« Cette exclusion, injuste en elle-même, contribue à compliquer le parcours de ces personnes qui ne vont pas à l’école, restant à la maison, parfois seules, coupées, parfois durant plusieurs années, de conditions permettant de développer leurs talents et leurs aptitudes mentales, physiques et sociales indispensables à leur plein épanouissement et à leur vie dans la société », soutient Radney Jean-Claude du CESF. Il ajoute que « Québec dispose de tous les pouvoirs discrétionnaires pour changer maintenant la situation afin que, dès la prochaine rentrée, en août 2013, il n’y ait plus de nos concitoyens et concitoyennes hors des murs des établissements d’enseignement parce qu’ils ou elles sont dans l’impossibilité de fournir les documents exigés à l’inscription ».
Dans la lettre envoyée aux trois ministres, le CESF rappelle « le droit à l’éducation pour toute personne sans discrimination est consacré dans de nombreux instruments internationaux de protection des droits humains dont le Canada est signataire » et que de nombreux pays, États (comme le Texas ou la Californie) et provinces (dont l’Ontario) « ont des lois et des mécanismes qui protègent le droit à l’éducation des personnes, même en situation irrégulière. »
Branche du réseau de lutte et de soutien Solidarité sans frontières, le CESF travaille avec de nombreux migrants auxquels l’État ne reconnaît pas le droit d’être présents sur le territoire. Il revendique que les migrant-e-s cessent d’être exclus de l’école publique en raison de leur statut d’immigration et, plus largement, que toute personne, peu importe son statut migratoire, ait accès gratuitement à l’éducation publique, de la maternelle à l’université.
La lettre
Collectif éducation sans frontières
1500 de Maisonneuve Ouest, #204
MONTREAL H3G 1N1
www.solidaritesansfrontieres.org
Tel : (438) 933-7654
Fax : (514) 848-7584 solidaritesansfrontieres@gmail.com
Montréal, le 31 juillet 2013
Pauline Marois, Première Ministre Édifice Honoré-Mercier 835, boul. René-Lévesque Est, 3e étage Québec, Québec G1A 1B4
Marie Malavoy, Ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport 600, rue Fullum, 9e étage Montréal, Québec, H2K 4L1
cc : Vincent Arciresi, Président de la Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île Lucie Désilets, Présidente de la Commission scolaire Marie-Victorin Catherine Harel-Bourdon, Présidente de la Commission scolaire de Montréal Diane Lamarche-Venne, Présidente de la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys Louise Lortie, Présidente de la Commission scolaire de Laval
Madame la Première ministre, Madame la Ministre,
Le 21 juin 2013, Madame Marie Malavoy, vous affirmez à propos des enfants sans papiers « qu’il est de [votre] devoir et de [votre] responsabilité, en tant que ministre de l’Éducation, d’agir rapidement pour que, dès la prochaine rentrée, ces enfants soient dans des salles de classe. ».
Au regard de la (non) mise en œuvre et des limites des mesures annoncées, force est de constater que l’urgence de la situation n’est pas prise en compte.
Quatre semaines après cette conférence de presse, rien ne nous permet de croire que les enfants sans papiers pourront effectivement rajouter la rentrée des classes dans leur calendrier. L’échéance du 28 août approche à grand pas et aucune mesure concrète n’a été communiquée en ce qui concerne le plan d’action du MELS sur l’accès à l’éducation gratuite des enfants immigrants à statut précaire et une multitude de questions restent sans réponse :
1- Comment les enfants sans papiers pourront-ils s’inscrire comme les autres enfants, c’est-à- dire gratuitement, en obtenant un code permanent leur permettant de participer pleinement au circuit scolaire ? Quels sont ces « encadrements administratifs assouplis » promis lors de votre conférence de presse ? Quelles sont ces « catégories d’élèves » élargies qui « seront exemptées de la contribution financière » ?
2- Comment garantir la confidentialité des familles ? La loi de protection des renseignements personnels dans le domaine public s’applique-t-elle pour les familles sans-papiers ? Les familles sans papiers, sans l’assurance que leurs informations personnelles demandées par les commissions scolaires du Québec ne seront pas divulguées (en particulier à l’Agence des services frontaliers du Canada), resteront dans la crainte d’inscrire leurs enfants à l’école. Sans la garantie de la confidentialité, les mesures prises risquent de ne pas avoir grand effet. La ministre ne s’est pas engagée à garantir la confidentialité des informations sur les familles, alors que c’est un point essentiel concernant la scolarisation des enfants sans papiers. Permettre l’inscription gratuite pour les enfants (de) sans-papiers avec une simple preuve de résidence (certification assermentée devant notaire ; un bail ou des factures) devrait suffire.
3- Quand les commissions scolaires arrêteront-elles de demander des frais de scolarité aux personnes sans papiers ? La situation des personnes sans statut d’immigration est suffisamment précaire pour qu’il soit possible d’affirmer qu’il est honteux de continuer à leur réclamer des frais de scolarité et que ces personnes sont en droit d’exiger le remboursement des sommes qu’elles ont payées (5000 à 6000 dollars par année).
4- Comment le ministère va-t-il publiciser les nouvelles mesures administratives annoncées ? Le ministère envisage-t-il de mener une campagne (multilingue) pour informer les familles (dans les médias et journaux communautaires par exemple) ?
En ce qui concerne les perspectives sur le long terme, il a été évoqué dans la conférence de presse un possible changement de l’article de la loi sur l’instruction publique au Québec qui continue de lier statut migratoire et accès à l’éducation. Cette loi dénote un manquement de la part des politiques à se questionner sur la définition même du droit à l’éducation dans la société québécoise et est en contradiction avec les obligations nationales et internationales — assurer l’accès universel à l’éducation gratuite sans discrimination — consignés dans les instruments de protection des droits humains, comme la Déclaration universelle des droits de l’homme (article 26), la Convention relative aux droits de l’enfant (article 28) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (article 13). Il est temps de changer la loi au Québec qui, nous le rappelons, est en retard sur cette question.
La rentrée scolaire est le 28 août et les enfants sans papiers ne peuvent pas attendre indéfiniment que les décisions adoptées leur ouvrent concrètement les portes de l’école. Nous attendons avec impatience une réponse de votre part avant le 5 août 2013.
Si le ministère ne fait pas la preuve de sa détermination à garantir l’accès à l’école de tous les enfants sans discrimination, nous (le collectif Éducation Sans Frontières) nous engageons à :
– poursuivre la mobilisation et les campagnes de sensibilisation en invitant nos alliés à rejoindre le mouvement
– dénoncer publiquement l’immobilisme du gouvernement et les pratiques discriminatoires des commissions scolaires
– saisir la justice.
En attendant votre réponse,
Collectif Éducation Sans Frontières (Montréal)