14 septembre 2022 | tiré de l’Aut’journal | L’auteur est professeur retraité.
La violence criminelle n’est pas l’apanage des immigrants. C’est un truisme que de rappeler que la criminalité « pure laine tissée serrée » est bien implantée au Québec depuis fort longtemps et qu’elle est toujours le lot d’une minorité d’individus.
Les immigrants et les réfugiés ne se caractérisent pas à la manière de produits d’importation étiquetés comme des « cans de beans », arrivant avec toutes les qualités parfaites requises pour être conformes aux « valeurs québécoises » (notions fort vagues par ailleurs).
Limiter les perceptions à des bras prêts à bosser à des fins économiques ne révèle pas d’une conception plus brillante de l’immigration. Le Québec accueille des personnes qui n’ont rien coûté à la société avant leur arrivée ; elles ont reçu éducation et soins dans leur pays d’origine pendant 10, 15, 20 ou 30 ans sans que le Québec débourse un sou pour cela. Et à leur arrivée, on les veut parfaites sur tous les plans et elles devraient parler français en six mois. Autant dire que l’on cherche la quadrature du cercle.
Les affirmations spontanées du Premier ministre forment un tricot d’insultes à l’égard des milliers de personnes venues d’ailleurs et qui contribuent au développement de ce pays.
À titre de vice-président de l’organisme Accueil multiethnique et Intégration des nouveaux arrivants à Terrebonne et à Mascouche (AMINATE), je me sens profondément blessé et humilié. Et je m’exprime aussi au nom de la formidable équipe d’intervention composée de personnes venues de divers pays (Algérie, Maroc, Colombie, Roumanie et Sénégal), auxquelles s’ajoutent des natifs d’ici et de nombreux bénévoles qui travaillent d’arrache-pied avec des moyens limités pour soutenir l’intégration et la francisation de milliers d’immigrants et de réfugiés dans le sud de Lanaudière.
Nous travaillons ferme pour permettre à tous ces gens de s’intégrer à la région, et ce, grâce au soutien du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI), des deux villes concernées et de la Municipalité régionale de comté des Moulins.
Notre action ne s’arrête pas là ; AMINATE accorde du soutien à des entreprises qui embauchent des personnes qui viennent d’ailleurs et fait un travail de sensibilisation auprès des services publics (écoles, services de police, etc.). Chaque jour, nous tentons de faire des miracles avec des ressources financières limitées.
La francisation requiert temps et ressources, ce que les gouvernements successifs n’ont pas bien compris depuis des décennies. En 1991, un colloque sur le thème « Les personnes immigrantes : partenaires du développement régional » avait eu lieu à l’Université du Québec en Outaouais et nous discutions alors de toutes les questions que les politiciens d’aujourd’hui reprennent comme des nouveautés. Pourquoi ? En raison de l’indolence et du laisser-faire de tous les gouvernements depuis ce temps.
Au fil du temps, on a réduit les fonds alloués à la francisation, perçue comme une dépense et non comme un investissement fondamental. Dans certains milieux, on véhicule même cette pensée magique que la francisation sur les lieux de travail suffirait. Il est plus que temps que le Québec se réveille et investisse dans la francisation à la mesure des besoins criants.
Oui, l’intégration est un défi. Qu’on y mette le prix et le temps requis. L’intégration correspond à un processus multidimensionnel qui dépasse la simple francisation. L’intégration repose sur le développement des capacités d’une personne à participer à la vie sociale, culturelle, économique, institutionnelle et… politique. Au-delà de la francisation, il faut INVESTIR dans les communautés sur les plans social et culturel. INVESTIR aussi pour contrer ce mal (non reconnu par la CAQ) qu’est le racisme.
Au lieu de ne voir que les bras des personnes immigrantes, retenons surtout l’ouverture de leur cœur et la vivacité de leur créativité pour s’adapter et s’intégrer. En somme, l’intégration ne relève pas que des organismes communautaires, mais bien de l’ensemble de la société. L’État et son représentant doivent donc donner le ton… positif.
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