduit par la conviction que l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » déclencherait une guerre généralisée contre l’État d’Israël à laquelle prendraient part tous les Palestiniens, où qu’ils se trouvent, ainsi que tous les Arabes et les Musulmans. L’expression la plus claire de cette illusion se trouve dans le message audio prononcé le matin de l’opération par Muhammad al-Deif, le commandant en chef des Brigades Izz ud-Din al-Qassam, la branche armée du Hamas. Ce que Deif a déclaré alors se passe de tout commentaire. Voici des extraits de ce qu’il a dit après avoir récapitulé les crimes commis par l’Etat sioniste :
« Nous avons décidé de mettre fin à tout cela, avec l’aide de Dieu, pour que l’ennemi comprenne que le temps où ils se réjouissaient sans avoir à rendre des comptes est terminé (...). Voici le jour où vous devez faire comprendre à cet ennemi criminel que son temps est révolu (...). Combattez, et les anges combattront avec vous en avant-garde, Dieu vous soutiendra avec la cavalerie des anges et accomplira la promesse qu’il vous a faite [...]. À nos jeunes de Cisjordanie, à tout notre peuple, quelles que soient les organisations auxquelles vous appartenez, ce jour est le vôtre, celui où vous devez balayer cet occupant et ses colonies de toute notre terre de la rive occidentale du Jourdain et leur faire payer les crimes qu’ils ont perpétrés tout au long de ces longues et difficiles années ... À notre peuple de Jérusalem, levez-vous pour défendre votre mosquée Al-Aqsa, pour expulser les forces d’occupation et les colons de votre Jérusalem, et pour démolir les murs de séparation. À notre peuple dans l’intérieur occupé, dans le Néguev, la Galilée et le Triangle, à Jaffa, Haïfa, Acre, Lydda et Ramallah, enflammez le sol sous les pieds des occupants usurpateurs, en tuant, en brûlant, en détruisant et en bloquant les routes ».
« À nos frères de la résistance islamique, au Liban, en Iran, au Yémen, en Irak et en Syrie, c’est le jour où votre résistance fusionne avec celle de vos frères en Palestine, afin que cet horrible occupant comprenne que le temps des exactions et des assassinats de savants et de chefs religieux est terminé, que le temps du pillage de vos richesses est terminé, que les bombardements quasi quotidiens en Syrie et en Irak sont terminés, que le temps de la division de la nation et de la dispersion de ses forces dans des conflits internes est terminé. Le temps est venu pour toutes les forces arabes et islamiques de s’unir pour balayer cette occupation de nos lieux saints et de notre terre ».
"Aujourd’hui, aujourd’hui, tous ceux qui ont un fusil doivent le sortir, car le moment est venu, et ceux qui n’ont pas de fusil doivent prendre leur couteau, leur hache, leur hachette, un cocktail Molotov, un camion, un bulldozer ou une voiture [...]. C’est le jour de la grande révolte pour mettre fin à la dernière occupation et au dernier régime d’apartheid dans le monde. Ô hommes et femmes justes, les meilleurs connaisseurs du Livre de Dieu, ô vous les croyants qui jeûnent et se tiennent debout, s’agenouillent et se prosternent, rassemblez-vous dans vos mosquées et vos lieux de culte, revenez à Dieu et suppliez-le de nous accorder leur mort, de nous envoyer ses fidèles anges et de réaliser par notre entremise vos espoirs de pouvoir prier à Al-Aqsa, une fois qu’elle sera délivrée [...].
La triste vérité est que nous avons aujourd’hui une situation dans laquelle notre meilleur espoir est que la résistance armée et la pression internationale parviennent à stopper l’agression et le génocide, et à empêcher l’État sioniste de s’emparer de la totalité de la bande de Gaza, ce qui serait alors le premier pas pour s’emparer du reste du territoire palestinien.
Gilbert Achcar
P.-S.
• Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l’aide de DeepLpro.
Original 5 décembre 2023 :
https://gilbert-achcar.net/aqsa-flood-miscalculation
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