De toute façon, le racisme, c’est toujours ailleurs que ça se passe. Ce sont les vilains États-uniens, mais pas nous, nous sommes moins mauvais, donc sans taches. C’est le même discours que tenait Jean-François Kahn à l’émission Samedi et rien d’autre vers 8 h 10 le matin du 6 juin 2020, sur les ondes d’Ici Première, en prétextant du moins grand nombre de morts aux mains de la police en France par rapport aux États-Unis pour prétendre qu’il n’y a pas de racisme systémique dans la Macronie et pour qualifier la manifestation de solidarité avec les personnes racisées de scandale et de manipulation mélenchoniste, alors que ce sont ses propos qui sont véritablement honteux.
Monsieur Kahn rejoint ici nos Bock-Côté, Martineau et Bombardier pour fantasmer un racisme anti-blanc. Notre chroniqueur, qui a beau mentir en venant de l’autre côté de l’Atlantique, s’est bien gardé de parler de la page Facebook qui regroupe près de 8000 policiers français, où se tiennent les propos les plus inhumains et les plus abominables sur toutes les minorités, notamment racisées. Prétendant que les manifs des Gilets Jaunes n’avaient pas causé de morts, il s’est bien gardé de mentionner Zineb Ridouane, Steve Caniço et Cédric Chouviat, morts aux mains de la police.
Vous verrez, bientôt, à force de démoniser la France insoumise, il va finir par vous dire que Le Pen est fréquentable.
Mais ici même au Québec, les commentatrices et commentateurs qui s’évertuent à nous expliquer que non, ielles ne confondent pas le racisme systémique avec le racisme systématique, car il n’y a pas de système qui défavorise les personnes selon leur race et que les Québécois·e·s ne sont pas racistes, mais sont plutôt des victimes, nous font la démonstration éclatante que oui, justement, ielles confondent encore racisme systémique et racisme systématique. Le racisme est systémique justement quand il n’a pas l’intention de discriminer, mais qu’il le fait objectivement.
On notera au passage que les Québécois·e·s racisé·e·s sont justement des Québécois·e·s, déjà les opposer à d’autres en disant que les Québécois·e·s ne sont pas racistes, c’est une forme de discrimination.
La discrimination systémique qui affecte les femmes s’appelle sexisme systémique. La discrimination systémique qui affecte les personnes racisées s’appelle racisme systémique. Il faudra passer par-dessus le déni.
Mais pour cela, il faut d’abord accepter les faits historiques et comprendre que l’esclavage a existé au Québec. Par exemple, dans son testament, Marguerite d’Youville, fondatrice des Sœurs grises, laissait parmi ses biens meubles, après les poules et les vaches, ses esclaves amérindiens. Dans le roman Les Anciens Canadiens, Philippe Aubert de Gaspé parle d’une esclave noire que le Seigneur de Saint-Jean-Port-Joli avait affranchie et qui était restée dans la famille, tellement elle y était attachée. Comme si une personne mise à la rue avec pour tout bien ses seuls vêtements avait d’autre choix, surtout si elle est noire et vieillissante !
Ah, vous me direz, tout cela est tellement loin dans le passé. Oui, comme la Conquête et notre soumission à l’église. Alors, ou on assume tout le passé ou on ne l’assume pas. Si ce n’est plus nous, comment se fait-il que les Autochtones soient toujours les personnes les plus nombreuses en prison ? Comment se fait-il que les Mohammed aient plus de difficulté à obtenir un emploi ? Comment se fait-il qu’un Noir qui se stationne soit tout de suite repéré par un agent de police ?
Du racisme ? Pas chez nous ! Ce sont les étrangers qui font ça !
LAGACÉ, Francis
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