Édition du 17 décembre 2024

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Israël - Palestine

Trump et le Moyen-Orient : que nous réserve l’avenir ?

Benjamin Netanyahu espérait la victoire de Trump avec impatience et a fait tout ce qu’il pouvait pour y contribuer. Alors, qu’est-ce qui nous attend maintenant que le retour de Trump à la Maison Blanche est confirmé ?

13 novembre 2024
Gilbert Achcar
Professeur, SOAS, Université de Londres
tiré de Mediapart
https://blogs.mediapart.fr/gilbert-achcar/blog/131124/trump-et-le-moyen-orient-que-nous-reserve-l-avenir

photo Serge d’Ignazio

La victoire de Trump dans la course à la présidence des États-Unis est une catastrophe majeure pour les peuples de la région, en plus de l’énorme Nakba qui fait rage depuis le « déluge d’Al-Aqsa » dirigé par le Hamas. Benjamin Netanyahu espérait cette victoire avec impatience et a fait tout ce qu’il pouvait pour y contribuer, que ce soit en incitant ses alliés de droite aux États-Unis ou en refusant d’accorder à Joe Biden et à la campagne présidentielle démocrate la trêve à Gaza qu’ils espéraient afin de leur fournir un argument électoral dont ils avaient désespérément besoin. Alors, qu’est-ce qui nous attend maintenant que le retour de Trump à la Maison Blanche est confirmé ?

Les informations disponibles – compte tenu du comportement de Trump au cours de son premier mandat présidentiel, des positions qu’il a exprimées lors de sa récente campagne et de ce qui a fuité dans ses cercles – indiquent qu’il est désireux d’apparaître comme un leader qui réalise la « paix », contrairement à Biden décrit comme un perpétuateur de guerre, incapable de résoudre les conflits. Alors que Trump cherche à mettre fin aux guerres dans lesquelles il ne voit pas l’intérêt de l’Amérique, il reste désireux d’atteindre ses objectifs dans les cas où il voit un intérêt certain. Ainsi, alors qu’il négociait avec les talibans au cours de son précédent mandat en vue du retrait des forces américaines d’Afghanistan et qu’il souhaitait retirer la couverture militaire américaine pour les Kurdes en Syrie à la demande du président turc Erdogan, il soutenait la présence continue des forces de son pays en Irak, exprimant effrontément son intérêt pour la richesse pétrolière de ce pays.

Et bien qu’il ait exprimé son ambition de conclure « l’accord du siècle » sur la Palestine, la « paix » qu’il a proposée était si inique que Mahmoud Abbas lui-même l’a rejetée, tandis que Netanyahou l’a chaleureusement approuvée, étant convaincu qu’aucune partie palestinienne ne pourrait accepter les termes d’un tel « accord ». Netanyahou espérait ainsi que le rejet palestinien de cette offre « généreuse » légitimerait l’accaparement par l’État sioniste de la terre de Palestine à l’ouest du Jourdain. Cela s’ajoutait au fait que Trump a abandonné en faveur d’Israël les positions politiques officielles qui ont longtemps été celles des États-Unis au sujet du conflit régional, que ce soit par son approbation officielle de l’annexion par Israël du plateau du Golan syrien occupé ou par le transfert de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem et la fermeture du consulat américain pour les territoires occupés de 1967, le tout indiquant un soutien à l’expansionnisme sioniste. Sans oublier l’adhésion de Trump à la position d’Israël envers l’Iran, son retrait de l’accord nucléaire que l’administration de son prédécesseur Barack Obama avait conclu avec Téhéran après de longues et difficiles négociations, et son escalade de la provocation militaire en assassinant le commandant de la Force Al-Qods des Gardiens de la révolution iraniens, Qassem Soleimani, etc.

Trump n’a aucun intérêt à soutenir l’Ukraine et préférerait parvenir à un accord avec Vladimir Poutine qui satisferait le président russe, qu’il admire pour sa personnalité réactionnaire tout en désirant investir dans son pays. Il ne voit pas d’intérêt à l’alliance avec les pays européens à moins qu’ils ne fassent plus de concessions économiques aux États-Unis et n’augmentent leurs efforts militaires pour s’impliquer de plus en plus dans la confrontation américaine avec la Chine, que Trump considère comme le principal concurrent de l’Amérique (alors que l’hostilité envers la Chine est un pilier fondamental de l’idéologie de la droite impérialiste américaine qu’il dirige). En même temps, ce n’est un secret pour personne que Trump considère le pétrole et l’argent du pétrole des monarchies arabes du Golfe comme un intérêt suprême des États-Unis et l’État sioniste comme un allié inestimable pour son rôle de chien de garde de cet intérêt suprême. C’est parce que l’intérêt dans son sens le plus grossier – dans lequel l’intérêt personnel et familial prévaut sur toute autre considération, et dans lequel « l’intérêt de l’Amérique » est conçu dans son sens le plus étroit et le plus immédiat, en sus du désir de flatter les instincts les plus primitifs du public (un comportement généralement qualifié de « populiste » ou de « démagogique ») – cet intérêt est ce qui régit le comportement de Donald Trump, et rien d’autre.

On peut donc s’attendre que, sur le Liban, il adopte la position de l’administration Biden cherchant à mettre fin à la guerre en cours à des conditions qui satisfassent Israël, sur la base du retrait des forces du Hezbollah au nord de la zone stipulée dans la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU de 2006, et du remplacement progressif des forces du parti dans cette zone ainsi que des forces d’occupation israéliennes par l’armée régulière libanaise, à condition que des garanties soient fournies sous supervision des États-Unis quant au non-retour du parti dans la zone susmentionnée et le non-réapprovisionnement de son arsenal de missiles par l’Iran à travers le territoire syrien. Cela s’accompagnerait d’un renforcement de l’armée libanaise tel que l’équilibre des forces au Liban puisse changer, de façon à permettre à l’État dominé par les États-Unis de l’emporter sur le parti dominé par l’Iran. Toutefois, la conclusion de cet accord est actuellement soumise à l’approbation de l’Iran, qui le refuse toujours, car Téhéran préfère que le Hezbollah reste dans la mêlée plutôt que de le laisser en sortir et être ainsi empêché de prendre part à la confrontation à venir entre l’Iran et l’alliance américano-israélienne.

Netanyahu est convaincu que Trump sera plus disposé que Biden à s’engager dans cette confrontation. Il a déjà envoyé un représentant pour négocier avec le président élu sur les prochaines mesures envers l’Iran. Trump consultera également ses amis du Golfe, qui espèrent que l’Iran recevra un coup décisif, en dépit de la bienveillance envers Téhéran et de l’empathie pour le peuple de Gaza qu’ils expriment. Par de telles positions, ils essaient de contrer la surenchère iranienne concernant la Palestine et de convaincre Téhéran d’épargner leurs installations pétrolières, que Téhéran a menacé de frapper si ses installations nucléaires étaient attaquées. La probabilité d’une attaque conjointe américano-israélienne contre l’Iran est devenue très élevée avec le retour de Trump à la Maison Blanche. Il cherchera certainement à rétablir l’hégémonie ferme des États-Unis sur la région du Golfe, affaiblie pendant les ères Obama et Biden.

En ce qui concerne la Palestine, Trump est susceptible de soutenir l’annexion officielle par Israël d’une partie importante de la Cisjordanie et de Gaza (la partie nord de la bande de Gaza en particulier, où un « nettoyage ethnique » est actuellement mené par l’armée sioniste) en vue de l’expansion de ses colonies en Cisjordanie et la reprise de leur établissement à Gaza. Israël gardera aussi les couloirs stratégiques qui lui permettent de contrôler les concentrations restantes de population palestinienne dans les deux territoires occupés. Comme dans « l’accord du siècle » élaboré par le gendre de Trump, Jared Kushner, et annoncé au début de 2020, la transaction comprendra probablement une « compensation » offerte aux Palestiniens en échange de ce qui leur est pris et officiellement annexé au territoire israélien, consistant en des zones dans le désert du Néguev. Il y a huit mois, Kushner exprimait l’opinion qu’Israël devrait s’emparer de la partie nord de la bande de Gaza et investir dans le développement de son « front de mer », tout en transférant ses résidents palestiniens dans le désert du Néguev. Une fois de plus, cet « accord » qui prend le peuple palestinien pour des imbéciles ne trouvera aucun acteur palestinien, ayant la moindre crédibilité, prêt à l’accepter. Israël se sentira ainsi autorisé à l’imposer unilatéralement par la force, tandis que l’extrême droite sioniste continuera d’accentuer sa pression pour l’achèvement de la Nakba de 1948 par l’annexion de tout le territoire palestinien entre le fleuve et la mer et le déracinement de la plupart de ses habitants.

Traduction de ma tribune hebdomadaire dans le quotidien de langue arabe, Al-Quds al-Arabi, basé à Londres. Cet article est paru le 12 novembre en ligne et dans le numéro imprimé du 13 novembre. Vous pouvez librement le reproduire en indiquant la source avec le lien correspondant.

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Gilbert Achcar

Originaire du Liban, professeur à l’Ecole des études orientales et
africaines (SOAS) de l’Université de Londres. (https://gilbert-achcar.net/
— @gilbertachcar)
Auteur de plusieurs ouvrages, dont *Le Choc des barbaries* (3e édition,
2017), *La Poudrière du Moyen-Orient *(avec Noam Chomsky, 2007),* Les
Arabes et la Shoah* (2010), *Le Peuple veut* (2013), *Symptômes morbides*
(2016) et *La Nouvelle Guerre froide* (2023).

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