Édition du 17 décembre 2024

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Féminisme

Militantisme et féminisme : alimenter le feu

« La solidarité des femmes n’est jamais frivole, elle est toujours politique », écrivait l’auteure Pauline Harmange. Ce constat résume bien l’essence du dernier Réseau des Femmes : c’est en croisant les mots ensemble, implication, audace, action, solidarité, sororité… que nous pouvons espérer changer les choses dans la société.

Pourquoi continuer à investir son temps et son énergie pour une cause féministe ? Parce que les inégalités persistent encore entre les femmes et les hommes, et également entre les femmes elles‑mêmes, et parce que seule l’action collective peut faire évoluer positivement les situations discriminatoires. L’histoire nous l’a prouvé à maintes reprises, l’avenir nous le demandera.

Dans le monde syndical, comme au sein de la société québécoise, ce sont essentiellement des femmes qui ont porté le projet de l’égalité entre les femmes et les hommes. Et c’est par la voix des militantes syndicales qui ont osé parler, dénoncer et revendiquer que des gains importants ont été obtenus. L’histoire du syndicalisme québécois au féminin peut difficilement être dissociée de l’histoire du mouvement des femmes, et l’inverse se confirme tout autant. Comme le spécifie si bien la professeure Francine Descarries, invitée à prononcer une conférence lors du dernier Réseau des femmes, « les alliances furent indispensables pour obtenir la reconnaissance d’enjeux touchant spécifiquement les femmes ».

Que l’on pense à la bataille pour le droit fondamental qu’est l’équité salariale, à la création d’un réseau de garde public et accessible, ou à la reconnaissance de l’importance de la sécurité financière lors d’un congé parental (création du Régime québécois d’assurance parental, le RQAP), ces luttes ont été portées par des groupes féministes, communautaires et syndicaux. Le « ensemble » devient ainsi une donnée essentielle pour comprendre et analyser les avancées, et la lutte pour le droit à l’avortement au Québec est un exemple criant de la sororité qui s’est cristallisé autour de la situation de Chantale Daigle, à la fin des années 80.

« Ni pape, ni conjoint, ni juge, ni médecin ! » ont scandé conjointement plus de 10 000 femmes dans les rues de Montréal en juillet 1989 revendiquant le droit de choisir le recours à l’avortement. Quelques semaines auparavant, Chantale Daigle, une jeune femme de 21 ans alors enceinte d’un conjoint violent, venait de se voir retirer le droit de se faire avorter deux fois plutôt qu’une, par deux injonctions successives.

Cette manifestation historique a été organisée par des femmes mobilisées et engagées, membres de la Coalition pour l’avortement libre et gratuit. Parallèlement à la dénonciation publique, une action féministe privée s’organise pour supporter Chantale Daigle dans son choix à se faire avorter l’obligeant à se rendre aux États-Unis pour réussir. Même s’il a été demandé à la Cour suprême de casser l’injonction, le temps pressait. C’est par la solidarité de ces femmes et leur courage que Chantale Daigle a pu se faire avorter dans ce contexte de bataille judiciaire qui s’éternisait. Bataille qui fut finalement gagnée par un jugement de la Cour Suprême du Canada, qui statue que seule une personne possède des droits constitutionnels et que ces droits commencent au moment de la naissance vivante. Ainsi, que le fœtus n’a pas de statut légal de personne et qu’un père n’a aucun droit de propriété sur un fœtus.

De l’engagement au féminin à l’engagement féministe

Le militantisme au féminin peut prendre toutes sortes de formes possibles : syndicale, bien sûr, communautaire, universitaire et même citoyenne. Combien de mobilisations ont débuté autour d’un thé dans une cuisine ? En 1974, a justement été créé le Théâtre des cuisines, compagnie théâtrale issue du mouvement féministe pour la reconnaissance des droits des femmes et la remise en question des rôles sociaux qui est, encore aujourd’hui, un théâtre engagé et s’impliquant avec diverses communautés !

On ne compte plus le nombre d’idées qui ont émergées des rencontres entre femmes, dans un salon ou un parc ! C’est d’ailleurs de cette façon que l’organisation citoyenne « Ma place au travail » est née : par le partage, entre femmes, d’une réalité commune et discriminatoire, celle du manque de places en garderie. D’une rencontre est née une idée, d’une idée est née une action : Dénoncer et revendiquer une situation injuste qui participe à la précarisation financière des femmes. Ainsi c’est par la voix de milliers de femmes aux prises avec la même situation que s’est mise en place une mobilisation nationale.

Les luttes syndicales et féministes sont non seulement importantes pour l’ensemble de la société, mais indissociables des grandes victoires sociales. Les lieux de militance demeurent interreliés, car le mouvement féministe et le mouvement syndical sont au cœur des grands gains pour les femmes.

La sororité n’est ni plus ni moins que l’expression d’une solidarité féminine et inclusive. Un mode de résistance. Essentielle pour les luttes collectives, sans laquelle les choses ne peuvent tout simplement pas bouger.

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