Édition du 19 novembre 2024

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Québec

Le financement public des écoles privées : mettre fin aux mythes !

Québec solidaire et Gabriel Nadeau-Dubois ramènent le débat sur le financement de l’école privée au Québec. Une étude réalisée par Jean-François Landry et produite pour la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) en 2009 permet de jeter un éclairage intéressant sur le débat. Nous en publions de larges extraits

Tiré du site de la FAE.

1- Présentation

Au cours des dernières années, de nombreux intervenants du milieu scolaire québécois se sont prononcés en faveur de l’abolition, complète ou partielle, de la subvention gouvernementale dont bénéficient la majorité des établissements d’enseignement privés aux niveaux primaire et secondaire. Ainsi, en mars 2005, le Regroupement pour la défense et la promotion de l’école publique estimait que la suppression totale de la subvention permettrait au gouvernement d’économiser 75 M$ annuellement, en supposant que 50 % des élèves du privé retourneraient alors vers le public. À l’époque, la subvention totale du gouvernement pour le secteur privé s’élevait à 376 M$.

Depuis, quelques études ont été publiées, soit pour appuyer les conclusions du Regroupement pour la défense et la promotion de l’école publique ou alors pour les contredire. À cet effet, notons la publication de deux études principales : Le financement public de l’enseignement privé au Québec, du professeur Bernard Vermot-Desroches de l’UQTR, publiée en 2007, et Retrait des subventions aux écoles primaires et secondaires privées : évaluation de l’effet financier net sur le trésor québécois, mémoire de maîtrise présenté par Jean-Denis Garon à l’UQAM en 2006 1. Plusieurs autres articles et dossiers ont été publiés sur le sujet.

Cette étude a été menée pour la FAE dans le but d’avoir un portrait plus précis du coût réel pour le gouvernement de subventionner le réseau privé d’éducation primaire et secondaire. En effet, il est toujours question du fait que le gouvernement subventionne à 60 % du coût de formation d’un élève au public les élèves du privé, mais ce pourcentage ne rend pas compte de la situation exacte du financement du réseau d’éducation privé. Nous nous sommes donc penchés sur cette problématique.

Notre recherche se présente en trois parties. La première section permet de faire le point sur la situation générale de l’enseignement privé au Québec. Nous y abordons les principales caractéristiques du réseau privé québécois, son évolution au cours des dix dernières années et une vue d’ensemble sur sa clientèle et ses attributs socioéconomiques. Par la suite, nous détaillerons l’ensemble des sources de financement des écoles privées, question de replacer les subventions gouvernementales en perspective.

La deuxième section de l’étude porte plus spécifiquement sur les différentes formes de participation du gouvernement au financement des écoles privées. Au-delà de la subvention dite « de 60 % », divers programmes et crédits d’impôt s’adressant aux parents ou aux propriétaires des écoles impliquent d’autres coûts pour le gouvernement, qui sont rarement pris en compte dans le débat entourant le financement des écoles privées.

Finalement, la dernière partie permet de situer la question du financement des écoles privées dans une perspective plus large : le réseau d’enseignement privé ontarien, qui n’est pas subventionné.

2 - Situation de l’enseignement privé au Québec

2.1 - Établissement privé subventionné – non subventionné

Au cours de l’année scolaire 2006-2007, il y avait au Québec 182 établissements agréés aux fins de subvention pour l’enseignement préscolaire, primaire et secondaire. À ceux-ci, il faut aussi ajouter 11 établissements spécialisés EHDAA2. La majorité des écoles privées du Québec est regroupée au sein de la Fédération des établissements d’enseignement privés et de la Quebec Association of Independent Schools. En 2006, la FEEP représentait plus de 90 % de la clientèle des écoles privées, avec 180 établissements membres. Notons que les établissements membres ne sont pas nécessairement agréés aux fins de subvention. Il s’agit cependant d’une augmentation substantielle lorsqu’on remarque qu’en 2004-2005, la FEEP comptait 167 membres, dont 146 étaient agréés aux fins de subventions et recevaient une population d’environ 92 000 élèves (Massé, 2005,p. 3). C’est donc dire qu’en moins de deux ans, près de 40 établissements supplémentaires ont été agréés aux fins de subvention par le ministère de l’Éducation. En comparaison avec les chiffres de 2006, notons qu’en 2009, la FEEP compte 11 établissements de plus, soit 191. Toujours en 2009, la QAIS regroupe quant à elle 26 établissements, la plupart étant de langue anglaise et n’étant pas agréés aux fins de subventions par le MELS.

Les chiffres concernant le nombre d’écoles privées peuvent varier considérablement en fonction de la distinction qui est faite dans la compilation. Ainsi, dans son étude sur la situation de l’enseignement privé au Canada, Jacques Marois arrive pour l’année scolaire 2003-2004 à un total, pour le Québec, de 74 établissements non subventionnés et 243 établissements subventionnés, en tout ou en partie (Marois, 2005). Cette différence est due au fait que chaque section de l’établissement (c’est-à-dire française et anglaise ou primaire et secondaire) peut être comptabilisée comme une installation différente. Ainsi, la liste de fréquentation scolaire du MELS pour 2006-2007 fait état d’un nombre total de 324 établissements dans le réseau privé (subventionnés ou non).

Il y a aussi des situations où l’établissement est subventionné pour certains niveaux d’enseignement, mais pas pour d’autres, telle l’Académie Chrétienne Rive-Nord, qui est subventionnée pour le préscolaire et le primaire, mais pas pour le secondaire. Toutes ces différences peuvent mener à des confusions lors de la consultation de différentes sources : il est donc très important de s’assurer de travailler avec des données comparables. Aux fins de nos travaux, nous considérons les indicateurs de gestion du MELS pour 2006-2007, soit un nombre total d’établissements agréés aux fins de subventions de 182.

Les écoles privées non subventionnées ne sont pas considérées pour l’ensemble de la recherche. Leur nombre peu élevé par rapport au réseau subventionné est l’une des raisons. La seconde s’explique par l’absence de données disponibles quant aux finances des établissements. Dans le cas des écoles agréées aux fins de subventions, celles-ci doivent soumettre leurs états financiers au MELS, qui rend disponible une compilation des catégories générales de dépenses et de revenus. C’est à partir des Indicateurs de gestion 2006-2007 des établissements privés que nous sommes en mesure de voir les postes de revenus et de dépenses des établissements. De plus, notre préoccupation principale étant le coût total des subventions aux écoles privées, étudier les écoles non subventionnées ne serait pas d’une grande utilité, outre le fait de démontrer la possibilité d’avoir un réseau d’écoles non subventionnées viable, tout en montrant que ces écoles reçoivent indirectement l’aide des gouvernements, entre autres par l’entremise des reçus d’impôt pour organisme de bienfaisance et autres programmes de subvention ne touchant pas directement les services éducatifs.

2.2 Évolution des effectifs scolaires

En considérant l’ensemble de l’effectif étudiant du Québec, nous remarquons que la part occupée par le privé est assez importante. En 2003-2004, 9,63 % des élèves du primaire et du secondaire fréquentaient un établissement d’enseignement privé subventionné au Québec. En 2007-2008, l’effectif total des établissements privés (subventionnés et non subventionnés) s’élève à 125 271, passant ainsi à 11,9 % de la population étudiante, comparativement à 9,7 % en 2001-2002. Il s’agit d’une augmentation de 2,2 % en moins de huit ans, soit 0,3 à 0,4 % par année.

Tableau 1 Évolution de la fréquentation scolaire au Québec de 2001 à 2008 Secteurs public et privé

Nous remarquons que contrairement à la tendance observée dans le réseau public, qui subit une baisse d’effectif constante depuis plusieurs années, le réseau privé est marqué par une augmentation régulière de sa population depuis le début des années 2000. La part occupée par le public était de 90,3 % en 2001, elle n’est plus que de 88,1 % en 2006. Pour la même période, la fréquentation privée est passée de 9,7 % à 11,9 %.

Cette augmentation de 2,2 % peut sembler minime, mais elle n’en représente pas moins une tendance du système d’éducation. De plus, les prévisions démographiques du MELS pour 2010-2015 prévoient une baisse générale de l’effectif primaire et secondaire, soit une baisse de 16,4 % au primaire et de 13,6 % au secondaire. Selon le MELS, 6 régions administratives subiront une décroissance de la population, alors que 11 autres connaîtront une augmentation. Cependant, pour l’ensemble du Québec, le nombre de jeunes âgés entre 1 et 14 ans devrait diminuer de 15 % entre 2000 et 2016 (Vermot-Desroches, 2007, p. 40).

Toujours selon le MELS, l’effectif total du primaire et du secondaire devrait subir une diminution de 7,74 % entre 2006-2010. Or, cette baisse de l’effectif scolaire ne se répercute pas de la même manière dans les deux réseaux, car contrairement au réseau public, le privé voit sa clientèle augmenter. Pourtant, la baisse démographique affecte l’ensemble de la population étudiante, peu importe le réseau d’enseignement fréquenté. Il est donc certain que la diminution de la fréquentation scolaire du réseau public est aggravée par la place de plus en plus grande du réseau privé.

En effet, le nombre d’élèves fréquentant l’école privée a augmenté de façon très importante au Québec au cours des dix dernières années et cette hausse est encore plus marquée dans la grande région de Montréal (incluant la Montérégie et Laval), où 1 élève sur 5 du niveau secondaire fréquente une école privée, en comparaison à 1 élève sur 10 pour l’ensemble de la province. En 2003-2004, Montréal et la Montérégie regroupaient 59 % des écoles privées et 60 % de la population scolaire du réseau privé.

La variable élasticité des prix

(…)

Revenu des personnes qui assurent le coût des fréquentations

(…)

Les sources de financement des écoles privées

Avant d’aborder directement la question des subventions gouvernementales aux écoles privées, il est intéressant de replacer ces subventions dans la perspective plus globale de l’ensemble des sources de revenus dont bénéficient les écoles privées. À cet effet, le tableau 2 que nous présentons ici est très révélateur :

Tableau 2 Revenus des écoles privées (préscolaire, primaire, secondaire)

Nous voyons que la part des subventions gouvernementales dans les revenus des écoles se situe à 44 % des revenus totaux. Il faut donc bien faire la distinction entre la part des revenus des écoles privées provenant de fonds publics et la subvention par élève offerte par le gouvernement provincial. Au Québec, le gouvernement offre une subvention de base équivalant à environ 60 % du coût d’un élève du secteur public. Cette subvention est complétée par une allocation tenant lieu de valeur locative, aussi accordée à un montant équivalant à 60% de la subvention du secteur public, en plus de certaines allocations supplémentaires pour des programmes spécifiques. Le financement est accordé sur cette base depuis 1992.

Le montant de la subvention de base versée aux établissements privés est fixé en fonction de l’article 87 de la Loi sur l’enseignement privé, qui stipule que : « Les montants de base par élève pour une année scolaire donnée ou, s’il s’agit de l’enseignement collégial, par élève inscrit à temps plein pour chaque session d’une année scolaire donnée sont obtenus en appliquant à chaque montant de base par élève fixé pour l’année scolaire précédente les taux de variation des subventions versées pour l’année scolaire donnée aux commissions scolaires et aux collèges d’enseignement général et professionnel pour le même service éducatif, sans tenir compte toutefois des subventions versées pour des dépenses propres à l’enseignement public. »

La deuxième source de financement des écoles privées provient de la contribution des élèves pour les services éducatifs. Il s’agit des droits de scolarité versés pour fréquenter les écoles privées. Cette catégorie de revenus s’élève à 28 % de l’ensemble des revenus des écoles. Notons que les écoles subventionnées ne peuvent demander des droits de scolarité plus élevés que le montant de la subvention de base qu’ils reçoivent. À cet effet, M. Vermot-Desroches, dans son étude sur le financement public de l’enseignement privé au Québec note bien que très peu d’écoles exigent, dans les faits, la somme maximale.

Comme nous pouvons le constater au tableau 3, en 2004-2005, c’est dans la région de Montréal que les droits de scolarité sont les plus élevés en regard de la subvention gouvernementale, soit une moyenne de 84 % du maximum permis. C’est dans les régions éloignées que les droits de scolarité sont les plus bas, variant autour de 50 % de la subvention gouvernementale. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet état de fait, dont les revenus moins élevés et la moins grande densité de population en région. Nous aurions pu croire que la région de Montréal (incluant Laval et la Montérégie) aurait pu subir une pression à la baisse sur les droits exigés aux parents en raison de la concurrence du grand nombre d’écoles qu’on y trouve. Cependant, la demande étant très grande dans ces régions, en particulier au niveau secondaire, les écoles peuvent demander des droits plus élevés et s’assurer d’avoir tout de même une clientèle importante.

Tableau 3 Droits de scolarité des établissements d’enseignement privés agréés (primaire et secondaire) en regard de la subvention gouvernementale – 2004-2005, par région administrative

La même logique s’applique aux autres éléments constituant les revenus des écoles privées. Ainsi, les deux autres grandes catégories de revenu des écoles privées proviennent des dons et des revenus spécifiques. Les dons, en argent-biens-services représentent un montant de 50 M$, soit près de 5 % du budget des écoles. Cependant, il faut noter que l’importance des dons varie beaucoup d’un établissement à l’autre, en fonction du nombre d’élèves, des établissements et des cycles d’enseignement. Ainsi, les établissements regroupant les 3 cycles d’études et comptant moins de 500 élèves (au nombre de 27), tirent plus de 15 % de leurs revenus des dons, alors que les établissements secondaires comptant entre 600 et 899 élèves tirent à peine 1,25 % de leurs revenus de dons.

Finalement, la dernière catégorie de revenus que nous aborderons ici est celle des revenus spécifiques, qui totalise près de 13 % des revenus. Il s’agit d’une catégorie regroupant plusieurs éléments, par exemple, les intérêts versés sur des placements. À cet égard, il est intéressant de noter que certaines écoles demandent aux parents de faire des prêts sans intérêts à l’établissement pour la durée de l’année scolaire ou encore des contributions facultatives fortement suggérées à l’association des parents ou à la fondation de l’école.

Les autres sources de revenus spécifiques des écoles sont nombreuses. On y retrouve, par exemple, les droits d’inscription exigés de toutes les candidates et tous les candidats se présentant aux examens d’admission. Ceux-ci se situent généralement autour de 50 $, parfois moins, parfois jusqu’à 80 $. La situation se pose moins en région où le nombre d’écoles privées est limité, mais dans la grande région montréalaise, il n’est pas rare de voir des élèves passer les examens dans plusieurs écoles, multipliant ainsi les entrées d’argent des établissements. La liste présentée à l’annexe 2 nous montre aussi que les frais exigés pour les études s’élèvent bien au-delà des simples droits de scolarité. Les écoles rivalisent de prouesses pour trouver des moyens d’exiger des contributions financières des parents, dont les exemples les plus courants sont :

 uniforme obligatoire ;

 droits d’admission (autres que les droits d’inscription) ;

 frais pour différentes concentrations (musique, sport, langue, etc.) ;

 frais d’activités sportives ;

 frais pour services de garde ;

 tutorat ;

 frais pour matériel informatique ;

 adhésion à l’association des parents (et autres associations) ;

 droits de transport ;

 droits de réinscription annuelle ;

 don ou prêt à l’établissement ou à sa fondation.

(…)

La mise en perspective des différentes sources de revenus des écoles privées agréées aux fins de subventions nous indique donc que la subvention gouvernementale, bien que constituant une part importante de ces revenus, ne constitue pas la majorité de ceux-ci. La part des revenus provenant de la subvention varie grandement en fonction des régions, ce qui fait que l’effet du retrait de la subvention n’aurait pas le même effet partout. Par exemple, la grande région de Montréal compte près des deux tiers des établissements et de la fréquentation scolaire du réseau privé. C’est aussi dans cette région que l’importance des dons et des droits de scolarité réclamés aux parents sont les plus importants.

3- La participation directe et indirecte du gouvernement dans les écoles privées

3.1 - Le financement direct du gouvernement

Au Québec, la subvention du gouvernement pour les écoles privées comporte trois éléments, soit :

 L’allocation de base

 l’allocation tenant lieu de valeur locative

 les allocations supplémentaires.

L’allocation de base permet d’assumer les obligations des services d’enseignement. Le montant alloué aux établissements est calculé en fonction du nombre d’élèves. Le montant de base « par élève » pour les services éducatifs comprend les catégories de dépenses suivantes : personnel enseignant, personnel non enseignant syndiqué et non syndiqué et les autres coûts.

C’est la Loi sur l’enseignement privé qui détermine le calcul de l’allocation (article 87 et suivants). Ainsi, les montants alloués au réseau privé en 1992-1993 sont la référence pour le calcul des années subséquentes (en fonction de l’inflation, de l’indexation des coûts, etc.).

Comme nous avons pu le constater au tableau 3, l’allocation de base représente l’essentiel des ressources attribuées aux établissements d’enseignement privés agréés aux fins de subventions. Ainsi, pour l’année scolaire 2008-2009, la subvention totale pour un élève régulier du secondaire est de 4 105 $. De ce montant, 3 865 $ proviennent de la subvention de base et 240 $, de la subvention tenant lieu de valeur locative.

L’allocation tenant lieu de valeur locative vise à assurer « l’acquisition du mobilier, appareillage et outillage, les réparations majeures et l’amélioration et la transformation des bâtiments mis au service des projets éducatifs institutionnels » (MELS, financement 2007-2008, p. 17).

Bien que l’allocation tenant lieu de valeur locative soit de moins grande importance que l’allocation de base, il n’en demeure pas moins qu’elle implique des coûts de plusieurs millions de dollars par année pour le gouvernement.

Pour avoir une idée plus juste du coût total des subventions, reportons-nous au tableau 4 où l’on peut voir les subventions totales versées par le MELS au cours des cinq dernières années. Nous y trouvons, en plus de la subvention de base et de la subvention tenant lieu de valeur locative, le total des subventions supplémentaires qui sont versées en fonction de différents programmes, mais qui ne touchent pas l’ensemble des élèves. Ces programmes touchent à la lutte au retard scolaire, aux technologies de l’information, au pensionnat, etc. Selon le MELS, les allocations supplémentaires visent à tenir compte de situations particulières des écoles et à développer certaines activités jugées prioritaires (MELS, financement, 2007-2008, p. 17).

Tableau 4 Montant de la subvention par élève, selon l’ordre d’enseignement

Tableau 5 Subventions totales du MELS aux établissements privés agréés aux fins de subventions

L’augmentation des sommes allouées aux écoles privées est importante : 75 M$ de plus en 2008 qu’en 2004. Une partie de l’augmentation vient de l’indexation des allocations (en fonction de divers paramètres détaillés dans les règles budgétaires), mais principalement du fait que la fréquentation scolaire du réseau privé augmente sans cesse comme nous l’indique le tableau 6.

Tableau 6 Fréquentation du réseau privé primaire et secondaire

Comme nous le voyons, le nombre d’élèves fréquentant le réseau privé augmente en moyenne, depuis les 4 dernières années de 1850 au secondaire et 535 au primaire. En estimant une augmentation constante de la fréquentation du privé et une majoration de la subvention de base de 4 % (indexation et autres mesures), nous pouvons postuler la fréquentation suivante jusqu’en 2012-2013 :

Tableau 7 Estimation de la fréquentation du réseau privé d’ici 2012-2013

Tableau 8 Estimation de l’évolution de la subvention gouvernementale d’ici 2012-2013

Nous arrivons donc, sur un horizon de quatre ans avec un coût de 124 764 516 $ pour le primaire et 451 553 354 $ pour le secondaire pour un total de plus de 576 M$, et ce, uniquement en fonction de la subvention de base et selon une courbe d’augmentation relativement conservatrice.

3.2 Sources de financement indirectes

Les crédits d’impôt

En plus de la subvention gouvernementale, dont les coûts sont connus, nous croyons qu’il est important de prendre en considération les autres coûts ou les manques à gagner que doivent assumer les différents paliers de gouvernement dans le maintien du réseau d’enseignement privé. Ainsi, certains coûts ne sont jamais pris en considération lorsque la question du financement public des écoles privées est abordée. Nous pensons, entre autres, aux crédits d’impôt offerts pour les dons aux fondations des écoles, qui s’élèvent en moyenne à 50 M$ par année.

Tableau 9 Dons aux établissements d’enseignement privés agréés aux fins de subventions

La plupart des écoles privées du Québec sont enregistrées en tant qu’organismes de bienfaisance auprès de l’Agence du revenu du Canada et, à ce titre, sont en mesure de remettre des reçus aux fins d’impôt. Il n’y a cependant pas de constance entre les écoles et plusieurs différences majeures sont remarquées. Les établissements les plus importants ont aussi des fondations que les petites écoles n’ont pas.

(…)

5 - Fin de la subvention et taux de retour au public

La comparaison avec l’Ontario nous montre que le fait de subventionner les écoles privées n’est pas le seul élément qui entre en ligne de compte dans le développement du réseau. En effet, l’Ontario a une fréquentation scolaire du réseau privé s’élevant à plus de 5 % (alors que le Québec est à 11 %). La fin de la subvention gouvernementale au Québec entraînerait certainement en une diminution de la fréquentation scolaire, mais il s’agirait avant tout d’un réajustement en faveur du système public qui subit une diminution de la fréquentation scolaire depuis quelques années.

Quel serait l’effet de la fin de la subvention gouvernementale sur le réseau privé ? Il est difficile de prévoir exactement la réaction des parents à un tel changement, mais comme nous l’avons montré, la fréquentation du privé au cours des dernières années est de plus en plus importante chez les familles gagnant plus de 90 000 $ et celles-ci se trouvent principalement dans les grandes régions urbaines (Montréal, Outaouais, Québec), où se trouvent aussi près de 80 % des écoles privées. Nous supposons donc que l’effet de la fin de la subvention serait moins important sur la fréquentation du secteur privé que ne le laissent croire les prises de position de la FEEP à travers les sondages et les autres études publiés au cours des dernières années.

Il est généralement admis qu’un certain nombre d’élèves retourneraient au secteur public conséquemment à la fin de la subvention. Le taux de retour varie énormément d’une étude à l’autre, allant de 10 % à 70 %. En 2005, le Regroupement pour la défense et la promotion de l’école publique estimait le taux de retour à 50 %.

Nous supposons nous aussi un taux de retour de 50 %, ce qui ramènerait la part du privé par rapport au public à un niveau équivalant à l’Ontario, soit autour de 5 %, tout en étant probablement légèrement surévaluée. En effet, compte tenu des nombreux autres droits facturés par les écoles privées que les parents assument déjà, nous croyons que la variation des frais de scolarité ne serait pas un facteur assez déterminant pour vider les écoles. Cependant, le retour des sommes investies par le gouvernement dans les écoles privées serait bénéfique pour le système public en plus de constituer une bonne occasion de revaloriser les écoles publiques.

Si le gouvernement avait cessé de subventionner les écoles privées en 2006-2007, ce serait 411 M$ (dont 388 M$ provenant de l’allocation de base) qui reviendraient au secteur public. En supposant un taux de retour de 50 %, il y aurait donc 57 500 élèves qui reviendraient au secteur public, ce qui se traduirait par les économies de coût suivantes :

Tableau 13 Économies à la suite du retrait de la subvention de base

En plus de l’allocation de base, le gouvernement récupérerait aussi l’allocation pour valeur locative. En 2006-2007, celle-ci s’élevait en moyenne à 110 $ par élève, pour un total de 14,6 M$

Tableau 14 Économies à la suite du retrait de la subvention tenant lieu de valeur locative

Nous sommes donc dans une situation où le coût de retour pour le gouvernement est négatif, c’est-à-dire qu’il en coûterait moins cher de mettre fin aux subventions. L’économie totale serait de 86 M$ (retour de l’allocation de base et l’allocation tenant lieu de valeur locative). Ce retour des élèves au public permettrait en outre de contrebalancer l’effet de la diminution démographique observée depuis quelques années.

En effet, un retour de 57 500 élèves se traduirait par une augmentation à 1 004 502 du nombre d’élèves fréquentant le public, soit un peu plus de 5 %, permettant ainsi de diminuer la décroissance démographique et d’assurer la pérennité des infrastructures publiques en réinjectant les sommes qui suivaient les élèves vers le privé.

Évidemment, comme nous le mentionnions plus tôt, il est difficile de prévoir la réaction des écoles privées et des parents à la suite de la fin de la subvention. Cependant, la situation socioéconomique des clientèles du réseau privé, leur concentration autour des grands centres urbains et la comparaison avec la situation ontarienne nous amènent à penser que la fin de la subvention aurait un impact négatif à court terme sur les écoles privées, mais que celles-ci continueraient d’être présentes. Il y aurait par contre un effet positif non négligeable sur le réseau public, qui retrouverait une part de financement, en plus de freiner la diminution démographique que subissent les écoles publiques depuis quelques années.

Autres gains non calculés

En plus de récupérer les sommes allouées directement par les allocations (86 millions de dollars), le gouvernement récupérerait une partie des sommes qu’il retourne par le biais des diverses déductions fiscales dont profitent les parents et les écoles privées.Ce montant que nous n’avons pas pu déterminer, faute d’avoir accès aux données fiscales, est cependant bien réel et nous permet d’affirmer qu’il en coûte au gouvernement davantage que les « 60 % » auquel il fait officiellement référence.

Conclusion

Le coût des écoles privées pour la société est important. Le mythe qu’un élève au privé ne coûte que 60 % du coût de formation d’un élève au public, pour les finances publiques, ne tient pas la route. Les écoles privées n’ont pas à travailler avec la même réalité que les écoles publiques, mais elles bénéficient largement des politiques gouvernementales. En plus des subventions pour les activités éducatives, elles ont accès à des programmes d’infrastructures, elles sont en mesure, en grande partie, de remettre des reçus d’impôt, qui se traduisent en fin de compte par des recettes fiscales moindres. Or, nous avons bien vu que la clientèle du réseau privé est de plus en plus nantie et nous savons que ce sont les tranches de revenus les plus élevées (100 000 $ et plus) qui profitent le plus des crédits d’impôt offerts.

La récente ouverture d’une école privée non agréée à Boisbriand vient supporter notre hypothèse, selon laquelle la subvention gouvernementale aux écoles privées n’est pas un élément déterminant dans le choix des parents. En effet, bien que n’étant pas agréé aux fins de subvention par le gouvernement du Québec, l’établissement doit tout de même refuser des élèves. C’est donc dire que le fait que le gouvernement subventionne les écoles privées ne favorise pas une plus grande liberté de choix pour les parents à plus faible revenu, qui est pourtant l’argument de poids des défenseurs des subventions gouvernementales aux écoles privées. Au-delà de cette question, nous avons montré la non-corrélation entre la subvention du gouvernement et la présence des écoles privées. Si le gouvernement met fin à son programme de subventions, nous estimons à au moins 86 M$ les économies qui pourraient être réalisées.

Au-delà des économies anticipées qui pourraient varier, l’importance d’une telle décision gouvernementale se ferait sentir à plusieurs niveaux. Il s’agit d’une prise de position claire dans la promotion de l’école publique. Depuis plusieurs années, celle-ci subit une forte pression et souffre d’une mauvaise réputation par rapport aux écoles privées, alors que la comparaison entre les deux réseaux est trompeuse. Redonnons à l’école privée sa raison d’être : arrêtons de la subventionner.

Avec la diminution de la population étudiante au public et l’augmentation au privé, les avantages sont nombreux à arrêter l’exode vers le privé. D’un point de vue strictement financier, il s’agit d’une décision avantageuse,avec plus de 86 M$ d’économies, tout en assurant un certain afflux d’élèves permettant de contrer la baisse de fréquentation du public observée depuis quelques années et de rehausser le niveau général de l’école publique. Mettre fin à l’écrémage ne peut que favoriser l’école publique. Cependant, les vrais avantages se feront sentir à un niveau beaucoup plus large et cela fait partie d’un choix de société réclamé depuis longtemps et qu’il est maintenant temps de faire.

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