Un bateau transportant plus de 600 personnes, parti de Libye pour l’Italie, a disparu et aurait fait naufrage le 6 mai à l’aube au large des côtes de Tripoli. Le dernier d’une série de drames impliquant des bateaux surchargés de migrants rêvant d’un avenir meilleur en Europe.
Avant le conflit en Libye et les combats qui durent depuis bientôt trois mois entre forces loyales au dirigeant contesté Mouammar Kadhafi et les forces rebelles, les autorités empêchaient le départ de ces migrants vers l’Europe.
« Avant, il n’y avait aucune possibilité. Il y avait des patrouilles partout sur la côte », explique, sous couvert de l’anonymat, une assistante sociale basée à Tripoli.
Aujourd’hui, ce sont les forces de sécurité libyennes « qui organisent tout cela », dit-elle parlant des dangereux voyages par bateau qui coûtent aux migrants des centaines voire des milliers de dollars.
Farah Mohamed, une Somalienne de 28 ans enceinte de neuf mois, et son mari Mohammed Abdel Samed Ahmed étaient sur le bateau qui a sombré le 6 mai. Il y avait « trop de monde », raconte-t-elle. Et 30 minutes après le départ, le bateau s’est couché sur le côté.
Comme des dizaines de naufragés, le couple somalien a pu regagner le rivage. D’autant que des navettes du régime sont arrivées sur les lieux 15 minutes après le chavirage pour secourir les migrants.
Mais selon les deux naufragés, environ 250 personnes se trouvaient sous le pont, auquel ils ne pouvaient accéder que par deux portes « très étroites ». Pour eux, « ces gens sont tous morts ».
Parmi les Somaliens qui étaient à bord, trois enfants, trois femmes et 10 jeunes hommes ont péri, 38 sont portés disparus et environ 210 ont survécu, a déclaré Abdulghani Waeis, un diplomate somalien à Tripoli, qui n’avait pas de bilan pour les autres nationalités.
Mary-Anne, une Nigériane de 35 ans installée en Libye depuis 10 ans, connaît beaucoup de monde ayant tenté l’aventure. Tout comme Adam, un ouvrier du bâtiment nigérian de 31 ans venu avec sa femme pour faire quelques économies en Libye avant de retourner dans son pays et lancer sa propre affaire. « Il n’y a plus de travail en raison du conflit », se lamente-t-il.
Pour l’assistante sociale, 75% des migrants africains arrivant en Libye sont en transit, avec l’Europe pour objectif final. Mais même si Mary-Anne et Adam rêvent l’un et l’autre de pouvoir quitter le pays en guerre, ils assurent qu’ils ne prendraient jamais le risque de monter à bord d’un de ces bateaux.
Pour Khaled Kaïm, le vice-ministre libyen des Affaires étrangères, « tout le monde sait bien que l’armée est débordée, et la police aussi ». « Nous sommes toujours prêts et avons toujours la volonté de travailler à nouveau avec les pays européens concernant ce problème », explique-t-il, ajoutant que la Libye avait besoin de l’aide de l’Europe pour cela.
Selon l’assistante sociale, deux autres embarcations chargées de migrants ont disparu. « Le premier bateau avec 350 Erythréens et Ethiopiens » est parti aux alentours du 23 ou 24 février pour l’Italie et personne ne sait ce qu’il est devenu.
Un autre parti aux environs du 23 mars avec à son bord 72 Ethiopiens et Erythréens « s’est perdu, retrouvé à court de carburant, puis a dérivé vers la Libye trois semaines plus tard », selon elle. « Ils ont été abandonnés sans aucune aide. »