En dépit de ces crises, vous auriez effacé plusieurs termes de votre plate-forme, notamment « pétrole » et « gaz de schiste ». Pour clarifier votre intention, vous avez récemment confirmé que vous seriez disposé à examiner l’exploitation du gaz de schiste par fracturation hydraulique dans certaines régions du Québec, « s’il y a acceptabilité sociale ». Nous sommes profondément troublés par le message que cela envoie sur les intentions de la CAQ si votre parti est élu.
La fracturation est un processus dommageable pour l’environnement, et compromet la santé humaine, l’eau potable et la pollution atmosphérique. Elle peut même provoquer des tremblements de terre. Plus de 300 municipalités ont renforcé leur réglementation afin de se protéger contre la pollution générée par l’industrie pétrolière et gazière. Des communautés des Premières Nations ont entrepris des démarches juridiques.
Les dangers de l’extraction pétrolière et gazière ne se limitent pas aux risques sur la santé. Les concentrations de CO2 atmosphériques ont fortement augmenté au cours des dernières décennies. En 2012, pour la première fois dans l’histoire moderne, des concentrations de CO2 supérieures à 400 parties par million (ppm) ont été détectées. Au 7 août 2018, elles atteignaient 408,7 ppm. Les communautés nordiques en particulier peuvent attester de la gravité de l’impact des changements climatiques. Le consensus chez nos collègues spécialisés en études nordiques est que les changements ne peuvent être correctement documentés, atténués ou anticipés, parce qu’ils se produisent trop rapidement et que la fonte du pergélisol restreint l’accès par avion aux régions affectées.
Non seulement la réduction des investissements dans le secteur pétrolier et gazier favorise le bien-être humain et la sécurité environnementale, c’est aussi une question de responsabilité fiscale. Les Libéraux fédéraux et le NPD en Alberta ont déjà démontré que le soutien de l’État au pétrole est une stratégie perdante. L’appui au pipeline Trans Mountain se révèle un fiasco qui coûtera des milliards de dollars aux contribuables. L’industrie de la fracturation est également instable sur le plan économique. Le Wall Street Journal rapportait que seulement 5 des 20 premières sociétés américaines de fracturation ont réussi à générer plus de liquidités que de dépenses au premier trimestre de 2018, malgré un prix du pétrole supérieur à 70 $ le baril. Et dans la plupart des cas, c’est l’État qui doit assumer les coûts du nettoyage et de la restauration des sites de même que les coûts de santé. Le Québec a la chance d’apprendre de ces erreurs. Mais nous sommes préoccupés par la direction que semble prendre votre parti.
En réponse à votre question sur l’acceptabilité sociale de la fracturation hydraulique, les Québécois se sont déjà prononcés ; ils veulent maintenir et élargir leur souveraineté environnementale et économique.
Par conséquent, nous vous demandons de revenir sur vos commentaires en faveur de la fracturation et de vous engager à vous opposer à la loi déposée récemment qui autorise d’autres techniques non conventionnelles telles que l’acidification dans certaines régions du Québec. Une telle interdiction devrait s’étendre à tout le Québec, à tout type de roche, qu’il s’agisse de schiste, de calcaire, de grès, de dolomite, etc. Nous vous demandons de vous engager envers les électeurs québécois à vous opposer à la croissance de l’industrie des hydrocarbures au Québec et à travailler assidûment à satisfaire les engagements climatiques mondiaux.
La nouvelle réalité climatique exige un changement radical du statu quo. Cette élection est le moment de commencer.
La lettre est signée par plus de 45 professeurs et chercheurs du domaine des sciences
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