Tiré de Humanite.fr
Si ça continue, Benjamin Netanyhou sera plus en sûreté à Washington qu’à Tel Aviv. Pas à cause d’attentats mais du fait de la persévérance de la police israélienne qui lui reprochent son implication dans de multiples affaires de corruption. Le Premier ministre israélien était donc bien à l’aise à la Maison-Blanche, où il était reçu par Donald Trump pour la première fois depuis la décision des Etats-Unis de reconnaître Jérusalem capitale d’Israël. La relation entre les deux pays « n’a jamais été aussi bonne », a souligné le président américain avant la rencontre, ajoutant, pour être bien compris : « Nous sommes très proches concernant des accords commerciaux. Nous sommes très, très proches au niveau militaire et [dans notre lutte contre] le terrorisme et sur toutes ces choses pour lesquelles nous devons travailler ensemble. » Il pourrait même assister en personne à l’inauguration de la nouvelle ambassade américaine à Jérusalem, au mois de mai.
Un message parfaitement reçu par Netanyahou pour qui « le plus grand défi est l’Iran » et qui entend maintenant passer à la construction d’« une alliance américano-israélienne » d’autant plus réalisable et peut-être d’un nouveau type que « les Arabes n’ont jamais été aussi proches d’Israël et qu’Israël n’a jamais été aussi proche des Arabes ». Officiellement il s’agit de paix. Une paix qui pourrait être élargie aux Palestiniens. Encore faut-il y mettre un contenu. Là, les masques tombent.
Interrogé à l’issue de son entretien avec Donald Trump, Benjamin Netanyahou a affirmé que la question palestinienne n’avait pas excédé un quart du temps de la discussion et uniquement sous l’angle sécuritaire. D’ailleurs, le Premier ministre israélien s’est bien gardé de dire s’il était favorable à la création d’un État palestinien. « Je ne l’ai pas nommé, mais je l’ai défini : les Palestiniens devraient avoir le pouvoir de gouverner, à l’exception du pouvoir de nous menacer », a-t-il dit.
Le Bon, la Brute et la Belle
Interrogé par le Times of Israel pour savoir s’il avait dit à Trump qu’il soutenait, au moins en principe, l’établissement d’un État palestinien, il a répondu : « J’ai dit que nous ne voulions pas gouverner les Palestiniens, mais que nous voulions absolument nous protéger. Le plus important, c’est que le contrôle de sécurité à l’ouest du Jourdain reste entre nos mains, et que personne d’autre ne peut assumer cette responsabilité. Vous pouvez vous lancer dans des spéculations, mais je me fiche des spéculations, » a-t-il poursuivi. « Les slogans ne servent à rien. Qu’est-ce que ça veut dire ? De quel état parlez-vous ? C’est le Costa Rica ou le Hamastan ? Est-ce la Suisse ou l’Iran ? Est-il démilitarisé ? Qui l’a démilitarisé ? Qui garantit cette démilitarisation ? Je l’ai dit, il n’y a qu’une seule puissance qui peut le faire – et c’est Israël. Cela correspond-il à ce que le monde appelle un État ? Je ne sais pas trop. Mais ça correspond à la solution dont j’ai besoin. »
Or, si l’on décrypte un peu ces propos, on s’aperçoit que les exigences israéliennes ainsi exprimées recoupent les grandes lignes du plan américain dit « de paix pour le Proche-Orient », révélé il y a quelques jours par le secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Saëb Erekat. Pourtant, Netanyahou a affirmé devant la presse que l’administration Trump ne lui avait pas fait connaître son plan, ce qui est peu difficile de croire.
Au lendemain de sa rencontre avec Trump, Benjamin Netanyahou s’est offert un one-man show devant les membres de l’American Israel Public Affairs Committee (Aipac), encore puissant lobby pro-israélien bien que de plus en plus de jeunes Américains juifs s’en défient ouvertement et partagent de moins en moins cette défense inconditionnelle d’Israël. Longuement applaudi, Netanyahu a cru bon de détourner le titre du film de Sergio Leone, le Bon, la Brute et le Truand en Le Bon, la Brute et la Belle, peut-être parce qu’en évoquant le truand certains auraient pu penser à lui ?
Le « président le plus pro-Israël de l’histoire des Etats-Unis »
Dans sa définition, le « Bon », ce sont « les bonnes nouvelles », liées à l’armée israélienne qui « n’a jamais été aussi forte ». La « Brute » n’est autre que l’Iran et son influence au Moyen-Orient. « Les ténèbres descendent sur notre région », a-t-il lancé sur un ton dramatique en montrant sur un écran géant la Syrie, l’Irak, le Yémen et le Liban. Ce qui lui a donné l’occasion de s’en prendre une fois de plus à l’accord nucléaire international de 2015, trop conciliant à son goût, et que les États-Unis menacent de dénoncer. « Nous devons stopper l’Iran et nous stopperons l’Iran », a-t-il lancé sur un ton guerrier. Tous ceux qui lui ont succédé à la tribune se sont trouvé sur la même longueur d’onde : représentants et sénateurs démocrates ou républicain, ainsi que le vice-président américain Mike Pence et l’ambassadrice des États-Unis à l’ONU Nikki Haley, parlant des « activités néfastes » supposées de Téhéran dans la région qui nécessitent de durcir l’accord de 2015. Enfin, la « Belle », c’est l’amitié israélo-américaine tant vantée avec un « président le plus pro-Israël de l’histoire des États-Unis », selon Mike Pence lui-même.
Et les Palestiniens ? « Ils veulent vraiment revenir à la table » des négociations, a expliqué, condescendant, Trump en recevant Netanyahou à la Maison Blanche. Assénant aussitôt : « S’ils ne le font pas, il n’y aura pas de paix, c’est aussi une possibilité ». Des propos qui permettent de mieux comprendre la réaction palestinienne concernant l’approche de l’administration américaine. « Ils amènent le bétail dans une cour où il y a une seule sortie (...) et ils poussent la vache dans un sas. Chaque vache qui entre dans le sas est tuée d’un coup de pistolet électrique dans la tête, et termine sur un tapis roulant qui l’emmène à l’équarrissage. A la fin, on la mange en hamburger », a déclaré Mohammed Shtayyeh, un conseiller du président palestinien Mahmoud Abbas. « C’est exactement la même chose qui se passe avec les Palestiniens ».
Un message, un commentaire ?