Édition du 12 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Les 100 premiers jours du gouvernement péquiste

Le gouvernement péquiste recule sur ses engagements. Pourquoi ce choix ?

Le mercredi 10 octobre, Nicolas Marceau livrait les conclusions qu’il tirait des pressions patronales refusant toute réforme de la fiscalité favorisant une certaine redistribution de la richesse. La contribution santé ne sera pas annulée. Le gouvernement péquiste renonce à abolir la taxe santé pour l’année et elle sera éliminée que partiellement à compter de l’an prochain. Il module la taxe santé de façon telle que la majorité de la population soit appelée à faire sa contribution. Plus, il abandonne son projet de hausser les impôts sur les revenus de dividendes.

Le gouvernement péquiste annonce maintenant qu’il mettra la pédale douce sur l’application de la gouvernance souverainiste. Il a déjà renoncé à demander le rapatriement du programme de l’assurance-emploi. La proposition de la ministre de l’Éducation sur les écoles privées liant le financement au rejet de la sélection à l’entrée et à l’acception d’élèves en difficultés d’apprentissage a rapidement subi les attaques des élites québécoises. Les écoles subventionnées devront, avait-elle d’abord affirmé, accepter tout le monde pour continuer de bénéficier de financement. Cette proposition s’est vite transformée en proposition d’ouverture de débat pour les prochaines années.

Le gouvernement québécois va-t-il reculer sur la réforme sur la loi des mines ? Où va-t-il se rendre dans le développement des énergies fossiles si les entreprises d’ici commencent à pousser de hauts cris comme les chambres de commerce l’on fait par rapport à son timide projet de réforme de la fiscalité ? Quelles sont les restrictions aux dépenses sociales le gouvernement Marois est-il prêt à faire pour atteindre son objectif zéro dans les échéances fixées par l’ex-ministre Bachand, alors que nous sommes dans une période de ralentissement économique ?

Mais le gouvernement avait-il le choix ? Pourquoi les reculs du gouvernement se font-ils si rapidement ?

On pourrait facilement affirmer et cela a sa part de vérité, que le gouvernement péquiste comme gouvernement minoritaire subit une terrible pression des partis néolibéraux fédéralistes qui ont le plus grand nombre de députéEs à l’Assemblée nationale. Mais, il faut remarquer que les reculs du gouvernement péquiste ont été réalisés surtout à partir du fait que les élites patronales sont montées aux créneaux pour défendre leurs intérêts et qu’elles ont utilisé toutes les tribunes médiatiques pour discréditer les propositions gouvernementales. Les partis de droite ont joué leur rôle dans la campagne des privilégiéEs, mais ce sont leurs organisations sociales (Conseil du patronat, Chambres de commerce, et médias à leur service) qui ont été en pointe dans cet affrontement politique.

Le gouvernement péquiste a-t-il mobilisé ses économistes et ses intellectuelLEs dans cet affrontement ? Non. A-t-il appelé à la mobilisation de la vaste majorité de la population, les millions de personnes qui bénéficiaient de l’abolition de la taxe santé ? Aucunement. A-t-il stigmatisé le patronat et les élites qui ont profité ces dernières années du transfert des richesses à leur profit ? Il n’en a pas été question. A-t-il dénoncé la baisse des niveaux d’imposition et la multiplication des moyens d’évitement du paiement de l’impôt ? Le gouvernement ne le pouvait guère, car il a été responsable de telles mesures lorsqu’il était au pouvoir et il n’a aucunement rejeté le concept de fiscalité concurrentielle.

Le Parti libéral du Québec, le parti préféré des affairistes

Les milieux d’affaires se sentent directement représentés par le Parti libéral du Québec. Les accointances et collusions avec ce parti sont multiples et diversifiées. Leurs liens sont tissés serrés par en dessus comme par en dessous. Et plus, ils ont raté le retour de leur parti préféré au pouvoir par si peu que cela a sans doute été très vexant. Ils rêvent de le remettre en selle, et ce, le plus rapidement possible. Leur hargne et leur mobilisation ne s’expliquent pas autrement.

Devant de telles ambitions, le gouvernement péquiste semble effrayé. Il est prêt à donner des gages de bonne conduite. Il promet de faire du Québec un milieu favorable aux affaires. Il va falloir qu’ils donnent beaucoup de gages pour calmer ces milieux et démontrer qu’ils sont des dirigeants responsables en cette période de difficultés économiques. Comme engagements de sa bonne conduite, le patronat exigera une politique d’austérité, le maintien de la privatisation et de la tarification des services publics, la déréglementation des processus d’investissements, le libre-échange tous azimuts, la généralisation de l’exploitation des énergies fossiles à des fins d’exportations... Et le PLQ et la CAQ se feront les relais de ce programme patronal à l’Assemblée nationale.

La faiblesse du programme péquiste qui ne rompt pas réellement avec une logique de développement capitaliste le rend très vulnérable à ces pressions. Sa peur de mobiliser la population pour résister aux pressions des partis patronaux, c’est la peur que la majorité populaire, dans la dynamique même de sa mobilisation, dépasse les intentions du gouvernement et, finalement, démontre son manque de volonté réelle de résister aux forces de l’oligarchie qui ont encore en mains la vaste majorité des instruments du pouvoir économique, idéologique et politique au Québec.

Dénoncer les renoncements de Parti québécois, se mobiliser pour nos revendications contre le programme de l’oligarchie, construire l’alternative sur le terrain politique et social...

Toute politique qui ira dans le sens des intérêts de la majorité populaire devra être soutenue activement. Tout renoncement devra être dénoncé et la logique de ce dernier expliquée. Mais l’important, c’est de refuser tout attentisme vis-à-vis ce gouvernement. C’est surtout refuser la concertation et le partage d’objectifs qui vont à l’encontre des intérêts de la majorité de la population. Il faut refuser de reprendre le chemin funeste qui avait été pris en 1996, à l’invitation de Lucien Bouchard, par de trop nombreuses organisations syndicales et populaires de partager l’objectif du déficit zéro. L’application du programme patronal sera désastreuse pour le Québec.

Nous avons d’autres politiques à proposer. Nous pouvons proposer un autre partage des richesses, un autre développement, centré sur la satisfaction des besoins sociaux et la protection de notre environnement, une véritable démocratie citoyenne débouchant sur un Québec indépendant. Mais face une minorité assis sur la défense de ses intérêts, l’organisation et la mobilisation devront être à la hauteur de nos aspirations à une véritable transformation sociale.

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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