Édition du 19 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Féminisme

Monsieur le Ministre, cessez de prendre les femmes en otage

Cette lettre est consignée par de nombreuses organisations et personnes, dont le Réseau des Tables de groupes de femmes du Québec.

Monsieur le Ministre, depuis 18 mois, les responsables de services éducatifs (RSE) en milieu familial subventionné revendiquent des conditions de travail décentes. En effet, leur revenu équivaut actuellement à un salaire horaire de 12,42 $, soit un salaire en dessous du salaire minimum. Elles demandent une subvention équivalente à un salaire horaire de 16,75 $, ce qui correspond – seulement – au premier échelon pour une éducatrice non qualifiée en centre de la petite enfance (CPE).

Ce n’est pas d’hier que les métiers traditionnellement occupés par les femmes sont sous-payés et qu’on ne reconnaît pas les compétences nécessaires à leur exercice. Il semble néanmoins que les derniers mois de confinement aient rappelé à un grand nombre de familles les défis que représente le métier d’éducatrice à l’enfance et l’importance de leur rôle. En effet, les bienfaits d’un système de service de garde éducatif public et accessible ne sont plus à prouver, a fortiori dans un contexte d’augmentation du nombre de familles monoparentales et d’accroissement global de la précarité des emplois et de la pauvreté. Si notre société veut continuer d’avoir des personnes compétentes et dévouées pour faire ce travail et garantir un encadrement de qualité à nos enfants, il faut leur offrir une reconnaissance et un salaire décent.

Les travailleuses, appuyées de leurs syndicats, ont fait leurs devoirs, analysé la réalité de leurs dépenses et du nombre d’heures de travail réel, fait des enquêtes et des sondages, étudié les lois sur l’équité salariale… Vous répondez de façon méprisante, sans plus d’arguments, balayant du revers de la main la réalité de leurs conditions de travail.

Alors que les exigences du Ministère sur les tâches qu’elles doivent accomplir ont augmenté, vous osez n’offrir qu’une misérable augmentation de 41 cents.

Les conditions indécentes (équivalence de salaire en dessous du salaire minimum, manque de reconnaissance, exigences toujours accrues…) dans lesquelles exercent les RSE ont poussé nombre d’entre elles à fermer leurs services dans la dernière année et, si vous poursuivez dans le même esprit, cela ne va pas aller en s’arrangeant. Pas moins de « 47 % des responsables de services de garde disent songer à quitter la profession si les offres du gouvernement devaient demeurer les mêmes »**. Considérant les besoins des familles, nous jugeons dangereux votre comportement envers les RSE. Ce sont, en effet, plus de 46 000 enfants qui sont inscrits sur la liste d’attente pour une place en garderie. Il est nécessaire que vous permettiez aux RSE de continuer à jouer un rôle significatif dans l’offre aux familles quant au choix du milieu éducatif car, aujourd’hui, elles représentent près de 40 % des places subventionnées.

Contrer la dépendance économique des femmes

En maintenant les RSE dans des conditions de travail précaires, Monsieur le Ministre, ce sont toutes les familles du Québec, et plus spécifiquement les mères, que vous tenez en otage. Quand les parents ne trouvent pas de place en garderie, c’est la plupart du temps les femmes qui se voient dans l’obligation de quitter ou de perdre leur emploi, ou encore de passer à temps partiel, ce qui augmente leur dépendance économique. Les nombreux témoignages nous l’illustrent clairement. Par conséquent, votre refus d’offrir des conditions décentes aux RSE, et ainsi de favoriser le développement des garderies en milieu familial, témoigne d’un mépris flagrant non seulement envers les personnes qui se dévouent à la tâche, mais également envers l’ensemble des familles et des femmes du Québec qui se retrouvent forcées de choisir entre leur travail et leurs enfants.

Par ailleurs, le réseau québécois des services de garde, doit-on le rappeler, a favorisé l’intégration de milliers de femmes sur le marché du travail et a créé des dizaines de milliers d’emplois en éducation à l’enfance, qui sont restés occupés en quasi-totalité par des femmes. Néanmoins, il existe toujours un écart important entre cette profession et les métiers à prédominance masculine que le salaire des RSE vient précisément illustrer.

En ne reconnaissant pas la valeur du travail des RSE et, par voie de conséquence, en provoquant un recul des femmes quant à l’accès au marché du travail, non seulement vous contribuez à renforcer la division sexuelle du travail, mais vous empêchez la lutte pour l’égalité hommes-femmes d’avancer.

Nous vous demandons expressément, Monsieur le Ministre de la Famille, puisque vous vous considérez comme féministe***, d’agir en conséquence. Cessez de nous prendre en otage :

– en écoutant les revendications des RSE, notamment en revalorisant leur rémunération à hauteur équivalente d’un salaire horaire de 16,75 $ ;

– en travaillant activement à maintenir et à développer un réseau de services de garde éducatifs public, accessible, et qui répond aux besoins des familles du Québec.

En l’attente de quoi, nous, familles, femmes et alliés, soutiendrons la grève illimitée générale des RSE.

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