Julian Assange a réagi à la condamnation de Bradley Manning, le soldat condamné pour avoir transmis à son site WikiLeaks quelque 700 000 documents diplomatiques et militaires, à l’occasion de l’ouverture, mercredi 31 juillet à 30 kilomètres au nord d’Amsterdam, du camp “OHM 2013”, l’un des plus importants rassemblements de hackers au monde.
Le fondateur de WikiLeaks s’exprimait en duplex depuis l’ambassade de l’Équateur à Londres où il est toujours réfugié, devant une salle où toute photo et tout enregistrement avaient été interdits. « Le traitement de Bradley Manning résulte d’une stratégie de terreur visant tout le monde », a-t-il lancé. « Pourquoi ? Parce que les agences de renseignement se sentent mises en danger. C’est un signal important. »
Pour le fondateur de WikiLeaks, le gouvernement américain se serait lancé dans ce qu’il compare à une guerre sainte. « Il existe aujourd’hui un État dans l’État, une culture dans la culture », a-t-il affirmé. Et cette culture serait « une nouvelle religion ». « Il y a un héritage religieux dans la classification. » Ainsi, il y aurait « des documents saints et des documents désacralisés ». Seules les agences habilitées auraient le droit de décider les informations sanctifiées de celles pouvant être diffusées au grand public. Et ceux qui violent ce dogme doivent être châtiés.
Mais, selon Julian Assange, la condamnation de Bradley Manning n’est pas totalement une défaite. Le jeune homme est en effet devenu « un symbole », tout comme Edward Snowden, l’ex-employé de la NSA à l’origine de la révélation du système d’écoute PRISM et actuellement réfugié dans un aéroport de Moscou. Or, poursuit Julian Assange, « il est important de défendre les symboles » pour remporter la bataille de l’opinion publique. Par leur action, ces whistleblowers ont permis de former « un nouveau consensus autour de ce qui est juste ».
Le fondateur de WikiLeaks s’exprimait devant environ 2 000 participants massés dans le “Hall Turing”, de OHM, un événement rassemblant, tous les quatre ans aux Pays-Bas, la communauté informatique mondiale pour cinq jours de conférences, d’ateliers et de travail collaboratif. Marquée par une actualité particulièrement chargée, avec la condamnation de Bradley Manning et les révélations de Richard Snowden, cette édition 2013 a été baptisée Observe Hack Make (Observer Détourner Faire), en abrégé OHM, également l’unité de mesure de la résistance électrique. Car autant que de puces, de routeurs ou de fibres optiques, ici, on parle de politique, d’engagement, d’hacktivisme et des moyens de changer le monde.
La première édition, le “Galactic Hacker Party”, avait été organisée en 1989, un an après la révélation, par le journaliste écossais Duncan Campbell, dans un article intitulé « Somebody’s listening », de l’existence du système d’écoute mondial des communications Échelon. « À l’époque nous n’avons rien fait », a regretté le Néerlandais Koen Martens lors de la cérémonie d’ouverture, avant d’appeler à la résistance en commençant par cesser d’offrir ses données personnelles aux grandes entreprises et agences américaines. Et, joignant le geste à la parole, de supprimer en direct son compte Twitter.
Lors de la précédente édition, le “Hacking in Random” (HAR) de 2009, un hacker australien encore inconnu du grand public présentait un projet de site de whistleblowing. Son nom : WikiLleaks.
Depuis, Julian Assange est devenu l’une des personnalités les plus influentes au monde. Et les whistleblowers semblent être devenus les ennemis numéro 1 des plus grandes démocraties occidentales.
Mardi 30 juillet, à la veille de l’ouverture du camp, Bradley Manning, le soldat à l’origine de la publication des documents classés ayant fait la célébrité de WikiLeaks, a été reconnu coupable de plusieurs violations de la loi sur l’espionnage et de vol de documents. Sa peine sera fixée lors d’une audience ultérieure, mais le jeune homme sait déjà qu’il encourt jusqu’à 136 années de prison pour avoir contribué à révéler des exactions de l’armée américaine en Irak.
Le whistleblowing et les dérives des agences de renseignement sont donc logiquement au cœur de cette édition 2013 avec, chaque jour, plusieurs conférences et ateliers donnés par cinq éminents lanceurs d’alerte et anciens employés d’agences : Ray McGovern (CIA), Coleen Rowley (FBI), Thomes Drake (NSA), Jesselyn Drake (NSA) et la Britannique Annie Machon (MI5).