La brutalité de la police contribua à étendre le mouvement et à lui attirer une très large sympathie. Des militants syndicalistes participèrent aux manifestations ainsi que des travailleurs du rang, et cela dans tout le pays, même s’il ne s’agit que d’une petite minorité. Phénomène minoritaire mais d’une grande importance dans un contexte où la classe ouvrière n’est pas active politiquement. Les manifestants affirmaient les liens de leur mouvement avec ceux de Grèce, d’Espagne ou d’Égypte, mouvement qui prit tout de suite une dimension internationale.
Zuccotti Park se trouve à deux pas de Ground Zero où venait d’être commémoré le dixième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001. Cette proximité soulignait le sens du mouvement, la rupture avec un décennie marquée par la « guerre contre la terreur », débauche de patriotisme alors que les folies spéculatives des banques préparaient la crise financière de 2008.
Une critique radicale au cœur du système
Occupy Wall Street était une réponse au Tea Party, reprenant à son compte les idéaux trahis de la révolution américaine et les références à la Constitution, une contestation aux accents libertaires combinés dans un refus unificateur de la dictature des 1 % contre les 99 %. La contestation a convergé dans la dénonciation de cette prétendue démocratie qui laisse les mains libres à une minorité qui s’accapare les richesses produites par la majorité, qui renfloue les banques mais ne fait rien pour venir en aide aux Américains surendettés. Victoire politique indiscutable du mouvement, celui-ci a rompu le silence sur les inégalités, sur la scandaleuse accumulation de richesses entre les mains d’une minorité, pour exiger la démocratie, le droit pour le plus grand nombre de contrôler et de décider.
Le mouvement avait été précédé durant l’hiver 2011, juste après qu’eut explosé la révolution égyptienne, par la « Bataille du Wisconsin ». Celle-ci fut provoquée par l’offensive anti-ouvrière et anti-syndicale du gouverneur Walker après que les Républicains eurent gagné la majorité, en jouant sur la colère et la déception suscitées par l’absence de changement depuis l’élection d’Obama. Travailleurs, enseignants, lycéens se sont mobilisés, mis en grève, et des appels à « taxer les riches ! » se sont fait entendre. La place du capitole de Milwaukee a été occupée à l’instar de la place Tahrir, un mouvement parti de la base qui a bousculé les bureaucraties syndicales et démocrates, un renouveau d’actions, d’initiatives, de conscience militante. Si la lutte n’a pu imposer le départ de Walker, elle a participé d’un renouveau de l’activité politique des travailleurs comme il y a huit mois la grève victorieuse des enseignants de Chicago, ainsi que les manifestations qui ont suivi à travers tout le pays le scandaleux acquittement de l’assassin du jeune noir Trayvon Martin.
Autant de pas dans le sens d’une rupture avec l’influence des Démocrates sur les Noirs, les travailleurs, une rupture nécessaire pour que les germes de la contestation politique semés par Occupy Wall Street puissent féconder un mouvement politique indépendant représentant les intérêts politiques des 99 %.