Nietzsche, Friedrich. 1950. Le gai savoir. Paris : Gallimard, 381 p.
L’ouvrage de Friedrich Nietzsche intitulé Le gai savoir a été publié en 1882. Cette première édition incluait uniquement les quatre premiers livres. Ce sera à l’occasion de la deuxième édition, en 1887, que sera ajouté le cinquième livre, une Préface et un appendice poétique intitulé : « Les chansons du Prince Hors-la Loi ».
Pour l’essentiel, l’ouvrage est composé d’aphorismes. Nietzsche nous présente des pensées à la fois courtes et puissantes dans lesquelles il tente de cerner le caractère de l’être humain (depuis que l’espèce existe) et d’identifier les maux dont souffre « l’Européen »
LES GRANDES IDÉES EXPOSÉES DANS LES CINQ LIVRES.
Dans le premier livre, Nietzsche traite de la morale. Il explique en quoi celle-ci a pour effet d’étouffer les instincts « nobles » de l’être humain. Partant de là, Nietzsche va postuler que la société valorise la faiblesse et que pour se protéger des puissants elle a inventé « la pitié ». Nietzsche aborde la condition ouvrière propre à la société industrielle. Il pose l’ouvrier comme étant aliéné car il est tenu d’obéir non pas à ses besoins mais à ceux de la société. Les deux se révèlent incompatibles.
Les premiers aphorismes permettent à Nietzsche d’exposer sa méthode d’analyse. Il adopte d’entrée de jeu, pour comprendre l’être humain, une analyse anthropologique (c’est-à-dire, que pour comprendre l’être humain, il faut l’analyser à partir de ses racines, de ses instincts les plus élémentaires et le décoder en tant qu’animal appartenant à un « troupeau »). Nietzsche va ensuite se lancer dans une vaste entreprise de démystification. Il dénonce les illusions que l’être humain entretient de lui-même. Il introduit la vision dichotomique qui va constituer son approche analytique (supérieur/inférieur, noble/commun, individu/troupeau, bons/méchants, utiles/nuisibles, plaisir/déplaisir, bonheur/malheur). Il plaide en faveur d’une régénération des sociétés européennes.
Dans le deuxième livre, Nietzsche nous livre quelques-unes de ses méditations au sujet des femmes, de l’art et du rapport entre l’art, la science et le mensonge1. Ce que Nietzsche dit au sujet des femmes relève d’un sexisme primaire. Selon lui, les deux causes D’affaiblissement des hommes se ramènent aux femmes et au mariage (pp. 99 à 109). Nietzsche affirme, à la toute fin de ce livre, que c’est l’art qui nous rend l’existence supportable2.
Le troisième livre commence très fort. On y retrouve la célèbre formule choc et lapidaire qui a rendu Nietzsche très célèbre et qui lui a ouvert les portes de la postérité. C’est dans l’aphorisme 108 que Nietzsche affirme que « Dieu est mort » (p. 152). Rien de moins.
Nietzsche exhorte la personne humaine à ne pas attribuer à l’univers des traits qui lui sont propres. À ce sujet il écrit : « Gardons-nous de penser que le monde soit un être vivant » (p. 152). « Gardons-nous de penser que l’univers serait une machine » (p. 153). Bref, il nous suggère de nous éloigner de toute représentation anthropomorphique de l’univers. Selon lui, « Le caractère du monde est au contraire celui d’un chaos éternel »3 (p. 153).
Dieu est mort. Soit. Mais qui l’a tué ? Selon Nietzsche, ce sont les hommes qui ont tué Dieu.
« L’insensé. – N’avez-vous pas entendu parler de ce fou qui allumait une lanterne en plein jour et se mettait à courir sur la place publique en criant sans cesse : « Je cherche Dieu ! Je cherche Dieu ! » Mais comme il y avait là beaucoup de ceux qui ne croient pas en Dieu son cri provoqua un grand rire. S’est-il perdu comme un enfant ? Dit l’un. Se cache-t-il ? A-t-il peur de nous ? S’est-il embarqué(?) A-t-il émigré ? Ainsi criaient et riaient-ils pêle-mêle. Le fou bondit au milieu d’eux et les transperça du regard. « Où est allé Dieu ? S’écria-t-il, je vais vous le dire. Nous l’avons tué,… vous et moi ! […] Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c’est nous qui l’avons tué ! […] » (en italique dans le texte) (pp. 169-170).
La mort de Dieu est le résultat de nos actions et de nos rationalisations. Hélas, nous ne semblons pas avoir pris toute la mesure de cette mort divine. Dans un monde sans Dieu, la personne humaine doit oser devenir la personne qu’elle est4. Elle doit vivre dans la joie et non pas dans le péché inventé par la morale issue du christianisme (aphorisme 135 pp. 177-178).
Certains aphorismes (...) que nous retrouvons dans ce troisième livre, méritent d’être mentionnés, en particulier les suivants : le 110 sur l’origine de la connaissance et la vérité ; le 112 dans lequel il est question de la cause et de l’effet ; le 115 qui porte sur les quatre erreurs ; le 116 où il est question de l’instinct du troupeau ; le 128 sur l’origine de la prière ; le 130 sur la laideur du monde selon le christianisme ; le 135 qui porte sur le péché ; le 147 sur l’emprunt des autochtones aux Européens et finalement le 151 dans lequel il est question de la création des religions et surtout de l’invention mensongère d’un (...) autre (...) monde (un « arrière-monde », un « sur-monde » ou « sous-monde »).
Dans le livre 4, Nietzsche s’inscrit, pour une rare fois, dans une relation positive avec Descartes. Il écrit : « Pour le nouvel an. – Je vis encore, je pense encore : il faut encore que je vive, car il faut encore que je pense. Sum, ergo cogito : cogito, ergo sum. » (en italique dans le texte) (p. 221).C’est en partie autour de la pensée de Descartes que Nietzsche rédige les aphorismes de cette partie du Gai savoir. Il veut continuer à apprendre toujours. Apprendre quoi au juste ? « [À] voir le beau dans la nécessité des choses : c’est ainsi que je serai toujours de ceux qui rendent les choses belles » (p. 222).
« Amor fati : que ce soit dorénavant mon amour. Je ne veux pas faire la guerre au laid. Je ne veux pas accuser, je ne veux pas accuser, même les accusateurs. Je détournerai mon regard, ce sera désormais ma seule négation ! Et, en un mot, en grand, je ne veux plus, de ce jour, être jamais qu’un affirmateur » (p. 222).
Nietzsche annonce qu’il veut non pas « penser la mort », mais bien plutôt « contribuer à […] rendre l’idée de la vie encore mille fois plus digne d’être pensée. » (p. 224). Bref, qu’il souhaite participer à un mouvement d’exaltation de la vie. Il annonce ici l’arrivée des « Préparateurs » (en italique dans le texte) (p. 227), c’est-à-dire les nouveaux hommes émergeant de cette époque nouvelle. Un type d’homme « qui introduira l’héroïsme dans la connaissance, qui fera la guerre pour la pensée, pour les conséquences de l’idée » (p. 227). « [D]es hommes qui en toute chose, cherchent passionnément l’obstacle à surmonter » (en italique dans le texte) (p. 228). Les hommes « qui se créent eux-mêmes » (p. 274). Nietzsche peste contre le « vice » européen de son époque : « la chasse au gain » (« faire une chose plus vite qu’une autre ») (p. 265). Dans l’aphorisme 335, Nietzsche règle ses comptes avec la devise de Socrate (« Connais-toi toi-même » ) qu’il présente comme une « féroce plaisanterie » (p. 270), ainsi qu’avec « l’impératif catégorique » de Kant qu’il considère comme relevant d’un « égoïsme aveugle » (p. 272). Et c’est dans ce quatrième livre qu’il abordera l’idée de l’éternel retour (aphorismes 285 et surtout 3415). Le livre se clôt par un aphorisme qui porte sur un célèbre personnage : Zarathoustra (aphorisme 3426 intitulé Incipit tragoedia).
Dans le livre 5, Nietzsche aborde plusieurs thèmes comme : la « mort de Dieu », la science, l’apparence, la vérité, les vêtements et la morale, la religion, l’ascétisme chrétien, le romantisme, l’idéalisme, etc..
Nietzsche affirme à l’aphorisme 352 que les Européens n’aiment pas se mettre à nu. Pourquoi ? Parce que l’Européen ne peut se « passer de la mascarade qu’on nomme vêtement » (p. 303). En tant « (qu’)animaux domestiques […] nous offrons un spectacle honteux qui nécessite le travestissement de la morale » (p. 303) . Le « travestissement de la morale » est un thème qui revient plusieurs fois dans cet aphorisme. La morale est présentée comme un déguisement « de la bête féroce qui vit en nous » (p. 303). « L’Européen se travestit avec le manteau de la morale parce qu’il est devenu un animal malade, une bête infirme et mutilée qui a d’excellentes raisons pour se montrer « apprivoisée » » (p. 303). Pourquoi en est-il ainsi selon Nietzsche ? Parce que l’Européen est presque un « avorton », quelque chose de « gauche » et de « faible » (p. 303). La morale permet aux Européens selon Nietzsche, de « paraître plus nobles, plus importants, plus reluisants, plus « divins » » (p. 303). La morale est donc perçue comme une authentique maladie. Elle rend la personne humaine malade de la vie. L’Européen que Nietzsche a sous les yeux n’a plus la force « d’être ». Il n’est qu’animal grégaire qui s’imagine être plus « divin » que les autres animaux.
Dans l’aphorisme 359 Nietzsche se pose la question suivante : « La morale… où croyez-vous donc qu’elle puisse avoir ses plus dangereux, ses plus rancuniers avocats ? » À cette interrogation précise, Nietzsche ne répond pas directement. Il préfère établir une comparaison avec un « raté » « qui ne possède pas assez d’esprit », qui « s’ennuie », qui se « dégoûte », privé qu’il est de la « bénédiction du travail », « dans le fond », il « a honte de son existence », « il tombe finalement dans un état de rancune, dans une volonté chronique de se venger » (p. 324). De quoi au juste cet homme a-t-il « absolument besoin pour conserver en face de lui-même une apparence de supériorité sur des esprits plus forts que le sien, pour se donner, au moins en imagination, la volupté de la vengeance assouvie ? » (p. 324) (en italique dans le texte). D’une seule et unique chose : « De la moralité » (p. 324) (en italique dans le texte). La morale est le tremplin qui permet à l’homme simple de se hisser du côté des forts, bref des « aristocrates ».
Voici comment Nietzsche distingue la morale de l’esclave par rapport à celle de l’aristocrate :
« - La révolte des esclaves dans la morale commence lorsque le ressentiment lui-même devient créateur et enfante des valeurs : le ressentiment de ces êtres, à qui la vraie réaction, celle de l’action, est interdite et qui ne trouvent de compensation que dans une vengeance imaginaire. Tandis que toute morale aristocratique naît d’une triomphale affirmation d’elle-même, la morale des esclaves oppose dès l’abord un « non » à ce qui ne fait pas partie d’elle-même, à ce qui est « différent » d’elle, à ce qui est son « non moi » : et ce non est son acte créateur. Ce renversement du coup d’œil appréciateur – ce point de vue nécessairement inspiré du monde extérieur au lieu de reposer sur soi-même – appartient en propre au ressentiment : la morale des esclaves a toujours et avant tout besoin, pour prendre naissance, d’un monde opposé et extérieur : il lui faut pour parler physiologiquement, des stimulants extérieurs pour agir ; son action est foncièrement une réaction. Le contraire a lieu, lorsque l’appréciation des valeurs est celle des maîtres : elle agit et croît spontanément, elle ne cherche son antidote que pour s’affirmer soi-même avec encore plus de joie et de reconnaissance, - son concept négatif « bas », « commun », « mauvais » n’est qu’un pâle contraste né tardivement en comparaison de son concept fondamental, tout imprégné de vie et de passion […] ». Nietzsche, Friedrich. 1964. La généalogie de la morale. Paris : Gallimard, pp. 45-46.
La morale des esclaves se comprend par opposition À la morale aristocratique. Celle-ci n’est pas liberté d’obéir, mais bien plutôt (...) de commander. Toute une différence !
Dans le fragment 360 Nietzsche nous invite à réfléchir sur « deux sortes de causes que l’on confond » (en italique dans le texte) (p. 326). De quoi s’agit-il ? « Voici à mon avis, l’un des pas, des progrès, les plus capitaux que j’ai faits ; j’ai appris à distinguer la cause de l’action en général et la cause de l’action particulière, de l’action dans tel ou tel sens, de l’action à telle ou telle fin » (p. 326). Il faut donc distinguer la causalité de l’action (l’agir) et celle de l’agir de telle ou telle manière (l’agir directionnel, l’agir en ciblant un but). « L’opinion courante est tout autre » (p. 326), nous dit-il. Elle confond le but avec la force directrice.
Après avoir posé la morale comme une « maladie » et affirmé que le « raté » l’utilise en vue de marquer sa « supériorité », rappelons à quoi correspond le gai savoir selon Nietzsche :
« En effet, la gaieté, ou pour parler mon langage, le gai savoir, est une récompense : la récompense d’un effort continu, hardi, opiniâtre, souterrain, qui, à vrai dire, n’est pas l’affaire de tout le monde. Mais au jour où nous pourrons nous écrier : « En avant ! Notre vieille morale, elle aussi, rentre dans le domaine de la comédie ! », nous aurons découvert, pour le drame dionysien de la Destinée de l’âme, une nouvelle intrigue, une nouvelle possibilité – et l’on pourrait gagner qu’il en a déjà tiré parti, lui, le grand, l’antique, l’éternel poète des comédiens de notre existence !... » Nietzsche, Friedrich. 1964. La généalogie de la morale. Paris : Gallimard, p. 19.
Gai savoir ? Nietzsche fait le choix de la gaieté qui n’est pas « l’affaire de tout le monde ».
Dans l’aphorisme 125 (L’insensé), Nietzsche annonce la « mort de Dieu ». L’aphorisme 343 lui fait écho. À ce sujet il précise : « Le plus grand des événements récents – la « mort de Dieu », le fait, autrement dit, que la foi dans le dieu chrétien a été dépouillée de ses plausibilités – commence déjà à jeter ses premières ombres sur l’Europe. » (p. 284). La mort de Dieu traduit la fin d’une époque dans l’histoire européenne dont Platon fut, aux yeux de Nietzsche, celui qui a inauguré l’ère de la métaphysique. La « mort de Dieu » signifie la mort du suprasensible, la mort des idées et des idéaux sur lesquels a trop longtemps vécu la civilisation européenne. Cette nouvelle époque signifie le commencement du nihilisme et elle est porteuse d’un avenir incertain.
Les valeurs n’ont pas l’éternité devant elles. Elles ont leur temps. L’annonce d’un homme nouveau (le « surhumain »), capable de poser de nouvelles valeurs par-delà l’effondrement des anciennes, est indissociable de « la mort de Dieu ».
Cet « homme nouveau » est débarrassé des idéaux mensongers que sont la « vertu », la « vérité », le « bien », le « beau » qui emprisonnaient la conscience. Nietzsche le voit comme l’incarnation de « La grande santé » (aphorisme 382). Rendu à ce point, Nietzsche se fait poète et conclut en écrivant :
« Tout scintille pour moi d’une splendeur nouvelle,
Midi repose sur l’espace et sur le temps…
Ton œil seul formidablement,
Me regarde, ô infinité ! »
(« Chansons du Prince Hors-la-Loi », (p. 376)).
La transmutation des valeurs n’a rien d’automatique. Elle est guettée par la menace des anciennes chaînes toujours promptes à rappeler leurs souvenirs funestes et nuisibles.
Dans Le gai savoir, Nietzsche est à la recherche d’une science au service de la vie. Une science critique détachée de la croyance, donc libre de tout esprit religieux. Seule à ses yeux, la connaissance artistique, destructrice des idoles, est capable de se transformer en « gai savoir7 ».
Yvan Perrier
yvan_perrier@hotmail.com
1 « Notre dernière gratitude envers l’art. – Si nous n’avions pas approuvé les arts, si nous n’avions pas inventé cette sorte de culte de l’erreur, nous ne pourrions pas supporter de voir ce que nous montre maintenant la Science : l’universalité du non-vrai, du mensonge, et que la folie et l’erreur sont conditions du monde intellectuel et sensible » (en italique dans le texte). Nietzsche, Friedrich. 1950. Le gai savoir. Paris : Gallimard, p. 150.
2 « En tant que phénomène esthétique l’existence nous reste supportable, et l’art nous donne les yeux, les mains, surtout la bonne conscience qu’il faut pour pouvoir faire d’elle ce phénomène au moyen de nos propres ressources » (en italique dans le texte). Nietzsche, Friedrich. 1950. Le gai savoir. Paris : Gallimard, p. 150.
3 Ici Nietzsche reprend dans ses mots la thèse d’Anaxagore selon laquelle « Au commencement, tout était pêle-mêle ; alors vint la raison qui créa l’ordre. » Cité dans Nietzsche, Friedrich. 1977. La naissance de la tragédie. Paris : Gallimard, p. 82.
4 À ce sujet Nietzsche écrit : « Que dit ta conscience ? – « Tu dois devenir l’homme que tu es. » (p. 219).
5 « Le poids le plus lourd.- Et si, un jour ou une nuit, un démon venait se glisser dans ta suprême solitude et te disait : « Cette existence, telle que tu l’as mènes, et l’as menée jusqu’ici, il te faudra la recommencer et la recommencer sans cesse ; sans rien de nouveau ; tout au contraire ! La moindre douleur, le moindre plaisir, la moindre pensée, le moindre soupir, tout de ta vie reviendra encore, tout ce qu’il y a en elle d’indiciblement grand et d’indiciblement petit, tout reviendra, et reviendra dans le même ordre, suivant la même impitoyable succession… cette araignée reviendra aussi, ce clair de lune entre les arbres, et cet instant, et moi aussi ! L’éternel sablier de la vie sera retourné sans répit, et toi avec, poussière infime des poussières ! »… Ne te jetteras-tu pas à terre, grinçant des dents et maudissant ce démon ? A moins que tu n’aies déjà vécu un instant prodigieux où tu lui répondrais : « Tu es un dieu ; je n’ai jamais ouï nulle parole aussi divine ! »
« Si cette pensée prenait barre sur toi, elle te TRANSFORMERAIT peut-être, et peut-être t’anéantirait ; tu te demanderais à propos de tout : « Veux-tu cela ? le reveux-tu ? une fois ? toujours ? à l’infini ? » et cette question pèserait sur toi d’un poids décisif et terrible ! Ou alors, ah ! comme il faudrait que tu l’aimes toi-même et que tu aimes la vie pour ne plus désirer autre chose que cette suprême et éternelle confirmation ! » (en italique dans le texte) Nietzsche, Friedrich. 1950. Le gai savoir. Paris : Gallimard, pp. 281-282.
6 « Incipit tragoedia – Quand Zarathoustra eut trente ans il quitta sa patrie et le lac d’Ourmi et s’en alla dans la montagne. Là il jouit de son esprit et de sa solitude et ne s’en lassa pas de dix ans. Mais enfin son cœur se transforma, et, un matin, se levant avec l’aurore il s’avança devant le soleil et lui parla ainsi ; « O grand astre ! Que serait ton bonheur si tu n’avais ceux que tu éclaires ! Depuis dix ans tu viens ici dans ma caverne : sans moi, mon aigle et mon serpent, tu te serais lassé de ta lumière et fatigué de ce chemin ; mais nous t’attendions chaque matin ; nous te prenions ton superflu, et nous t’en bénissions. Vois : je suis dégoûté de ma sagesse comme l’abeille qui a amassé trop de miel, j’ai besoin de mains qui se tendent, je voudrais donner et distribuer jusqu’à ce que les sages redeviennent heureux de leur folie et les pauvres de leur richesse. Pour cela je dois descendre au fond des profondeurs, ainsi que tu le fais, le soir, quand tu t’abimes dans la mer, ô astre de surabondance, et que tu portes ta clarté jusqu’aux antipodes du monde !... Il faut, comme toi, que je m’abîme, que je me couche, pour employer le mot des hommes (...) vers lesquels je veux descendre. Bénis-moi donc, ô œil paisible qui peux voir sans envie même un bonheur trop grand ! Bénis la coupe qui demande à déborder, pour que l’eau en coule à flots d’or et répande partout le reflet de ta joie ! Vois ! Elle aspire à redevenir vide, Zarathoustra aspire à redevenir homme »… « Ainsi commença son déclin. » (en italique dans le texte), Nietzsche, Friedrich. 1950. Le gai savoir. Paris : Gallimard (pp. 282-283).
7 « Et que notre art soit dit libre / Gai notre savoir ! ». Nietzsche, Friedrich. 1950. Le gai savoir. Paris : Gallimard, p. 378.
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