Édition du 17 décembre 2024

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Afrique

Mali : crise et incertitude

Le président du Mali, Amadou Toumani Touré a été destitué par un putsh militaire. Les raisons sont à chercher dans la déstabilisation du pays provoquée par l’intervention de l’Otan en Libye, qui a entre autres dégradé les conditions économiques du pays.

C’est avec une voix un peu hésitante que le capitaine Sanogo, chef de la junte, a lu le communiqué annonçant la destitution du président du Mali, Amadou Toumani Touré (ATT), accusé d’être incapable de défendre l’unité et l’intégrité du pays, face aux multiples attaques du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) et d’Al Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi).

Comment en est on arrivé là ? L’intervention de l’Otan en Libye n’a pas seulement favorisé la mainmise des pays occidentaux sur les puits de pétrole du pays, elle a eu aussi pour conséquence la déstabilisation du Sahel. Les pays subsahariens ont dû faire face à une rentrée massive de leurs ressortissants fuyant le climat raciste qui s’est développé en Libye. Ces afflux ont dégradé les conditions économiques déjà chancelantes de ces pays. Les combattants touarègues pro-Kadhafi sont repartis dans leur région avec armes et bagages, au sens propre du terme, en se servant dans les dépôts, d’armes souvent sophistiquées et coûteuses de Libye. Désormais le Sahel est devenu un des endroits de la planète où circule le plus d’armes.

Montée en puissance du MNLA

Cette situation a mis à nu la faiblesse de l’État malien. Son armée a été incapable de contenir, un tant soit peu, les offensives de MNLA.

Lors de la décolonisation, la France a imposé des frontières aux Touarègues, peuple de nomades. Ce qui n’a eu de cesse de provoquer incompréhensions et conflits. C’est sur ce malaise que surfe le MNLA, encore que rien ne prouve que les populations soutiennent ce type d’organisation. D’autant que cette guerre qui ne dit pas son nom a provoqué la fuite de près de 200 000 Maliens qui vivent dans les pays voisins dans un dénuement complet, avec en prime une crise alimentaire régionale.

La diplomatie française, toujours en pointe dans les bévues, a joué les apprentis sorciers en soutenant discrètement le MNLA, pensant se servir de cette organisation pour lutter contre Aqmi et suppléer les faiblesses des armées nationales des différents pays subsahariens. Les experts du Quai d’Orsay ont dû vite déchanter, quand ils se sont aperçus que le MNLA avait son propre agenda et, pire, parfois scellait des alliances avec les islamiques dans leurs attaques.

Un putsch de la base

Personne ne regrette vraiment le départ d’ATT. Côté Occident, si hier ATT était un des favoris de Chirac, il a commencé à agacer lors de son refus de signer l’accord de gestion concertée des flux migratoires favorisant les expulsions des sans-papiers maliens. Mais surtout ATT, pour la diplomatie occidentale, n’était plus un homme fiable, refusant la présence des troupes françaises sur son territoire comme son homologue du Burkina Faso, Blaise Compaoré, ou refusant de mener une guerre totale comme le Mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz.

Côté Mali, le coup d’État est avant tout un putsch des militaires du rang, très peu d’officiers sont impliqués et aucun officier supérieur, car c’est aussi contre eux que le coup d’État a eu lieu. Contre ces généraux qui détournent l’argent des soldes et du matériel, qui envoient les hommes au front sans entraînement, avec peu de munitions et une logistique défaillante. Déjà et fait unique, des manifestations des femmes de soldats s’étaient déroulées à Bamako pour protester contre cette situation. Beaucoup reprochent à ATT d’avoir couvert la complicité des officiers supérieurs avec les bandes armées qui sévissent dans le Sahel et se livrent à toutes sortes de trafics.

L’offensive militaire du MNLA, début janvier à Ménaka, a révélé l’incapacité de l’armée malienne sous-entraînée et sous-équipée à résister à des troupes aguerries et puissamment armées. Ainsi, l’armée du Mali n’a connu que des défaites camouflées sous le vocable officiel de repli tactique. Le massacre d’Aguel Hoc, où 82 soldats prisonniers ont été exécutés à l’arme blanche ou d’une balle dans la tête par les troupes conjointes du MNLA et d’islamistes, a traumatisé le pays.

Cette situation explique le soutien de certains secteurs de la gauche radicale aux soldats putschistes, bien que le coup d’État survienne un mois avant les élections présidentielles. A contrario, la plupart des organisations politiques et syndicales exigent le retour des militaires dans leurs casernes et la tenue d’élections rapides.

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