8 avril 2021 | tiré de Regards sur l’Arctique
Photo : Des membres du parti Inuit Ataqatigiit agitent des drapeaux alors qu’ils célèbrent après les résultats des sondages de sortie de l’élection législative à Nuuk, le 6 avril 2021. (Emil Helms/AFP)
Avec 36,6 % des suffrages, Inuit Ataqatigiit (IA), jusqu’ici dans l’opposition, s’est imposé de plus de 2000 voix face au Siumut, formation sociale-démocrate qui domine la vie politique groenlandaise depuis l’autonomie de 1979. Favorable à la mine, cette dernière dirigeait le gouvernement local sortant.
Selon les résultats définitifs, annoncés tard dans la nuit au Groenland, IA obtiendra 12 des 31 sièges de l’Inatsisartut, le Parlement local, contre 8 jusqu’à présent.
Après une victoire en 2009, c’est seulement la deuxième fois que le parti détrône le Siumut de son rang de premier parti du Groenland, immense territoire seulement peuplé de 56 000 habitants. Sur les quelque 41 000 électeurs inscrits, seuls 65,8 % d’entre eux ont voté lors du scrutin, une chute de six points par rapport aux précédentes législatives.
Le Siumut, en déclin ces dernières années et affaibli par des querelles fratricides, réalise toutefois un score meilleur que prévu par les sondages. Avec 29,4 % des voix, il gagne plus de deux points par rapport au dernier scrutin et devrait remporter un fauteuil supplémentaire, avec dix sièges.
Sans majorité absolue, le scénario le plus probable est désormais qu’IA s’allie avec un ou deux petits partis pour former une coalition gouvernementale.
Après avoir remercié les électeurs pour la victoire lors d’un débat télévisé réunissant les chefs de partis après les résultats, son dirigeant Mute Egede a annoncé qu’il allait engager immédiatement des discussions pour « étudier les différentes formes de coopération » avant la formation d’une coalition gouvernementale.
Ouvertement opposé à l’exploitation du gisement d’uranium et de terres rares de Kuannarsuit à la pointe sud du territoire, IA entend stopper le projet qui est à l’origine de la tenue anticipée du scrutin, à l’issue d’une crise politique en février.
« Le message des électeurs est très clair : ils ne sacrifieront pas l’environnement au service de l’économie », observe Mikaa Mered, universitaire spécialiste des pôles à Sciences Po Paris.
IA a d’ailleurs promis de signer l’Accord de Paris sur le climat, que le Groenland est l’un des rares à ne pas avoir ratifié.
Porté par un groupe australien à capitaux chinois, Greenland Minerals, le projet minier de Kuannarsuit présente des risques environnementaux trop élevés, notamment de déchets radioactifs, selon ses opposants.
Il ne devrait pas se concrétiser, à l’issue du processus de consultations publiques attendu début juin.
L’opposition d’IA à toute extraction d’uranium ne devrait pas arranger les affaires du groupe nucléaire français Orano qui a récemment reçu des permis d’exploration pour chercher des gisements de cet élément.
Le président du parti Inuit Ataqatigiit, Mute Egede devrait devenir le plus jeune premier ministre au monde, même s’il n’est pas chef de gouvernement de plein exercice. (Christian Klindt Solbeck/AFP)
À 34 ans, Mute Egede a grandi à Narsaq, village d’un millier d’habitants près duquel se trouve le gisement de Kuannarsuit et où IA a réalisé un score triomphal de 67,7 %.
Le député, qui a pris les rênes de la formation gauche-verte il y a un peu plus de deux ans, siège à l’Inatsisartut depuis 2015.
Il devrait devenir le plus jeune premier ministre au monde, même s’il n’est pas chef de gouvernement de plein exercice. « Je suis peut-être jeune, mais c’est aussi ma force », a-t-il dit mercredi matin.
Selon un sondage publié lundi, 63 % des Groenlandais sont contre ce projet minier, considéré comme l’un des plus importants gisements au monde pour les terres rares et situé en plein milieu des seules terres agricoles du territoire. Mais sur l’exploitation minière en général la tendance est inverse (52 % pour, 29 % contre).
Depuis 2009, la gigantesque île recouverte de glaces gère elle-même ses ressources naturelles, mais son budget n’est viable que grâce aux apports du Danemark, qui contrôle encore la diplomatie, la défense et la monnaie.
Copenhague, qui verse plus de 520 millions d’euros par an au gouvernement groenlandais, soit un tiers de son budget total, lui couperait les vivres si le territoire décidait de devenir indépendant, une possibilité reconnue par la Constitution danoise.
Ces dernières années, Nuuk a donc cherché à diversifier ses revenus propres, notamment avec la pêche, qui représente 90 % de ses exportations, les projets miniers ou encore le tourisme.
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