Tiré de Tlaxcala.org
Nous, les peuples de la périphérie, frappés par la violence et la pauvreté, gouvernés par roitelets corrompus qui affichent leur richesse et leur pouvoir dans leurs petites cours courtisans agenouillés. Nous, les perdants de toujours, qui ne figurons pas dans les traités de littérature ou d’histoire du monde, qui ne faisons pas de l’art mais du folklore, nous qui n’en sommes qu’au début, qui allons bien mais à qui "il manque beaucoup".
Nous, les morts de la faim, qui avons été frappés par les changements climatiques sans préavis et par surprise, qui perdons nos enfants, transformés en squelettes ambulants aux ventres énormes et aux lourdes têtes de Martiens moribonds ; nous, ceux aux lèvres sèches, aux cheveux hirsutes, opaques et secs, nous les vieillards prématurés. Nous, les tarés, dénutris dès le ventre maternel, au cerveau desséché, nous dont les neurones se sont peu à peu éteints quand nous tétions du lait clairet de seins flasques.
Nous, les crasseux, les haillonneux, les moches, les puants, qui tendons notre main suppliante en chantant des litanies et des prières et en montrant nos blessures, nos membres mutilés, les espaces sans dents de nos bouches malodorantes. Nous, ceux des coins sales, qui vivos dans la pisse, dans les coins sombres recouverts de carton.
Nous les invisibles, devant lesquels on remonte les vitres des voitures, regardés avec horreur par les filles pimpantes, nous les possibles violeurs, les possibles agresseurs, les violents, les mauvais, les déviants.
Nous, du bord de la rive, qui venons de ce petit pays de merde dont personne ne sait jamais où il se trouve, qui quittons toujours le Guatemal pour tomber dans le Guatepire, qui sont même dans le Guatepire ne nous sentons pas mieux qu’au Guatemal.
Nous, les expulsés, les jetés, qui avons pris la tangente, les déracinés éternels, les éternels languisseurs des volcans bleus, des lacs transparents, des matins vaporeux qui n’existent que dans l’esprit.
Nous autres du train de la mort, nous qui traversons les fleuves, qui gîsons dans les tombes clandestines de Chihuahua, Nayarit, Tamaulipas. Nous, les kidnappés du désert de Sonora, chassés comme du gibier par les ranchers ventrus et péteurs dans leurs ranchs d’Arizona ; nous les capturés par les patrouilles frontalières, les enfermés dans des poulaillers, les séparés de nos enfants.
Nous, les maudits, couverts d’anathèmes dans des discours tonitruants applaudis par des foules excitées, qui causons angoisse, haine, peur, incertitude. Nous qu’on accuse de menacer l’empire, de déjouer ses miradors frontaliers, de mettre en danger sa grande domination, d’ôter le pain de la bouche de ses bons citoyens.
Nous nous sommes remis en mouvement, nous nous sommes mis en route dans de longues caravanes qui deviendront toujours plus grandes et frapperont les murs qui protègent l’empire. Nous sommes des milliers de milliers d’inarrêtables et nous nous multiplions comme des sauterelles.
Nous, les barbares, nous ferons tomber l’Empire.
Merci à Tlaxcala
Source : https://connuestraamerica.blogspot.com/2018/10/las-invasiones-barbaras.html#more
Date de parution de l’article original : 20/10/2018
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