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Le Mur de Trump : une attaque symbolique contre les classes laborieuses

Publié le 2 février 2017

Mettre un mur dans un territoire qui a une histoire d’occupation, de corruption et de criminalité sans limites, est conforme à la logique de la bourgeoisie déterminée à convertir en menace tout ce qui est étranger. Surtout si cela inclut une couleur de peau, une langue et une culture déjà humiliées à n’en plus pouvoir. Dans le Mur de Trump se coagulent toutes les perversions du racisme et toutes les folies de l’impérialisme. Son prototype le plus évident est en Israël. Il coûtera 25 milliards de dollars. Et ils veulent le faire payer au peuple mexicain. C’est là qu’est la vraie « punition ».

C’est la logique des « gated communities » (quartiers résidentiels fermés) qui enchantent la petite bourgeoisie. Le magnat de l’immobilier le sait bien. Ce mur donne plus de relief aux idées les plus chères à la bourgeoisie : « ceci est à moi ». Il réaffirme la « propriété privée » et la mise à distance de l’« autre ». Il définit la caractérisation de « l’autre » comme « dangereux » et s’intronise comme correctif symbolique indélébile pour que le monde comprenne de quel côté est le « pouvoir ». Quand le vrai pouvoir est du côté du peuple… bien que les peuples (pour l’instant) ne voient pas cela très clairement.

Cela semble être une antiquaille de magnat prétentieux, cela semble un caprice de « gosse de riche » déterminé à nous punir avec son ego débridé. Cela semble une idiotie… cela semble mille choses dans un monde où rien n’est ce qu’il paraît. Alors qu’il pouvait prendre mille mesures douanières, fiscales, technologiques, exhiber ses « Rambo », ses soldats et ses armes. Alors qu’il pouvait semer des paramilitaires (comme au Venezuela), financer des Ku Klux Klan, des drones, des chiens, des faisceaux laser… il pouvait imposer des lois plus « dures », une presse encore plus au fond du caniveau, des Border patrols plus fascistes… il pouvait mille choses, mais il a choisi le Mur. Et ce n’est pas innocent.

Le Mur de Trump est un baume médiatique pour les angoisses endogènes de l’empire. C’est un baume opportuniste de longue durée et aux innombrables effets à long terme. C’est miroir idéologique de briques et de ciment dans lequel se reflète, de l’intérieur, la monstruosité du capitalisme et sa logique d’asservissement. Chaque fois que vous Trump le mentionne, il déploie un drame historique infesté par l’humiliation du pillage et de l’esclavage ancestraux subis par les immigrés dépossédés et maltraités. Pendant ce temps, les meutes néolibérales inféodés à l’empire au Mexique, ne font que mettre “another brick in the wall” (« une autre brique dans le mur »). Le mur est une forme de guerre idéologique.

Pour l’instant, la simple mention du mur a déjà suscité des sympathies de classe et des solidarités idéologiques. Des deux côtés du Mur. Nous ne sommes pas assez naïfs pour croire que l’initiative d’une telle aberration n’est née que d’un côté. Ils ont construit des murs (commerciaux, politiques, raciaux, éducatifs…) d’envergure similaire ou pire et ils ont toujours bénéficié de la complicité volontariste de secteurs serviles. Cela a été notre lot. Le mur est donc une forme de torture comme l’aime Trump.

Mentionner le mur (achever sa construction) a également servi à aiguillonner les coryphées candidats à au rôle d’entremetteurs pour inspirer morale et méthode dans la tâche de s’agenouiller devant le mur. Avec des arguments comme « sécurité », « stabilité économique », « bien commun » et leur blablabla aux « quatre vents », ils vocifèrent des recettes diplomatiques pour rester bien entre eux. Les peuples n’ont pas leur place à la table de leur partage de butins. Certains ont déjà le budget pour terminer le mur, d’autres ont déjà le discours pour l’inaugurer, d’autres encore ont les bons « journalistes » pour tenir la chronique de la la construction, minute par minute… en fin, chacun veut sa part matérielle et politique pour élargir ses affaires et ses sympathies avec l’empire.

Le travail des émigrés/immigrés n’est pas un cadeau de l’empire. Mettons les points sur les i : chaque dollar gagné est une accumulation de richesse pour les Yankees qui profitent du travail esclave. Les travailleurs paient un prix élevé (pas seulement pour ce que prélèvent les entreprises parasites pour les envois de fonds), mais parce que la majorité des migrants s’échinent tous les jours, et doivent épargner, bien qu’ils vivent avec toutes les limitations possibles, sous le poids de la distance, de la solitude fréquente, du statut d’ »illégal », la marginalisation, le racisme, la peur, la méfiance systématique et la maltraitance coutumière. Et tout cela dans des terres qui ont été volées par l’empire yankee. Cela aussi est rendu visible par le Mur qu’ils veulent financer également avec les envois de fonds des compatriotes.

Ce Mur est un acte inacceptable et inhumain de provocation. Il contient la menace de tuer et de réprimer des milliers de personnes. C’est un Mur conçu pour accentuer l’injustice subie par les immigrants traités comme « illégaux » et c’est un piège pour tous ceux qui, pour survivre, sont à la recherche d’une source quelconque d’« emploi ». La frontière avec les USA, et pas seulement elle, est une source permanente d’abus, d’exploitation et d’ignominie et le projet de compléter ce Mur est un affront si grand que l’on ne peut pas ne pas se préparer aux conséquences. Ceux qui causent le chômage, qui génèrent la misère prennent maintenant des mesures de « contrôle » pour mettre de « l’ordre » à la frontière. Tout en bénéficiant des envois de fonds, bien sûr !

Ce que le Mur n’arrêtera pas, ce sera la tragédie du chômage, la barbarie de l’humiliation, l’enfer de la faim et la monstruosité de la dépossession. Tout le contraire. Il met en lumière la barbarie, l’aberration et la gifle avalisées par la bourgeoisie, qui ne connaît ni limites ni freins dans la phase prédatrice où se trouve l’empire. Le Mur est son miroir.

Ils mettent le Mur pour nous réduire au silence et faire taire toute rébellion, nous (tous) pouvons donner l’exemple et transformer le monde. Que ce Mur explose sous les coups des luttes indigènes, paysannes et ouvrières, d’en bas et jusqu’au ciel. Que le Mur explose avant, pendant et après sa construction. Que le Mur explose par la grâce des travailleurs, d’ici et de là, migrants et non-migrants, unis cette fois pour toujours.

Fernando Buen Abad Domínguez

Traduit par Fausto Giudice Фаусто Джудиче فاوستو جيوديشي

Source :

http://www.es.lapluma.net/index.php?option=com_content&view=article&id=9124:2017-01-27-19-09-23&catid=58:opinion&Itemid=182

Date de parution de l’article original : 27/01/2017

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