À l’origine
Pendant longtemps et jusqu’à un certain point encore aujourd’hui, le NPD a tenté d’être le moyen pour coaliser. Des générations militantes s’y sont investies, au niveau fédéral ou au niveau provincial, pour construire une force progressiste. Né au début des années 1960 après une longue gestation (son ancêtre s’appelait le CCF), le NPD s’est construit sur une base assez explicitement socialiste et réformiste, dans la lignée de la social-démocratie européenne. Richard Fidler qui connaît bien cette histoire rappelle que le nouveau parti affirmait vouloir lutter pour « l’éradication du capitalisme ». (Fidler a écrit un texte sur cette histoire qui paraîtra dans le prochain numéro des NCS en février prochain).
Cette tonalité radicale s’est cependant émoussée au fil des années lorsque le NPD s’est aligné sur un programme de réformes keynésiennes (comme la promotion de l’assurance-maladie par exemple, défendu par l’ancien premier ministre de la Saskatchewan Tommy Douglas). Au pouvoir dans certaines provinces de l’ouest, le NPD a réalisé de bons coups, en améliorant le système de santé, en élevant le salaire minimum et en facilitant la syndicalisation. En Colombie Britannique dans les années 1970, le NPD au pouvoir a pris le contrôle d’une partie du secteur de l’énergie et des mines. Par la suite dans les années 1980-90 toutefois, les administrations NPD ont changé de cap devant les assauts du néolibéralisme, en réduisant les programmes sociaux et les budgets de l’éducation, en adoucissant la fiscalité pour les plus riches et en gelant les salaires des fonctionnaires. Cette dérive est devenue dramatique en Ontario. Le gouvernement de Bon Ray (maintenant avec le PLC) a alors abrogé les droits de négociation collective et imposé de sévères coupures dans les services publics. Les syndicats qui appuyaient traditionnellement le NPD se sont éloignés et par la suite, la droite (Parti conservateur) est revenue au pouvoir dans la province.
Du centre-gauche au centre-centre
Depuis le NPD s’est repositionné au centre, tant sur le plan provincial que sur le plan fédéral. Jack Layton s’est présenté comme un « pragmatique », selon Richard Fidler, à la fois pour défendre les programmes sociaux menacés par les Conservateurs, à la fois pour réduire les impôts des entreprises (« les créateurs d’emploi ») et ne pas augmenter les taux d’imposition des grandes entreprises au-dessus de ceux imposés aux États-Unis (pour les « garder à un niveau compétitif »). Sur d’autres dossiers « chauds » comme par exemple l’environnement, le NPD a tenté de préserver ses appuis dans l’ouest (favorables aux projets énergétiques), tout en se disant préoccupé par les changements climatiques. Sur les questions de politique extérieure, Layton était contre la participation du Canada dans l’agression états-unienne contre l’Irak, mais pour la présence militaire canadienne en Afghanistan. Un peu avant son décès, il avait également appuyé l’attaque de l’OTAN contre la Libye endossant la stratégie états-unienne de démanteler ce pays sous prétexte du « respect des droits humains ».
Le Québec : l’angle mort
D’emblée, le NPD a toujours reconnu qu’il fallait aborder le Québec d’une manière spécifique pour protéger la langue, la tradition et la culture française. Le problème québécois pour le NPD était linguistique, et non la conséquence d’un État fédéral voulant subjuguer la population québécoise. Plus tard, le NPD a appuyé le gouvernement fédéral, Trudeau en tête, dans ses croisades contre le nationalisme québécois derrière la bannière des droits individuels, du bilinguisme « from coast to coast » et du multiculturalisme. En 1982, le NPD a appuyé le rapatriement unilatéral de la constitution. Tout au long, le NPD a toujours défendu l’idée d’un État fédéral « fort ». Il s’est bien sûr opposé fortement au PQ et lors des deux référendums de 1980 et de 1995, il s’est retrouvé avec les partis de droite tant fédéraux que provinciaux. Enfin en l’an 2000, le NPD a tristement appuyé la « loi sur la clarté » manigancée par Stéphane Dion pour verrouiller la possibilité d’un nouveau référendum (deux députés du NPD ont voté contre cependant). Avant l’élection de 2011, le NPD avait une base populaire extrêmement réduite au Québec.
La « Déclaration de Sherbrooke »
Avec l’appui de Layton, la section québécoise du NPD a fait adopter lors d’un congrès (2006) la déclaration dite de Sherbrooke, qui reconnait plusieurs revendications québécoises, sans cependant remettre en question le cadre constitutionnel dans le cadre de ce que le NPD appelle « le fédéralisme asymétrique ». On y reconnaît notamment le « droit du Québec à l’autodétermination » et on explique que le NPD respecterait, dans l’éventualité d’un nouveau référendum, le choix qui serait adopté par de 50 % + 1 des électeurs et électrices (sans cependant remettre en question la « loi sur la clarté »). On se dit respectueux de la loi 101. Au bout du compte cependant selon Fidler, la déclaration de Sherbrooke esquive le conflit fondamental entre et constitue « une stratégie visant l’acceptation par le Québec d’une union fédérale avant même d’avoir obtenu des garanties constitutionnelles de son caractère national ».
Peut-on être l’ami de tout le monde ?
Plus récemment depuis que le NPD constitue l’opposition officielle, la confusion continue. Les médias anglophones demandent à Mulcair de dire clairement et explicitement que le NPD va se battre « contre les séparatisses ». Ex ministre du gouvernement libéral de Jean Charest, Mulcair, on s’en souvient, a été l’avocat d’Alliance Quebec qui a tenté (avec succès) de mettre des bâtons dans les roues du Québec, notamment sur la mise en œuvre de la Loi 101. En réalité, Mulcair essaie de jouer à l’équilibriste. Il sait très bien que la percée électorale de 2011 repose sur le vote québécois et donc il doit faire attention. De l’autre côté, il voit la possibilité pour le NPD d’occuper le centre, non seulement contre Harper mais aussi contre un PLC déclinant, ce qui l’oblige à aller chercher les votes du Canada anglais, relativement peu accueillant à l’idée de respecter les droits du Québec. Des confrontations s’annoncent.
Les enjeux pour le mouvement populaire
Dans le contexte de son « recentrage » et de ses traditions fédéralistes, on peut difficilement penser que le NPD est un allié du mouvement populaire. Néanmoins, on constate que ce parti dispose d’éléments progressistes qui proviennent du mouvement syndical (comme Alexandre Boulerice ou Nycole Turmel) ou de traditions plus critiques face au néolibéralisme (comme les députés de CB Peter Julian et Libby Davies). Fait à noter, en dépit du « recentrage » et de l’adoption de politiques néolibérales, le NPD n’est pas le parti des dominants au Canada. Lors de la dernière élection, un seul grand journal canadien-anglais (sur plus de trente) a appelé les électeurs à voter pour le NPD. Et il reste l’autre réalité, qui est le projet « révolutionnaire » de droite, la plus grande menace à court terme. Avec tout cela, on peut donc se demander si on ne doit pas accepter que le NPD peut, jusqu’à un certain point, faire obstacle à Harper. Comment un tel appui « tactique » peut être élaboré, sans saper les mouvements populaires et la gauche, voilà la grande question ! On reviendra sur cela dans une prochaine chronique (pour garder le suspense !) …