Édition du 17 décembre 2024

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Féminisme

Le féminisme : parce qu’on est en 2016

(tiré du journal Entrée libre, journal communautaire de Sherbrooke, parution #191 mars 2016)

On ne naît pas féministe, on le devient au fil des circonstances. C’est en se posant des questions. À force d’être traitée comme « une fille », avec tous les sous-entendus péjoratifs que ça implique. Cela passe aussi par les petites choses : en évoluant dans un milieu où les stéréotypes sexuels sont ancrés, en revisitant l’histoire de l’art, ou simplement l’histoire de l’humanité, en regardant les modèles de femmes qui nous sont proposés à la télévision, bref, en vivant.

C’est à se demander pourquoi le féminisme existe encore malgré l’avancement de la cause. Injustement taxé de radicalisme, le féminisme de 2016 fait peur. Pourtant, ce mouvement combat les stéréotypes sexuels encastrés qui limitent hommes et femmes en les rangeant dans des cases bien définies. Le féminisme de 2016 questionne les modèles limitatifs qu’offrent la virilité et la féminité aujourd’hui : la femme est douce, sexy et jolie tandis que l’homme est fort, musclé et sûr de lui. Vraiment ? Le féminisme ose remettre ceci en question, car il est impossible que tous entrent dans ce moule.

Je suis la première à ne pas m’y reconnaître. Quelque part dans mon cheminement, cette façon de classer les sexes m’a fait comprendre que d’être une fille c’est synonyme de faiblesse et de vulnérabilité. Naître une fille, c’est presque un défaut quand tu veux être forte. J’y ai bien cru à ces stéréotypes sexuels qu’on me présentait. Un jour, je me suis donné le droit de remettre en question ces croyances établies et cette réflexion n’a jamais cessé. Dès lors, je me suis mise à exister à l’état brut, sans pression de conformité. J’ai eu trop de difficulté à accepter que j’étais une fille et j’ai trop combattu avec mon identité de femme pour conclure qu’être femme en 2016 c’est simple et que le féminisme est révolu.

Je suis aussi féministe parce que les médias de masse représentent des images qui véhiculent la marchandisation du corps et la culture du viol. En d’autres termes, on y présente les individus comme des objets. Ai-je à préciser qu’un objet, on peut le prendre et le jeter à notre guise ? Cette objectification encourage aussi les personnes à s’identifier à des corps et non comme des personnes à part entière. Ce surinvestissement de l’apparence alimente l’insatisfaction corporelle et est en lien direct avec le développement d’un trouble du comportement alimentaire. Par la bande, la marchandisation du corps dans les médias encourage les agressions en banalisant les violences sexuelles et en percevant les femmes comme des biens à consommer. On nous présente des images de femmes hautement sexualisées, c’est à penser que la beauté d’aujourd’hui est synonyme de disponibilité sexuelle. Comme femme… que dis-je ? Comme humaine ! Je ne me reconnais pas dans cela. Je n’ai pas envie d’en faire partie. Je nourris des idéaux fondés sur le la diversité, l’équité, le respect et la dignité.

Je suis féministe parce que comme femmes, il faut tellement être jolies. Parce que face à des standards de beauté irréalistes, j’ai vu trop de femmes insatisfaites de leur corps au point de mettre leur vie en péril. J’ai vu trop de femmes en souffrances terribles en raison des chiffres sur la balance.

Enfin, je suis féministe parce que je ne veux pas avoir la même vie que celle de ma mère. Plusieurs de ses difficultés étaient en lien direct avec la condition de la femme à son époque : les congés de maternité, l’accessibilité au marché de l’emploi, l’égalité des sexes dans la sphère privée, etc. Ce sont des luttes qu’elle a menées seule et dans le silence, comme tant d’autres.

Faque c’est ça.

Voilà pourquoi le féminisme est pertinent. Le féminisme consiste simplement à rester lucide et à maintenir un esprit critique. Il s’agit de questionner les informations reçues et d’analyser la consistance du raisonnement sous-jacent. C’est un travail de chaque instant. On ne se bat pas contre l’homme, mais avec lui. En remettant en question le rôle d’un sexe, automatiquement l’autre en sera affecté. C’est le retour du balancier. À mon avis, ce n’est qu’un manque d’information qui fait reculer certainEs devant le féminisme. Ce mouvement ne souhaite pas castrer l’homme ni dominer le monde, il veut juste l’équité.

Enfin, rappelons-nous que de revendiquer des changements sociaux a toujours été dérangeant, mais que l’espoir d’une société équitable en vaut la chandelle.

Caroline Dostie est stagiaire au baccalauréat en travail social chez Arrimage Estrie.

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